lait viande vache

Bovins lait et viande, pas de rentabilité sans prix ou marges rémunérateurs

Deux études de FranceAgriMer rendues publiques tentent de définir les systèmes de production d’avenir en élevages bovins viande et bovins lait. Des marges de progrès existent mais, sans prix et sans marges rémunérateurs, l’avenir n’a jamais été aussi incertain. Ce n’est pas seulement une question de performance. Sans moyens financiers pour se constituer une épargne de précaution, les systèmes n’ont pas les moyens de faire face à des crises conjoncturelles.

En élevage, il faut avoir des talents d’alchimiste pour être un fin économiste. Dans la conjoncture actuelle, il sera bientôt plus facile de transformer du plomb en or que définir les voies à suivre pour renforcer la rentabilité des systèmes de bovins viande et laitiers.

L’étude bovins viande

Philippe Dimon, ingénieur de l’institut de l’élevage s’est livré à un tel exercice en proposant des conduites d’élevage de bovins viande produisant des animaux plus légers pour mieux répondre à la demande du marché français. Trop de vaches sont importées tandis que les gros bovins finis peinent à être valorisés en raison de leur poids et de leur dimension. Les professionnels de la transformation veulent des carcasses légères…

Combiner la production de génisses de 22 mois, des vêlages à 2 ans et la baisse du taux de renouvellement permet justement de mettre en vente des animaux plus légers. Or parmi les cinq scénarios présentés par l’économiste, un seul accoît sensiblement la production de bovins viande vifs des systèmes présentés et par conséquent le revenu disponible (le chapitre 3-2 intitulé « Combiner la réduction des UGB et avec le vêlage à 2 ans », références en fin d’article) .

Le cas type retenu comprend 233 UGB (unités gros bétail) sur 150 hectares de surface agricole utile. L’augmentation du nombre de naissances (de 130 à 150 par an) est rendu possible par le passage à deux ans, l’âge du premier vêlage des génisses tout en réduisant aussi l’âge de réforme des animaux (50 animaux vendus par an). L’éleveur renonce ainsi à la vente annuelle des 19 génisses de 34 mois. L’ensemble de la surface de l’exploitation est consacré à l’alimentation animale.

Dans ce cas de figure, le résultat disponible (49 000 €) est supérieur de 10 % au cas type pris en référence. Ce modèle combine intensification et allègement du poids des animaux vendus. Il ne repose pas sur la production de babynettes de 22 mois, moins corpulentes que les génisses de 34 mois. Mais elles font baisser au final le volume de viande produite et donc le revenu disponible.

Dans les autres scénarios présentés, la baisse de la production de bovins vifs concomitamment à l’allègement en poids des animaux vendus (production de babynettes, âge des réformes avancé, etc.) est quasiment automatique. Elle est compensée par des céréales produites sur les surfaces libérées, mais pas suffisamment pour éviter un manque à gagner de 10 à 20 % du revenu disponible, selon les scénarios.

Sans une contractualisation appropriée, valorisant la viande « made in France » pour compenser la baisse de la masse de bovins vifs, les éleveurs n’ont aucun intérêt économique à convertir leur élevage vers des systèmes moins productifs.

La reconquête du marché intérieur par les éleveurs de bovins viande exige des négociations commerciales plus équilibrées.

L’étude bovins lait

Exercice similaire en production laitière. La seconde étude de présentée par FranceAgrimer montre que les marges d’action sont très étroites pour tenter de dégager une rémunération de 100 € à 110 € par 1 000 litres. Ce ratio est le seuil de résilience pour faire face à une volatilité baissière des prix du lait. Mais il est bien modeste comparé à celui qui aurait été retenu 25 ans auparavant pour réaliser des études similaires. Le revenu pivot de ratio était alors de 1 000 francs pour 1000 litres, soit 219 € en monnaie constante ! Et le prix du lait n’était pas volatil !

Pour compenser les coûts de production, la solution retenue par de nombreux éleveurs a été l’agrandissement pour diluer les charges de structure et tenter de préserver son niveau de revenu sur un volume de lait plus important. Mais FranceAgrimer démontre qu’une telle stratégie n’a pas toujours été payante. Avant de s’agrandir, la priorité est l’optimisation des infrastructures existantes.

« La maîtrise des investissements et de l’endettement pour développer la production ou améliorer les conditions de travail soit plus que jamais être conditionnée à une exigence de rentabilité des volumes produits. En zone de plaine, les annuités ne doivent pas excéder 80 à 100 € par 1 000 litres », défend FranceAgriMer.

Or s’équiper de robots de traite détériore systématiquement le revenu disponible en raison des charges générées sans gain de productivité. Il a amélioré les conditions de travail des éleveurs sans augmenter ses revenus.

Dans tous les cas de figure on imagine aisément la vulnérabilité des jeunes agriculteurs face à une conjoncture qu’ils ne maitrisent pas. Ils n’ont pas d’autre choix que de s’endetter pour financer la reprise de leur exploitation.

A défaut de pouvoir compter sur des prix plus rémunérateurs, l’analyse par poste de charges, des coûts de production des meilleurs éleveurs, est la voie la plus réaliste pour définir des marges de progrès.

La conjoncture n’explique pas à elle seule toutes les difficultés de l’élevage : certains producteurs laitiers s’en sortent mieux que d’autres.

FranceAgriMer s’est concentré sur les systèmes lait de plaine à maïs dominant pour faire quelques recommandations afin de les rendre plus performants. L’année de référence est 2013, mais les propos sont tout à fait transposables à la situation actuelle. Ils donnent des indications sur la voie à suivre et du raisonnement à tenir.

Une rémunération de 100 à 110 € par 1 000 litres, exige la production de lait de qualité. Un quart des éleveurs gagne plus de 35 € par 1 000 litres en plus par 1 000 litres que ceux du quart inférieur.

Même si le produit viande est marginal par rapport à celui du lait, les éleveurs ne doivent pas  négliger ce poste. Avant d’être source de revenu, il est d’abord source de pertes et tout doit être entrepris pour les limiter.

C’est sur les coûts du système d’alimentation que les marges de progrès sont les plus importantes pour disposer d’un revenu de 100 € par 1 000 litres. En 2013, ces coûts étaient pour la moitié des élevages compris entre 190 et 262 € les mille litres. Autrement dit, 72 € de marge séparent les producteurs les plus performants que les moins bons. Ce qui leur donne des capacités de résilience plus importantes pour faire face à une conjoncture défavorable (prix du lait, sécheresse).

Des charges de bâtiments, des frais d’élevage et des frais généraux bien maitrisés dans les élevages les plus performants augurent des économies d’au moins 65 € par 1 000 litres compte tenu des écarts qui séparent le quart des producteurs les plus performants et le quart inférieur.

Réalisées, ces économies rendent évidemment l’objectif de 100 € par 1 000 litres plus facilement atteignable et renforcent la résilience des systèmes.

 

Les études citées dans cet article font référence aux ouvrages intitulés « Les systèmes de production d’avenir en élevages spécialisés bovins viande français » et « Les systèmes de production d’avenir pour le lait de vache français ».

En savoir plus : http://www.franceagrimer.fr (site de FranceAgrimer, consultez les sections élevage lait & viande).

L’illustration ci-dessous est issue de Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/132681771.

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