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Filière laitière, pilier d’une filière caséine-textile

Chaque année, la caséine extraite des 7000 tonnes de lait impropres à la consommation pourrait être transformée en étoffe. Ce nouveau textile organique fait partie des alternatives sérieuses à la production de fibres synthétiques issues d’hydrocarbures fissiles. En 2024, le lait habillera les femmes.  

Réduire son empreinte carbone, l’industrie textile n’y échappe pas. Parmi les voies pour y parvenir, la fabrication de nouveaux textiles organiques à partir de fibres cellulosiques ou animales en est une.

Le CETI, le centre européen du textile innovant a redécouvert les vertus de la caséine, protéines du lait, pour élaborer des biomatériaux (boutons, étoffes).

Avant la seconde guerre mondiale, la caséine était un sous-produit du beurre, employé pour fabriquer des boutons et des peignes en bioplastique. Des chimistes et des industriels ont aussi mis au point les techniques de fabrication de fibres textiles à partir de caséine.

Depuis l’avènement des fibres synthétiques, l’industrie textile et la bonneterie se sont désintéressées des nombreuses matières premières organiques auparavant employées à l’échelle industrielle pour fabriquer des étoffes. La fabrication de biomatériaux à  base de caséine de lait est ainsi tombée désuétude.

Or d’ici 2030, l’industrie textile mondiale devra produire 82 % de fibres en plus qu’actuellement pour répondre la demande mondiale en pleine croissance, réduire son empreinte carbone et tendre vers la neutralité énergétique alors que la population de la planète croîtra d’ici là de 20%.

Hormis le lin et le chanvre, aucune autre fibre végétale n’est produite en France. La fabrication de la soie a été abandonnée.  La production de laine n’est pas suffisamment valorisée.

La fabrication d’étoffes de caséine s’inscrit dans l’économie circulaire puisqu’il s’agit de recycler du lait impropre  à la consommation en un matériau biodégradable.

Le CETI a redécouvert le processus de fabrication des fibres de caséine puis du tissage d’étoffes.

« En investissant dans une ligne de filage voie humide en 2022, le CETI sera en mesure de développer un procédé innovant (solvants verts, dissolution et régénération optimisées) pour le filage de la caséine de lait. Lorsque les filaments seront réalisés, ils seront texturés et coupés en fibres afin de créer un filé de fibres puis un fil utilisable en tricotage ou en tissage ».

Lors d’une conférence de presse organisée conjointement avec le CNIEL le 28 septembre dernier, le CETI a présenté une première collection de vêtements en caséine. Elle a été conçue par le couturier Traoré Mossi (www.mossi.fr).  

L’industrie du luxe, toujours à la recherche de nouvelles matières, est très intéressée par cette nouvelle étoffe de lait.

Tout en cherchant à étoffer la gamme des produits textiles à base de caséine, le CETI a l’ambition de lancer à l’échelle industrielle la production de tissus de caséine.

Une première unité de production sera construite et expérimentée dans les locaux du CETI à Tourcoing (Nord). Elle coûtera 17 millions d’euros (M€). Si une deuxième unité de fabrication est nécessaire, un investissement supplémentaire de trois millions d’euros sera nécessaire.

Pour être à proximité d’une ressource de lait importante, la première usine de fabrication de caséine-textile sera édifiée au cœur d’un bassin laitier à partir de 2024. Clé en main, elle coûtera 30 M€. L’industrie du luxe serait prête à financer en partie cet investissement avec l’appui des collectivités locales.

Parallèlement, une filière de collecte de lait impropre à la consommation devra être organisée.

A ce jour, la ressource est estimée à 7 000 tonnes. Cent soixante tonnes de fibres et d’étoffes de caséine pourraient être produites.

Pour être rentable, la nouvelle usine devra être polyvalente et être en mesure de se lancer dans la fabrication de plusieurs types d’étoffes en fibres végétales (cellulose) et animales (caséine de lait).

« En parallèle, le CETI entame des travaux de recherche avec l’Institut Polytechnique Unilasalle de Beauvais pour créer une nouvelle génération de fibres à base de cellulose issues de coproduits de la culture du lin oléagineux. Ce projet permettra de valoriser les biomasses et coproduits agricoles non utilisés ».

Le coût de fabrication d’un kilogramme d’étoffe de caséine revient à 40,70, selon le CETI (10,46 €/m²). Et comme soixante-quatre litres de lait, payé 0,2 € le litre aux producteurs, sont nécessaires pour produire un kilogramme d’étoffe, le coût de la matière première représente un tiers  du coût total (environ 13 €).

Légende photo: robe en fibres de caséine créée par le couturier Mossi

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