assurance climat agriculture

Faut-il créer un pool d’assureurs pour indemniser des milliards d’euros de pertes de récoltes ?

Compte tenu de la fréquence des épisodes climatiques extrêmes, il devient urgent de repenser la couverture des risques agricoles en créant un pool d’assureurs et de réassureurs multirisques climatiques. C’est en tout cas l’opinion de Groupama, dont l’activité d’assurance récolte est déficitaire depuis son lancement en 2005.

Quel groupe d’assureurs serait en mesure de verser 3,5 milliards d’euros d’indemnités si l’ensemble des productions agricoles de la ferme France était détruit ? Pas Groupama, pourtant le premier assureur du marché français ! Aussi, ses responsables mettent en garde le gouvernement. Selon Jean-Yves Dagès, président de Groupama, il est urgent de le structurer les dispositifs d’assurance pour donner aux compagnies les moyens financiers pour faire face à la recrudescence des épisodes de gel, d’inondations ou encore de sécheresses.  

C’est à partir de l’analyse de son marché de l’assurance agricole et de l’expérience emmagasinée depuis 15 ans que Delphine Létendart, directrice « marché agricole », formule plusieurs solutions.

Selon elle, un des freins de l’extension de l’assurance multirisques en agriculture est le fonds des calamités agricoles (FNGRA) dans le secteur de l’élevage.

Aujourd’hui, les deux systèmes se concurrencent voire s’annihilent, selon les cas de figure. Le fonds agricole indemnise partiellement les agriculteurs après avoir estimé les pertes sur l’ensemble de l’exploitation. L’assurance prairie couvre l’ensemble des pertes, une fois la franchise déduite.

Aussi l’assureur propose que les deux systèmes d’assurance se complètent en articulant le fonds des calamités agricole avec l’assurance multirisque climatique (MRC).

Par ailleurs, un éleveur ne doit pas avoir souscrit un contrat d’assurance MRC sur ses prairies pour bénéficier du fonds de calamités. Or si à l’échelle de l’exploitation le préjudice subi n’est pas suffisamment important pour être indemnisé par le fonds de calamités, il pourrait l’être par un contrat d’assurance souscrit auprès d’un assureur.

Ainsi, on peut imaginer que les deux dispositifs soient aussi complémentaires en indemnisant ce que l’autre ne prend pas en charge : les prairies par le contrat d’assurance MRC et le reste de l’exploitation, par le fonds de calamités agricoles.

En fait, il faudrait que l’éleveur ait connaissance, avant le début de chaque campagne, du problème climatique dont il pourrait être victime pour qu’il ait la certitude d’être bien couvert. Ce qui est impossible en soi.

Un pool d’assureurs jouant la concurrence sur les services

Si le système d’assurance climatique n’est pas modifié pour s’adapter à l’évolution des risques à couvrir, les quelque groupes d’assurance présents sur le marché agricole se retireront. La faible couverture assurantielle des exploitations fragilise la pérennité de leur activité. Tous les groupes d’assureurs qui se sont lancés dans l’assurance multirisque climatique (MRC) sont déficitaires.

Pour rendre le modèle économique de l’assurance sur les cultures viable et pour réduire la volatilité des risques, Groupama suggère la création d’un pool d’assureurs et de réassureurs privés pour « mutualiser les portefeuilles de risques tout en maintenant un environnement concurrentiel ». Autrement dit, comme toutes les compagnies d’assurance seraient en mesure d’assurer des cultures, les agriculteurs n’auraient que l’embarras du choix pour choisir leur assureur. Les risques contre lesquels les cultures seraient assurées, seraient alors mieux répartis. Mais pour se différencier et jouer la concurrence, les compagnies associeraient à leurs contrats une palette de services spécifiques. 

La gouvernance de ce pool associerait, autour des assureurs, les agriculteurs, l’Etat et les réassureurs. Ensemble, ils auraient les moyens de faire face à tous les risques agricoles sans avoir à recourir à la réaussurance publique. Les compagnies mutualiseraient les cotisations versées pour constituer ensemble un fonds d’indemnisation.

« Ce pool assurantiel aurait les moyens de verser jusqu’à 3,5 milliards d’euros pour indemniser les victimes si l’ensemble de la ferme France était victime d’accidents climatiques », a affirmé Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles et des orientations mutualistes.

La couverture assurantielle des risques climatiques sera un des piliers de la réforme de la Pac et de la répartition budgétaire des aides Pac du premier et du second pilier. Selon Jean-Yves Dagès, la réforme de la Pac ne pourra pas faire l’économie d’une véritable réflexion sur le système d’assurance multirisque climatique.

Bilan de l’année 2019

L’année 2019 est à l’image des précédentes. Depuis 15 ans, aucun exercice n’a été bénéficiaire. Aussi, la pérennité de la protection assurancielle multirisque climatique des cultures et des prairies repose sur une extension des surfaces agricoles couvertes pour mutualiser les risques.

L’an passé, 5,1 millions d’hectares ont été assurés multirisques climatiques (MRC) en France, 3,4 millions l’ont été par Groupama. Cette année, le premier assureur du marché a versé 250 millions d’euros d’indemnités aux agriculteurs assurés, soit quasiment autant que le montant des cotisations versées. Autrement dit, Groupama supporte seul les frais de gestion de l’activité d’assurance agricole du groupe, équivalents à 28 % du montant des cotisations, puisque ces dernières sont employées pour être reversées sous forme d’indemnités aux agriculteurs sinistrés.


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