La question est désormais posée, car la suggestion, émise par Patrick Maurin lors de son rendez-vous avec le Président de la République, a semblé interpeler ce dernier.
Parmi les actualités à suivre lors de la première journée du salon de l’agriculture, la rencontre de Patrick Maurin, auteur d’une marche citoyenne du Touquet jusqu’à Paris à la rencontre du monde paysan pour dénoncer le mal-être qui les tenaille, et d’Emmanuel Macron, alors que ce dernier inaugurait le Sia 2019.
Cette rencontre a duré précisément 25 minutes, elle s’est déroulée dans un salon privé, de façon à ce qu’une discussion réelle puisse avoir lieu en dehors du brouhaha qui règne porte de Versailles, en particulier lors du passage des personnalités. Son objet ? Patrick Maurin a remis au Président de la République le cahier de doléances rédigé par les familles paysannes qu’il a rencontrées. Dedans, différents témoignages sur des situations insoutenables vécues, sur ce que signifie concrètement pour certains vivre avec un revenu inférieur à 350 € par mois, ce qui est le cas pour un tiers des agriculteurs selon une statistique officielle. Egalement, ce qui se passe après l’acte insensé pour ceux qui restent. « Le Président de la République a parcouru le cahier de doléances, il s’est arrêté sur plusieurs témoignages, rapporte Patrick Maurin à WikiAgri. Je l’ai vu réellement concerné, son visage a littéralement changé à certaines lectures, il a découvert quelque chose qu’il ne soupçonnait pas.«
Pendant ce rendez-vous, Patrick Maurin a émis une proposition directement issue des témoignages reçus : qu’un projet de loi pour l’accompagnement des familles endeuillées soit rédigé. « Le Président de la République a été intéressé par cette proposition. Il a appelé près de lui Audrey Bourolleau, conseillère « agriculture » à l’Elysée, elle doit m’y recevoir prochainement pour approfondir la question« , précise encore Patrick Maurin. « Ensuite, il y a les causes des drames. Sur ce point, le Président de la République m’a précisément dit « Je vais tout faire pour que les agriculteurs puissent réellement vivre de leur travail ».«
WikiAgri a recueilli de multiples témoignages sur la question, notamment à travers la journée du deuxième dimanche d’octobre organisée par Jacques Jeffredo à Sainte-Anne d’Auray, mais également au-delà. Au-delà du chagrin de la disparition d’un être cher, les veuves, veufs, enfants ou autres membres de la famille qui restent après le suicide d’un des leurs doivent faire face à toute une somme de démarches administratives astreignantes et souvent malheureusement inhumaines. On leur demande de déclarer le suicide en accident du travail pour éviter que la dette, lorsque c’est elle qui est à l’origine du suicide, ne leur soit reconduite, ce qui moralement signifie aussi comme une négation du choix du défunt. Les administrations ne font (trop souvent) pas dans le sentiment non plus par rapport à tous les problèmes de succession ou autres à régler.
Patrick Maurin, à travers les rencontres qu’il a eues lors de ses deux marches citoyennes, a lui-même collationné des informations du même ordre, avec d’autres témoins. D’où une évidence, il faut intervenir pour ces familles.
En novembre 2017, WikiAgri avait publié ce qui est peut-être jusqu’à présent l’unique article présentant des réflexions sur les solutions à apporter aux problèmes : j’avais alors, dans cet article, réuni les propositions du lanceur d’alerte Jacques Jeffredo, et de la soeur d’un agriculteur disparu, Marie Le Guelvout. En relisant aujourd’hui leurs idées, on se dit qu’effectivement certaines d’entre elles pourraient figurer à l’intérieur d’un texte de loi. Lequel mériterait bien sûr d’être étoffé par ailleurs, on peut légitimement supposer que Patrick Maurin a des idées sur la question, et que le savoir-faire de l’Elysée, s’il devait s’approprier l’idée, terminerait le travail.
Dans tous les cas, que ce soit avec une loi ou sous une autre forme, l’accompagnement des familles endeuillées mérite d’être réfléchi.
Notre photo ci-dessous : Patrick Maurin à l’arrivée de sa marche citoyenne, porte de Versailles à Paris, devant le salon de l’agriculture, où il a eu un rendez-vous de 25 minutes avec Emmanuel Macron.