Quelle que soit la conjoncture des marchés des céréales, la Chine en importe pour préserver et renouveler ses stocks.
Si en 2022-2023 l’Empire du milieu avait renoncé à une partie de ses achats, les marchés se seraient détendus, pour le bonheur de l’ensemble des pays émergents et en développement structurellement importateurs de céréales.
Mais se constituer des stocks pléthoriques de riz, de blé et de maïs est un des axes de la politique de sécurité et de souveraineté alimentaire de la Chine. Et elle n’y a jamais dérogé.
En 2023-2024, la Chine produirait 426 millions de tonnes (Mt) de céréales alors qu’elle en consommerait 479 Mt, selon l’USDA. Premier importateur au monde de grains, elle en achèterait quasiment 50 Mt. Elle maintiendrait ainsi ses stocks de fin de campagne (312 Mt) à leur niveau du mois de juin dernier, à quelques millions de tonnes près. Ces derniers seraient alors équivalents à 65 % de la consommation annuelle chinoise de grains.
Au 20ème siècle, les années de grande famine sont encore dans toutes les mémoires!
Déficitaire jusqu’au début des années 2010, l’Empire du milieu a ensuite conservé chaque campagne les millions de tonnes de grains excédentaires récoltées tout en en important quelques dizaines de millions supplémentaires.
En 2016-2017, ses stocks avaient atteint des sommets. Ils équivalaient à 86 % de la consommation, soit environ 400 Mt. Puis les campagnes suivantes, les livraisons de céréales compensaient le déficit de production récurrent. Toutes ces céréales confondues, l’Empire du milieu a importé jusqu’à 65 Mt de grains chaque année. La Chine est ainsi devenu le premier pays importateur au monde de grains.
Jusqu’en 2018-2019, l’orge était la principale céréale importée. Après 2018-2019, la céréale a été détrônée par le maïs acheté massivement.
La Chine choisit ses partenaires commerciaux. Ils ont évolué au gré des relations géopolitiques qu’elle entretient avec les pays tiers.
Dorénavant, l’Empire du milieu compte essentiellement sur l’hémisphère sud pour s’approvisionner. Leurs récoltes de grains sont disponibles à la vente en seconde partie de campagne céréalière. 75 % du maïs importé est brésilien. Avant 2021, l’essentiel du maïs livré était étasunien. L’Ukraine était alors le second pays fournisseur.
Pour le blé, la Chine se fait livrer d’Australie plus des deux tiers des quantités achetées à des pays tiers (jusqu’à 6,7 Mt en 2023). Elle ne commerce quasiment pas avec la Russie frontalière.
En guerre, l’Ukraine a quasiment été rayée de la liste des partenaires commerciaux de la Chine.
Mais le climat a raison sur la géopolitique. Cette année, l’El Nino a frappé l’Australie. L’Ile-continent ne produirait que 25,5 Mt de blé et 5,5 Mt d’orges, soit 17 Mt de grains de moins que l’an passé. Elle n’exportera que 22 Mt de blé (-10 Mt sur un an).
Au Brésil, l’USDA a d’ores et déjà anticipé une baisse de la production de maïs de 8 Mt par rapport à l’an passé.
En effet, la superficie de la Safrina, la seconde culture de maïs de la campagne 2023-2024, pourrait être inférieure de 10 %, de 20 % voire 50 % à celle de l’an passé selon UAC car le soja sera moissonné tardivement.
Durant la prochaine campagne 2024-2025, la production russe de blé pourrait faiblir. Mais la Russie compte sur ses stocks de report pour proposer à l’export 50 Mt de blé, selon Sovecon.ru.
En France, le potentiel de récolte des céréales d’hiver est déjà remis en cause.
Selon l’Institut Agreste, les surfaces des céréales d’hiver implantées pour 2024 (6,395 millions d’ha) baisseraient de 5,1 % par rapport à l’an passé alors que les conditions de cultures sont loin d’être excellentes.
Par Frédéric Hénin
