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Agroalimentaire français, un pilier dans une mauvaise passe

Le bilan 2013 de la situation économique du secteur agroalimentaire français établi par l’Ania indique que l’année a été difficile pour un secteur qui n’en demeure pas moins un « pilier » de l’économie française.

L’Association nationale des industries alimentaires (Ania), qui représente 20 fédérations nationales sectorielles et, au total, près de 12 000 entreprises (dont plus de 90 % de PME), a présenté son bilan annuel 2013 de la situation du secteur agroalimentaire français lors d’une conférence de presse le 10 avril dernier. Ces chiffres étaient d’autant plus attendus que l’année 2013 a été marquée à la fois par l’affaire de la viande de cheval (le groupe Findus, qui a été au cœur de la tourmente en France, a d’ailleurs annoncé en mars que ses ventes de plats cuisinés surgelés avaient baissé de 17 % en France en 2013) et par les difficultés rencontrées par de nombreuses entreprises du secteur, notamment en Bretagne (abattoirs Gad, volaillers Doux et Tilly-Sabco, filiales bretonnes de Marine Harvest, Fraisnor, etc.). Que faut-il en retenir ?

Le bilan de l’année 2013 établi par l’Ania indique que le secteur agroalimentaire affecté comme les autres secteurs par la crise que traverse l’économie française depuis quelques années demeure fragile, mais qu’il apparaît aussi toujours, selon les termes mêmes de l’association, comme un « pilier de l’économie française », compte tenu de son importance fondamentale pour l’économie nationale tant en termes de production que d’emploi ou de commerce extérieur.

5 000 emplois pourraient disparaître

Dans une dépêche publiée le 10 avril, l’AFP a parlé d’« année noire » pour qualifier l’année 2013 dans le secteur agroalimentaire. Jean-Philippe Girard, le président de l’Ania, a, quant à lui, fait état lors de la conférence de presse d’une année « extrêmement, extrêmement difficile » pour le secteur.

Ces difficultés se sont tout d’abord traduites par une baisse de la production, de l’ordre de 2,2 % en 2013. Cela représente une baisse que l’industrie agroalimentaire n’avait pas connue depuis 2009, année de la grande récession de l’économie française et, plus largement, de l’économie mondiale. Cette baisse a même été plus prononcée en France que dans les autres pays européens équivalents : baisse de 1,5 % au Royaume-Uni, de 1,0 % en Espagne et en Italie, tandis que la production agroalimentaire allemande a été globalement stable en 2013.

Le chiffre d’affaires du secteur a également peu progressé l’année passée (+ 0,6 % en volume) pour un montant total de 160,5 milliards d’euros. Le rythme de croissance s’est, en effet, ralenti puisqu’en 2012, celle-ci s’établissait à 2,3 %. Le nombre de défaillance d’entreprises du secteur a d’ailleurs atteint un niveau record en 2013 : 316, contre 297 en 2012 et 247 en 2011. C’est au total 100 entreprises de plus qui ont disparu par rapport au chiffre de 2010. En conséquence, l’emploi s’est dégradé dans le secteur puisque 4 824 emplois y ont été détruits en 2013, alors qu’un an plus tôt, seuls 3 900 emplois avaient été supprimés. Jean-Philippe Girard, lors de la conférence de presse présentant le bilan 2013, a indiqué que « les pertes d’emplois s’accélèrent depuis ces trois dernières années » dans le secteur. Or, cette tendance devrait se poursuivre en 2014. L’Ania estime, en effet, que cette année quelque 5 000 emplois pourraient disparaître dans l’agroalimentaire.

Cette situation délicate pour le secteur agroalimentaire s’explique en grande partie par la consommation atone des ménages français. Selon l’Insee, la progression de la consommation de produits alimentaires n’a été ainsi que de 0,1 % sur un an, entre janvier 2014 et janvier 2013. Elle avait même baissé de 0,5 % en 2012. Cette stagnation de la consommation est liée bien évidemment à la faible progression du pouvoir d’achat dans un contexte de chômage élevé, mais aussi, on a eu l’occasion de le voir dans la rubrique « Réflexions » de WikiAgri, à une crise de confiance des consommateurs français vis-à-vis de l’industrie agroalimentaire. Le rapport annuel 2012 de l’Ania, paru en juin 2013, indiquait d’ailleurs à ce propos que « alors que les produits alimentaires n’ont jamais été aussi sûrs, le climat de défiance est inégalé en France. L’alimentation moderne est presque devenue synonyme de danger alors qu’elle était, il y a encore quelques années, valorisée ».

La course aux prix bas en cause

Mais l’Ania pointe aussi d’autres facteurs pour expliquer la fragilité actuelle du secteur agroalimentaire français. Il s’agit de la volatilité des coûts des matières premières et surtout de la pression sur les prix exercée par la grande distribution que l’association, qui se présente comme « le porte-parole de l’industrie alimentaire » agissant « pour promouvoir les intérêts des entreprises du 1er secteur économique français », qualifie de « guerre des prix ». Pour Jean-Philippe Girard, cette course au prix bas « pèse terriblement » sur la santé économique du secteur. Le 1er avril, il avait également expliqué devant les industriels laitiers que « la guerre des prix, c’est nous qui la finançons. Elle tue la croissance et une entreprise par jour dans notre secteur. Elle tue l’emploi ». On peut observer, en effet, une différence nette entre la France et les autres pays européens en termes d’augmentation des prix. En 2013, les prix à la consommation des produits alimentaires et des boissons ont augmenté de 1,1 % en France, alors que, compte tenu du coût élevé des matières premières, ils progressaient de 3,7 % en Allemagne, de 3,6 % en Grande-Bretagne, de 2,7 % en Espagne et de 2,1 % en Italie.

Enfin, dans une Note de conjoncture parue en janvier 2014, l’Ania avait également montré du doigt l’environnement législatif et réglementaire des entreprises agroalimentaires en expliquant que « la complexité législative, administrative et réglementaire occasionne des coûts supplémentaires pour les entreprises, d’autant plus quand il s’agit d’initiatives franco-françaises qui pénalisent leur compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents européens ».

Pilier de l’économie française

Malgré ses difficultés, l’Ania considère que l’industrie agroalimentaire (IAA) reste le « pilier de l’économie française ». Elle est, en effet, le premier secteur industriel en France en termes de chiffre d’affaires. En moyenne, celle-ci se porte d’ailleurs mieux que le reste de l’industrie française. Selon l’Insee, les entreprises agroalimentaires « ont confirmé leur aptitude à mieux résister aux crises que les autres activités manufacturières ». Alors qu’en 2013, la production de l’industrie manufacturière était encore inférieure de 15 % à son niveau d’avant-crise (2007), celle de l’IAA était restée globalement stable. L’agroalimentaire est également le premier employeur industriel français avec des effectifs qui s’élèvent à 492 608 salariés.

L’industrie agroalimentaire constitue aussi un pôle essentiel du commerce extérieur français puisqu’elle représente le second excédent commercial après l’aéronautique, avec un solde excédentaire de 8,51 milliards d’euros en 2013. Il est à noter que ce solde positif s’est quelque peu dégradé par rapport à 2012. Il s’élevait alors à 9,19 milliards d’euros. En effet, même si les exportations se sont développées (+ 1,4 %), les importations ont progressé à un rythme plus rapide (+ 3,9 %). La note de conjoncture de l’Ania du mois de février 2014 indique qu’en 2013, ce sont les boissons et, dans une moindre mesure, les produits laitiers qui ont dégagé les excédents commerciaux les plus importants, tandis que les préparations et conserves à base de poisson, les huiles et graisses végétales et les produits à base de fruits et de légumes avaient généré les plus forts déficits du secteur. Il est à noter que, sans les boissons, le solde commercial des industries agroalimentaires aurait été déficitaire de 2,3 milliards en 2013.

Dans ce contexte, quelles sont les perspectives pour 2014 ? L’Ania estime que celles-ci devraient être tout de même plutôt favorables si la croissance de l’économie française repart de façon effective. Jean-Philippe Girard a parlé à ce propos de « frémissement » et de « timide reprise » lors de la conférence de presse qu’il a donnée. L’un des symptômes de cette reprise serait notamment l’augmentation des investissements dans le secteur avec une hausse de 5 à 7 % en 2014. Autre symptôme de reprise, l’association prévoit 90 000 recrutements dans l’agroalimentaire d’ici 2017.

En savoir plus : www.ania.net/bilan-economique-2013-et-perspectives-2014-lindustrie-alimentaire-pilier-de-leconomie-francaise (communiqué de l’Ania publié le 10 avril 2014), http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL6N0N231O20140410 (dépêche de l’agence Reuters relative au bilan 2013 de l’Ania), www.lemonde.fr/economie/article/2014/03/18/la-croissance-de-findus-stoppee-net-par-le-scandale-de-la-viande-de-cheval_4384932_3234.html (données sur Findus dans un article publié dans Le Monde), www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=19&date=20140228 (données de l’Insee sur la consommation des ménages en 2013), www.ania.net/sites/default/files/ra_ania-planche.pdf (rapport annuel 2012 de l’Ania), www.ania.net/sites/default/files/note_de_conjoncture_53_janvier2014_2.pdf (note de conjoncture de janvier 2014 de l’Ania), www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/tef2014.pdf (Edition 2014 des Tableaux de l’économie française de l’Insee), www.ania.net/sites/default/files/note_de_conjoncture_54_fevrier2014.pdf (note de conjoncture de février 2014 de l’Ania).

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