eta 07 semaine 23 bis couverture

ÉCHANGER POUR INNOVER : ÇA MARCHE AVEC CLÉO

Se regrouper à plusieurs entrepreneurs pour s’approprier au mieux les nouvelles technologies. Ce principe d’économie collaborative fonctionne, comme nous le montre le succès du réseau Cléo qui regroupe aujourd’hui une vingtaine d’entreprises pour 400 chauffeurs. Décryptage

« J’ai pris de gros risques. Si cela ne marchait pas je coulais la boîte. Mais en investissant
gros avant les autres, j’ai pu prendre de l’avance ». Çà, – c’est l’ancienne version de l’innovation dans les ETA. Aujourd’hui, avec la version « Cléo », on entendra plutôt dire, « je n’avais pas les moyens d’y aller tout seul, alors je me suis regroupé en réseau avec d’autres ETA pour mutualiser les expériences, me former, expérimenter sur la technique, valider le modèle économique et offrir la meilleure prestation à la pointe pour mon client ». Voici grossièrement caricaturé en quelques mots le changement d’approche que le réseau Cléo est en train d’initier dans le secteur des ETA avec un modèle d’innovation basé sur l’économie collaborative. Bien sûr, l’innovation « à l’ancienne », en solitaire, poussée par l’esprit conquérant des entrepreneurs continuera de perdurer et à porter ses fruits notamment pour des prestations originales, mais pour avoir un coup d’avance et offrir le meilleur service à son client sur des prestations agricoles plus généralistes il sera peut-être désormais plus rapide et plus efficace d’avancer avec ses pairs par des réseaux de type Cléo. C’est ce que tend à démontrer l’expérience de la jeune structure. En quatre ans elle a gagné une vingtaine d’adhérents pour un potentiel de 400 chauffeurs, de la Somme jusqu’en Charente, avec un noyau dur en Bretagne, en Normandie et en pays de la Loire. « Aujourd’hui, j’ai des demandes venant de la France entière », souligne Pierre- Henri Hamon qui a créé le réseau Cléo il y a quatre ans lors de son installation sur l’entreprise familiale de Guer, dans le Morbihan.

Savoir accueillir l’innovation

  » Avant de m’installer, j’avais travaillé un peu partout en France pour un constructeur autour des thématiques de l’agriculture de précision, retrace l’entrepreneur. Cela m’avait déjà permis de faire le tour du marché avec un constat simple : les ETA sont positionnées sur des métiers peu rentables et elles n’ont souvent pas les moyens d’accéder seules et par elles-mêmes aux technologies liées à l’agriculture de précision. Et en même temps elles ont besoin des innovations. Si ce ne sont pas les ETA qui peuvent s’en emparer les premières et proposer les techniques de pointe à leurs clients, qui le fera ? Mais encore faut-il pouvoir s’organiser en interne pour accueillir les innovations, investir de l’argent et du temps pour se former et prendre des risques. Le ticket d’entrée peut ainsi paraître élevé et sans garanties de retour sur investissement. Les risques sont importants. Le niveau de compétence l’est tout autant. Quand on arrive dans ce domaine de l’agriculture de précision, l’entrepreneur a autant de chances de mal faire que de bien faire. Je n’exagère pas. À vouloir être précis c’est souvent là qu’on fait des erreurs », constate le jeune entrepreneur. Le réseau Cléo a ainsi dès sa constitution eu l’ambition de rendre accessible l’innovation en mutualisant certains aspects entre ETA en vue de valider par les expériences de chacun, des modèles économiques et d’organisation pour des prestations à la pointe.

L’objectif était déjà d’aboutir à la mise en place de modes opératoires permettant de garantir au mieux une prestation de qualité et réellement profitable y compris pour l’agriculteur. « En effet, nous décidons de déployer uniquement des solutions qui peuvent être rentables à la fois pour l’entrepreneur et pour l’agriculteur. Autrement nous jugeons que les prestations ne sont pas pérennes, appuie Pierre-Henri Hamon. Dans ce cadre, la première prestation innovante que nous avons accompagnée a été l’épandage d’engrais modulé couplé au capteur N-sensor. Aujourd’hui le réseau accompagne le déploiement d’autres technologies telles que l’analyse de lisier embarquée sur la tonne, – un dispositif homologué uniquement depuis cette année ; l’analyse qualitative du fourrage d’herbe avec l’auto-chargeuse ou sur le maïs ensilage avec des capteurs embarqués, ou bien évidemment les cartographies de rendement sur
moissonneuse. Ces solutions existent. Ensuite il y a des façons de les mettre en oeuvre pour en extraire le maximum de valeur ajoutée. C’est tout le sens du travail réalisé au sein du réseau Cléo. Nous faisons de la R&D (recherche et développement NDLR) de service ! ». Pour ce faire, Cléo a embauché deux ingénieurs. Ils réalisent les formations à destination des chauffeurs, ils sont en veille permanente sur les nouveautés technologiques, ils étudient la rentabilité des dispositifs, ils assurent le suivi de qualité des prestations des entrepreneurs du réseau et mettent en place l’amélioration continue. L’échange de matériel entre entrepreneurs reste cependant marginal au sein du réseau, pour des raisons de chevauchement des fenêtres d’intervention entre les différentes régions.

Un gage de qualité reconnu

« Sans nous y attendre au départ, l’appartenance au réseau Cléo est devenue un gage de qualité, certainement aussi du fait que nous avons embauché des ingénieurs
pour réaliser les suivis, observe Pierre-Henri. Nous travaillons avec les coopératives ou les négoces. Nous leurs proposons des contrats avec des prestataires adhérent de Cléo, ce qui leur permet d’offrir à leurs clients un service de qualité homogène sur les prestations d’épandage d’engrais par exemple, plutôt que de travailler avec plusieurs entrepreneurs hors réseau qui peuvent avoir des méthodes et des qualités de travail très différentes. Cléo offre la garantie que les chauffeurs ont été formés et que les méthodes de travail ont été éprouvées. Du même coup aujourd’hui nous avons des demandes pour intégrer le réseau de la part d’entrepreneurs qui souhaitent travailler avec la distribution ». C’est Pierre-Henri qui se charge d’évaluer les demandes d’entrée dans le réseau et il vérifie que les entreprises partagent la même volonté d’innover et d’avancer en collectif. Le recrutement de nouvelles ETA se fait surtout par le bouche-à-oreille. « Nous voulons privilégier des relations de qualité, avec des gens qui sont tous moteurs pour avancer et proposer des choses. Nous ne voulons pas grossir pour grossir, cela ne nous ferait pas avancer plus vite, insiste le responsable du réseau. Au sein de Cléo, nous échangeons beaucoup, et je constate que les ETA qui le composent sont des entreprises qui marchent et qui font de la croissance malgré le contexte qui est difficile en agriculture en ce moment. Les performances des ETA du réseau sont liées peut être pour partie à l’appropriation des innovations, mais je pense que l’explication est plus globale. C’est surtout l’approche du métier et les nombreux échanges que nous avons qui nous donnent globalement ces performances. Cléo est devenu en quelques années une boîte à outil formidable ! Maintenant que c’est lancé et opérationnel, je pense que cela peut intéresser beaucoup de monde et que notre réseau peut prendre une envergure nationale, mais toujours en privilégiant la qualité des échanges au sein du groupe ».
 
Photos et textes: Alexis Dufumier

1 Commentaire(s)

  1. la haute technologie qui va sauver la planète n’est pas humaine mais végétale : c’est la photosynthèse !
    les derniers terriens à maitriser la photosynthèse sont les agriculteurs !
    On aura réglé nos problèmes de climat, d’eau et d’énergie quand la France sera un océan de verdure en plein été et les seuls à pouvoir réussir cette exploit représente moins de 1% de la population ! pour sauver l’humanité il faut sauver l’agriculture !

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