thym copie

Des débouchés pour les plantes aromatiques et médicinales

Le Comptoir d’herboristerie est une entreprise de négoce et de transformation de plantes aromatiques et médicinales (PAM). En 2015, l’entreprise corrézienne veut lancer une filière dans la région, dans un contexte économique porteur.

En France, les surfaces dédiées aux plantes aromatiques et médicinales (PAM) ont doublé entre 2006 et 2010. Elles se sont stabilisées à 4737 ha dont 13% de surfaces bio. Ces cultures se situent principalement dans les régions Rhône-Alpes et PACA. La production majoritaire reste la lavande et le lavandin, destinés à la distillation. On compte 1831 producteurs de PAM, avec une progression constante des ateliers de diversification.

Selon le procédé de transformation (broyage, huile essentielle, extraction alcoolique, par hydrocarbure ou sélective) les débouchés sont variés : herboristerie, aromatisation, tisanes, compléments alimentaires, homéopathie, médicaments, parfums…

En France, les filières se structurent mais le marché connait quelques freins : les circuits de commercialisation sont éparses, certaines cultures sont en surproduction, la concurrence internationale est écrasante et les cours fluctuent en permanence. Cependant, certaines niches résistent plutôt bien, comme les médicaments à base de plante (un secteur en progression de 11% en 2013 dans le monde) ou les compléments alimentaires. Autre secteur porteur : les plantes dédiées aux cosmétiques bio. Selon les prévisions du Transparency Market Research, la demande mondiale progresserait de plus de 9% par an jusqu’en 2018, alors que le marché atteignait déjà 9 milliards de dollars en 2013.

Le Limousin mise sur les PAM

En Limousin, ces productions sont encore très marginales, avec seulement 22 ha cultivés et 31 fermes. Mais les choses pourraient changer car le Comptoir d’herboristerie recrute des producteurs bio en Limousin. Etrangement, l’entreprise emblématique corrézienne (2 millions de chiffres d’affaires et 150 tonnes de plantes sèches), ne compte qu’un producteur dans la région : son directeur Jean Maison… « Nos besoins en matière première ne justifiaient pas de recruter. En revanche, ces dernières années, nous avons augmenté de façon importante nos approvisionnements français. Ils représentent 60 % de nos volumes. Nous défendons la cueillette traditionnelle française, en lançant des productions spécifiques et localisées. Il se trouve que certains de nos clients cherchent des plantes limousines. Enfin, nous voulons rapprocher les récoltes des zones de transformation, pour renforcer notre qualité et être en lien avec nos producteurs », explique-t-il.

L’entreprise, l’association Interbio et la Chambre d’agriculture régionale cherchent des fermes volontaires pour fixer des références technico-économiques. Une première réunion le 7 avril dernier a réuni à LImoges une cinquantaine de producteurs. Les sélections des parcelles test seront effectuées cet été. Ensuite, des formations seront dispensées à l’automne pour mettre en place les itinéraires en 2016. « L’étude déterminera on peut gagner sa vie avec ces productions en Limousin. Nous avons déjà réalisé cette démarche avec un groupe de maraîchers (1) : nous définirons des itinéraires précis avec une description des opérations et un calendrier des travaux. Ces modèles intégreront les paramètres agronomiques des différents terrains et les choix des producteurs.  En fin de saison, nous pourrons analyser les coûts de production », explique Christophe Deruelle, conseiller en charge de l’étude.

Le bilan distinguera les charges opérationnelles (notamment les coûts de séchages qui sont particulièrement variables) et les charges de structure. « Nous pourrons donc choisir les cultures les plus rentables, et fixer nos prix. Bien sûr, nous achèterons toute la production des fermes qui se seront engagées avec nous dans cette étude », rassure Jean Maison.

Le Comptoir d’herboristerie s’engage

En Limousin, le Comptoir d’herboristerie recherche particulièrement de la camomille romaine. « Nous pourrions traiter jusqu’à 250 tonnes de camomille. Cependant, nous acceptons toute plantes bien cultivée et dont on peut développer une production et un marché sur le long terme. En Limousin, on produisait autrefois de la garance, des plantes aromatiques, du chanvre… Il faut au moins réunir 50 kg pour lancer une nouvelle gamme, à moins qu’elles ne soit exceptionnelle et programmée. Par exemple, nous allons contractualiser avec des cueilleurs de thym sauvages des Alpilles pour un client qui lance un produit précis. On a réalisé des photos, des échantillons, des tests de goûts… On veut travailler sur des filières claires et simples. Avant tout, nous cherchons des qualités organoleptiques et des propriétés. Les ratios sont  précis et les produits bio doivent être bons. Il faut choisir la bonne plante en fonction de son terrain et de l’objectif que l’on suit. Il faut maîtriser les techniques », martèle Jean Maison.

Le directeur a donné quelques conseils pour bien démarrer sa production : « On demande un état des lieux précis des pollutions dans les plantes et les sols, un inventaire des plantes spontanées, une étude de la qualité des sols… Il faut savoir aussi de quelle équipe, de quel matériel et de quel bâtiment on dispose. Pour déterminer le nombre d’hectares consacrés aux PAM, il faut considérer la valorisation du produit. Si on transforme et valorise tout soi-même, on peut s’installer sur de petites surfaces. Enfin, il faut choisir si l’on veut cueillir et vendre soi-même, si l’on veut contractualiser avec un projet de développement et un accompagnement technique, ou passer directement à l’échelle industrielle. Le Comptoir propose un schéma, mais tout est possible. »

Valéry Bouyer, le thym bio de Charente-Maritime

Valéry Bouyer s’est installé en 2010 comme producteur de plantes aromatiques et médicinales à Aumagne en Charente-Maritime. Dans cette région viticole et céréalière, bien loin du soleil de Provence, la production de ces PAM était un défi : « J’ai choisi cette production car elle correspond à ma surface. Je possède une vingtaine d’ha certifiés sur terre argilo-calcaire dont cinq sont consacrés aux PAM. J’augmente cette production d’un hectare par an. Il faut le temps d’acheter les plants, d’apprendre les spécificités de la nouvelle culture… Mon objectif est d’aller jusqu’à 10 hectares de cultures. Mes deux premières années ont été blanches, et j’ai atteint l’équilibre en 2014. Je cultive principalement du thym, mais aussi du romarin, du fenouil et de l’anis. J’ai acheté mes 10 000 plants dans le sud-est. Je produis une tonne de plantes sèches que je vends principalement au Comptoir d’Herboristerie. Je fais aussi un peu de vente directe et je fournis des magasins bio locaux. Pour donner un ordre d’idée, le coût de production de mon thym se situe entre 7 et 8 euros, et je le vends autour de 12 euros. »

Valéry Bouyer cultive ses plantes en agroforesterie avec une densité de 17 000 plants de thym à l’hectare sur rangs simples. Depuis un an, il produit aussi des huiles essentielles pour valoriser les volumes moins qualitatifs. « J’ai bricolé un vieil alambic à cognac ! On peut trouver des débouchés pour toutes les qualités. La première année, mon thym n’était pas terrible et j’ai trouvé des clients en agroalimentaire pour le transformer en bouquets-garnis. »

Dans son secteur, cinq céréaliers produisent aussi des PAM. « On a constitué un Groupement d’intérêt économique pour commercialiser notre production à Léa Nature, ou plus exactement, à leur intermédiaire… Peu à peu, le groupe s’est élargi au niveau régional et on a fondé un comité qui regroupe 80 producteurs ! Ce groupement organise des formations et des achats groupés qui peuvent monter jusqu’à 100 000 plants certaines années ».

Le producteur a indiqué quelques paramètres à respecter pour produire en semi-gros : « A partir d’un certain tonnage, il est essentiel de se former.  Les sessions de la maison familiale et rurale de Chauvigny dans la Vienne sont un préalable indispensable. Ensuite, il ne faut pas lésiner sur la mécanisation pour être le plus autonome possible. Toute ma culture est mécanisée : j’ai investi 50 000 euros  je compte également acheter encore une coupeuse. La production doit correspondre au terroir. J’ai choisi le thym parce que j’obtiens sur mon terrain une bonne qualité. Enfin, il faut bien s’entendre avec son transformateur ».

Valéry Bouyer conseille également de posséder son propre séchoir. « Tout le monde récolte en même temps et les séchoirs collectifs sont pris d’assaut… Personnellement, j’ai un séchoir à claie et un séchoir à tabac. Souvent, les producteurs se posent beaucoup trop de questions sur le séchage. Il suffit d’avoir de l’air pour qu’il fonctionne. L’Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales et aromatiques (Iteipmai) peut aider à calculer le temps de séchage et les litres d’eau à évaporer ».

 

(1) Lire notre article https://wikiagri.fr/articles/rentabilite-des-cultures-bio-analyses-sur-le-terrain/3217

 

En savoir plus : http://www.cpparm.org (site du CPPARM, comité des plantes à parfum, aromatiques et médicinales) ; http://www.iteipmai.fr (site de l’institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales, et aromatiques, Iteipmai) ; http://www.crieppam.fr (site de l’institut de recherche Crieppam) ; http://www.mfr-chauvigny.com (site de la maison familiale et rurale de Chauvigny) ; http://www.comptoirdherboristerie.com (site du Comptoir d’herboresterie).

Ci-dessous, matériel de Valérie Bouyer pour le thym (première photo) et pour les huiles essentielles (alambic, deuxième photo).

1 Commentaire(s)

  1. Sympa et original, l’article et la démarche! J’admire les régions « sud Loire » qui cherchent la valeur ajoutée dans un autre système que céréales et bovins!
    Et si c’était une piste pour ma propre exploitation du nord Picardie? à creuser…

Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !

Article Précédent
Article Suivant