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Filières animales, les Français consomment plus de viande

Les consommateurs français achètent moins de viande mais ils en consomment plus car ils prennent davantage leurs repas hors domicile. Hors la production française de viande décline. Les déficits croissants des échanges commerciaux témoignent le déséquilibre de plus en plus important entre l’offre et la demande de viande sur le marché français.

Les Français ne sont pas devenus des végétariens et ne sont pas prêts à le devenir. «  En 2022, la consommation nationale apparente totale de viande (à et hors domicile, telle que calculée par bilan (1) s’accroît sur un an (+ 0,8 %), quasiment au même rythme qu’en 2021 (+ 0,7 %), année de la reprise post-Covid, mentionne une étude d’Agreste intitulée ‘’

 La consommation de viandes en France en 2022’’. Elle retrouve le niveau de 2019, avant Covid ». Par ailleurs, 3,85 millions de tonnes équivalent carcasse (Mtéc) de viande de boucherie et 1,93 Mtec de viande de volaille et de lapin ont été consommées. La consommation de viande d’animaux de boucherie a augmenté de 1,1 % l’an passé par rapport à 2021 et celle de poulet (1,53 Mtéc) de 4,7 % après + 4,5 % en 2021.

Pour autant, les Français ont le sentiment d’avoir consommé moins de viande car ils en achètent toujours moins chaque année. Toutes catégories de viande de boucherie confondues, 1,44 Mtéc a été achetée l’an passé, un recul de 4,2 % en un an.

Hormis la viande porcine dont les achats ne se sont repliés que de 1,7 % sur an, jusqu’à 15 % de viande bovine, ovine et chevaline en moins ont été achetées.

En fait, l’inflation a conduit les ménages à revoir la composition de leur panier alimentaire.

En diminuant les quantités de viande achetées (- 5,7 % pour la viande de volaille par exemple), ils compensent partiellement ou totalement la hausse des prix (+ 7,8 % pour la viande de volaille).

Mais davantage de repas sont toujours pris hors domicile. Or comme les quantités de viande produites en France se replient, la viande consommée en plus est de la viande importée, en grande majorité de pays de l’Union européenne.

« Couvrant 21 la consommation de viande bovine à 88 % d’origine européenne, les importations augmentent fortement (+ 22,9 % par rapport à 2021) », affirme ainsi le service statistique du ministère de l’Agriculture.

Un déficit proche de 3 Mds d’€

De même, « les importations de viande ovine augmentent de 7,8 % sur un an et leur part dans la consommation de viande ovine atteint 54 %, gagnant deux points sur un an ». Les volumes en provenance du Royaume‑Uni, principal fournisseur de la France, repartent à la hausse (+ 12,5 % par rapport à 2021).

Toutes catégories confondues, les importations françaises de viande s’élèvent à 3,7 milliards d’euros (Mds d’€) depuis le mois de janvier dernier. Elles ont ainsi progressé de 450 millions d’euros alors que le montant des exportations sont restées stables (2,35 Mds d’€) malgré la hausse des prix des produits exportés.

Autrement dit, les exportations françaises de viande ont baissé en volume au cours des cinq premiers mois de l’année car la demande sur le marché intérieur reste vive.

Depuis le mois de janvier, le déficit commercial en viande de volailles a atteint 527 millions d’euros et celui en viande bovine (306 millions d’euros. Toutes catégories de viande confondues, il a atteint 1,34 Mds d’€ et sur un an, il frôle le seuil de 3 Mds d’€ (+ 67 % sur un an).

En conséquence, le solde commercial des animaux vifs (1,94 Ms d’€) n’a pas suffisamment progressé (+10 %) pour compenser le déficit commercial de viande préparée.

L’ensemble de ces chiffres montre que le déclin de l’élevage français s’inscrit à contre courant de l’évolution des habitudes alimentaires des Français et surtout de leurs aspirations à vouloir consommer moins de viande.

Les éleveurs ont tiré des leçons des crises passées et du climat de plus en plus imprévisible en ajustant la taille de leur troupeau en fonction des quantités de fourrages disponibles sur leur exploitation. L’activité d’élevage manque d’attractivité.  

La réduction des effectifs de bovins viande et de bovins lait est entamée depuis des années aux prix de déséquilibres commerciaux croissants. Elle ne s’inscrit pas dans une démarche écologique particulière. Au contraire, importer contrarie l’objectif de neutralité carbone de la France à l’horizon de 2050.

Mais produire moins de bêtes pour pourvoir à l’alimentation de son troupeau est plus rentable pour un éleveur. En période de déficit, acheter des fourrages est ruineux.

L’agroalimentaire accroît le déficit commercial français

Par ailleurs, la filière aviaire ne s’est pas encore remise de l’épidémie de grippe qui a disséminé les poulaillers. Il y a vingt ans, le solde commerciale des viandes de poulet était à l’équilibre.

« Afin de satisfaire la demande intérieure en viande de poulet, la France a de plus en plus recours aux importations. En 2022, les importations couvrent ainsi 50 % de la consommation de viande de poulet et alimentent en grande partie la restauration hors foyer, souligne le ministère de l’Agriculture. Elles proviennent en premier lieu de Belgique, puis de Pologne ».

Si les consommateurs ne sont pas décidés à consommer moins de viande, qu’ils consomment d’abord davantage de viande produite en France ! Tout en s’inscrivant dans une démarche agro-écologique, le potentiel de production est énorme.

En attendant, les échanges commerciaux de produits agricoles et agro-alimentaires n’ont pas  contribué à réduire le solde commercial français de 35 Mds d’euros observé au cours des six premiers mois de l’année 2023.

La filière française de viande n’est pas la seule à décliner. Au cours des 5 premiers mois de 2023, le déficit commercial agricole et agroalimentaire français de 887 millions d’euros avec les pays de l’Union européenne témoigne le déclin irréversible, sur le marché européen, des filières agricoles et agroalimentaires françaises, dans leur ensemble.

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Questions à Simon Bordenave du Secrétariat d’AMIS, le Système d’information sur les marchés agricoles rattaché à la FAO

Wikiagri (Wi) : « En Chine, 20-30 % de la récolte serait de mauvaise qualité. Que deviendra ce blé? ».

Simon Bordenave: « En général, ce blé sera utilisé pour l’alimentation animale ».

Wi : « Quelles conséquences sur les échanges mondiaux de blé? »

SB : « Les projections les plus récentes de l’USDA (le département de l’agriculture des États-Unis d’Amérique) prévoient que la Chine importera environ 12 millions de tonnes de blé en 2023/24, en baisse de 10% par rapport à 2022/23. La Chine importe généralement du blé pour l’alimentation animale. Si l’offre de blé de qualité meunière s’avérait insuffisante, la Chine importerait probablement du blé de cette qualité ; cependant, une hausse de la production de blé destiné à l’alimentation animale du fait de problèmes de qualité pourrait conduire la Chine à importer moins de blé destiné à l’alimentation animale. A ce jour, aucun signe d’une hausse des importations de blé n’est observé en provenance de la Chine. AMIS suivra avec attention ce marché au cours des prochains mois ».

Wi : « Si davantage de blé sert à produire des aliments pour animaux, la céréale ne va t-elle pas remplacer le maïs importé? »

SB : « Oui, même si la Chine va probablement continuer d’importer une grande quantité de maïs, en provenance principalement des États-Unis et du Brésil. La fin de l’accord sur l’exportation de céréales ukrainiennes (BSGI) devrait conduire à une baisse des importations chinoises de maïs en provenance d’Ukraine cette année. La Chine a résolu son différend commercial avec l’Australie et importera probablement davantage d’orge cette année ».

Wi : « Quelles conséquences pour les stocks de blé? »

SB : « Les stocks mondiaux de blé, en particulier ceux détenus par les principaux exportateurs, devraient rester contraints. Cela est particulièrement vrai pour le blé de qualité meunière ».

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