La France n’a pas manqué d’engrais mais leurs prix de vente ont dissuadé les agriculteurs d’acheter les quantités nécessaires pour fertiliser leurs cultures. Selon Agreste, moitié moins d’engrais phosphatés et potassiques ont été achetés depuis le mois de mai 2022 alors que les livraisons avaient déjà diminué de 22 % la campagne précédente. Or faire l’impasse sur la fertilisation des sols les appauvrira à terme.
La crise sanitaire et le conflit en Ukraine ont mis en exergue la dépendance de l’industrie française de la nutrition des plantes à l’égard des importations de matières premières pour fonctionner. Elle a subi conjointement la flambée des cours de la potasse, du gaz, de l’ammoniac et des carburants. Et elle est concurrencée par les importations de fertilisants, meilleur marché, fabriqués dans des pays où l’énergie est moins chère. Aux Etats-Unis et en Egypte notamment.
Or la production française d’engrais est un des piliers de la souveraineté de la ferme France et par conséquent à la souveraineté alimentaire de notre pays. Pas d’engrais, pas de rendements. Et pas de rendements, pas de production agricole !
« A l’avenir, on a besoin de sécuriser notre approvisionnement d’engrais en termes de prix et de volumes », explique Benjamin Lammer, président de la FOP.
La proximité des usines de fabrication d’engrais avec les bassins de production est d’ores et déjà un atout pour réduire leur empreinte carbone de l’industrie. Les engrais doivent pouvoir continuer à être produits à proximité des agriculteurs pour réduire les coûts de transport.
Lors de la table ronde « La nutrition des plantes et la santé des plantes : une industrie de proximité essentielle à le ferme France » organisée par l’Unifa réunie en assemblée nationale, Delphine Guey, présidente de du syndicat, s’est réjouie d’apprendre que le président de la République souhaite encourager le développement de de la production d’engrais en France afin qu’elle équivaut à 51 % de la consommation nationale d’engrais. L’hydrogène ou l’électricité bas-carbone (nucléaire ou renouvelable) seraient les sources d’énergie employées pour produire les quantités d’engrais supplémentaires (des nitrates en particuliers).
Lors de la table ronde, les participants ont tenté de bâtir la feuille de route de la décarbonation des industries de la fertilisation des plantes.
« La décarbonation ce n’est pas la décroissance. Mais pour la réussir, il faut définir une stratégie et planifier les objectifs avec un horizon de plusieurs années », défend Dominique Chargé, président de la Coopération française.
La reconquête de la souveraineté de notre pays en engrais en engrais impose des investissements et pour cela, une visibilité sur les prix de l’électricité et une fiscalité incitative pour protéger les industries décarbonnées de leurs concurrentes étrangères.
Cette fiscalité incitative, applicable à l’échelle européenne, pourrait prendre la forme d’une « Tva carbone », imposable aux produits importés et remboursable aux produits exportés.
Le gouvernement français et l’Union européenne pourraient imposer un taux d’incorporation « d’engrais vert » sur le modèle des carburants E10. Cette proportion d’engrais vert serait produite à partir de biogaz ou d’électricité décarbonée.
Une politique de stockage de carbone organique particulièrement incitative améliorerait aussi le bilan carbone de l’industrie des engrais. L’achat de certificats de carbone financerait les mesures prises par les agriculteurs pour stocker du carbone dans le sol de leur exploitation ou pour réduire l’empreinte carbone de leurs activités d’élevage. Les aides Pac pourraient aussi être réorientées en faveur de pratiques de décarbonation et de mesures de stockage de carbone dans le sol.
A l’avenir, la fertilisation des sols reposera sur une combinaison de solutions mais l’Unifa veut croire que l’emploi d’engrais minéraux sera incontournable. Mais ils seront de plus en plus combinés à engrais organiques et de biostimulants.
« Sur mon exploitation, le colza est toujours associé à des légumineuse pour réduire les apports d’azote », a déclaré Benoit Piétrement, président de l’AGPB en participant à la table ronde de l’Unifa. L’emploi d’outils d’aide à la décision permettra aussi d’optimiser l’utilisation des engrais en épandant la bonne dose au bon moment et la sélections de variétés frugales en fertilisants en réduira les apports.
Les doses employées seront aussi adaptées à la nature du sol et à la saison. La réduction de l’évaporation de NO2, la fabrication d’engrais plus assimilables et la sélection de variétés de plantes frugales en engrais en recourant à des NBT sont d’autres voies explorées.