Suite de l’affaire de deux jeunes agriculteurs de Lozère dont les projets d’installation, avec construction de bâtiments, sont compromis en raison de l’application locale de la loi littoral pour le lac de Naussac. Ce 17 novembre, le syndicat des Jeunes Agriculteurs a pris le dossier en main en déposant un recours pour contester le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI).
Vous avez été très nombreux à vous offusquer devant la situation ubuesque vécue par Eugénie Brajon d’une part et Damien Martin d’autre part, deux jeunes agriculteurs de moins de 25 ans dont les dossiers d’installation ont d’abord été validés, avant que la construction de leurs bâtiments ne soient officiellement compromises en raison de l’application locale de la loi littoral sur le lac de Naussac (lien en fin d’article pour notre reportage sur place, avec les photos expliquant la situation).
Vous qui avez suivi le dossier, vous savez que c’est la définition du contour, intégrant la zone que l’on appelle « espace proche du rivage« , qui est en cause : la loi littoral prévoit ainsi que de nouveaux bâtiments ne puissent pas être construits s’ils sont visibles du rivage du lac. Or, les bâtiments des deux jeunes agriculteurs étaient situés de telle façon qu’ils ne l’étaient pas, mais l’administration, en dessinant cet espace proche du rivage sur la carte de manière très large, excluait pourtant toute construction au-delà des instructions de la loi.
Cet « espace proche du rivage » a été validé officiellement le 20 février dernier par la communauté de communes, lorsque celle-ci a adopté son PLUI.
Aujourd’hui, 17 avril, c’est le syndicat des Jeunes Agriculteurs de Lozère qui prend le dossier en main. En son nom, son président, Julien Tuffery, a en effet déposé un recours pour dénoncer le PLUI. Il avait deux mois pour le faire, il est donc dans les temps. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’une nouvelle période deux mois est ouverte est renégocié les termes du PLUI. Et si aucun accord n’est trouvé, il sera alors temps de poursuivre devant les tribunaux.
En l’occurrence, il ne s’agit pas tant d’être procédurier, mais juste de réparer l’injustice vis-à-vis des agriculteurs, sans chercher à remettre en cause l’ensemble du PLUI (et donc le travail des élus locaux en lien avec la préfecture). D’ailleurs, les projets d’installation impliquent la construction rapide des bâtiments, l’option choisie consiste donc à agir pour les agriculteurs, pas à remettre à plat l’ensemble du PLUI, lequel a été défini en plusieurs années.
Les JA de Lozère expliquent leur action dans un communiqué de presse :
« C’est jeudi 17 avril 2014, à la veille de leur assemblée générale que les Jeunes Agriculteurs de Lozère ont déposé un recours pour dénoncer le PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunale) auprès de la communauté de commune du Haut Allier et de la préfecture de la Lozère. En effet, l’interprétation de la loi littoral mise en évidence par le PLUI de Langogne interdit les nouvelles constructions au alentour du lac artificiel de Naussac. Deux jeunes exploitants voient depuis cette annonce l’horizon se noircir. « Notre objectif n’est pas de mettre à mal les élus de la communauté de communes mais bien de trouver des solutions pour les jeunes exploitants. Nous ne voulons plus qu’agriculture et lac de Naussac rime avec arnaque ! » s’exclamait Julien Tuffery, président des Jeunes Agriculteurs Lozère. » (fin de communiqué, la citation est incluse dans le communiqué)
WikiAgri s’est procuré le texte des recours (dans les faits, il y en a deux, l’un adressé à la communauté de communes du Haut-Allier, l’autre à la préfecture de Lozère, l’un et l’autre reprenant les mêmes énoncés). Après un rappel des faits (les mêmes que ceux exposés dans notre précédent article, mais écrits en termes juridiques), ces recours lancent trois « discussions » (c’est le mot utilisé) dont chacune peut (et doit) déboucher sur la solution espérée.
La première discussion rappelle l’esprit de la loi littoral et remet en cause son application pour le lac de Naussac. L’argumentation porte sur le fait que cette application fut plus mécanique (le lac fait plus de 1000 hectares comme indiqué dans le texte de loi) que réfléchie, compte-tenu du fait qu’il s’agit d’un lac artificiel, construit par la main de l’homme, et qu’il n’y a donc pas de capital environnemental à préserver.
La deuxième discussion consiste à redéfinir les « espaces proches du rivage » en tenant compte des réalités du terrain, c’est-à-dire à faire évoluer la courbe dessinée sur la carte selon les circonvolutions du terrain qui rendent invisibles les bâtiments prévus depuis le rivage.
La troisième discussion rappelle le contexte juridique qui autorise le préfet de département à prendre des mesures dérogatoires pour accepter la construction de bâtiments agricoles. Je cite le texte du recours : « (…) les services de l’Etat auraient pu autoriser une constructibilité agricole limitée au sein du périmètre des espaces proches du rivage en motivant cette dérogation de par les spécificités locales et les enjeux économiques importants que représente la construction des bâtiments à usage agricole pour les exploitants concernés et le territoire langonais. Qu’il aurait suffi aux services de l’Etat de justifier cette constructibilité en présentant ces spécificités liées à la configuration particulière des lieux. Qu’ainsi les dispositions de la loi Montagne et celles de la loi Littoral auraient été conciliés et préservés de façon équilibrée et désintéressée (…). » Le texte de loi auquel fait référence cette troisième discussion est cité, il s’agit du II de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme.
La procédure lancée par les JA de Lozère ouvre donc le champ à de nouvelles discussions. Elle est suffisamment précise, qui plus est en donnant le choix entre trois solutions, pour permettre de trouver un accord rapide, dont tout le monde a besoin : ceux qui ont signé le premier le 20 février (élus de la communauté de communes et représentants de la préfecture) pour montrer qu’ils savent réagir et réparer une injustice dont on oubliera vite dans ce cas d’où elle est venue, les deux JA qui doivent s’installer, et accessoirement le contribuable qui n’a aucun intérêt à payer une procédure trop longue.
Parallèlement à l’action des JA, il faut noter que le député de la Lozère, Pierre Morel A L’Huissier (qui a aidé à la rédaction des textes des recours en tant qu’avocat spécialisé en droit des collectivités publiques) compte intervenir à l’Assemblée sur le sujet (il l’aurait déjà fait le 10 avril dernier si le programme parlementaire n’avait été chamboulé en raison du changement de gouvernement).
Il s’ajoute ainsi à la structure syndicale des JA et aux très nombreux soutiens populaires récoltés à travers la médiatisation de l’affaire et aux reprises innombrables sur les réseaux sociaux.
Désormais, plus personne ne comprendrait que l’on ne trouve pas un dénouement heureux dans des délais rapides. Les recours donnent dans leurs textes des pistes à la fois sérieuses et précises. Il est encore temps, pour tous les intervenants, de sortir par le haut de cet imbroglio… Finalement, personne n’a intérêt à aller au-delà des deux mois de concertation qui s’ouvrent désormais.
En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/en-lozere-la-mauvaise-volonte-tourne-au-scandale/1020 (notre reportage sur place, avec les photos explicatives).
Ci-dessous, de gauche à droite, Eugénie Brajon, Damien Martin (les deux jeunes concernés), et Julien Tuffery, président des JA de Lozère (également vice-présient de la Chambre d’agriculture), celui par lequel le recours arrive.