Le colza est une culture fascinante à cultiver. Les nombreux ravageurs, maladies et adventices concurrentes ont généré une multitude d’approches culturales chez les producteurs qui ont sauté le pas de l’agroécologie. Gianny Bonouvrier en fait partie. Il développe sur ses colzas des techniques bien particulières depuis une dizaine d’années.
Sur la commune de Bouhet, au nord de la Charente, Gianny Bonouvrier implante chaque année une quarantaine d’hectares de colza. Sur son exploitation de 350 ha, cette culture revient tous les 8 ans, à l’image du tournesol, du pois ou de l’œillette. Entre chacune de ces têtes de rotation, il cultive un blé tendre. Friand d’innovations culturales, et conscient que le tout chimique n’est plus une voie d’avenir, l’exploitant charentais a été l’un des premiers à semer des colzas associés. Depuis près de 10 ans, il sème sa culture dans la féverole. « Après la moisson, j’exporte les pailles et je fais un premier déchaumage fin juillet. Je passe ensuite à deux reprises avec l’épandeur d’engrais. Une première fois pour apporter l’azote et le phosphore et la seconde pour semer la féverole à la volée » détaille Gianny Bonouvrier. La parcelle est ensuite déchaumée avec un outil à disque avant d’être roulée début aout. L’association du colza et de la féverole présente plusieurs avantages selon le producteur. « Le but principal est de réduire la pression des altises. Les bandes témoins montrent une baisse significative du nombre de larves dans les parcelles de colzas associés » se félicite le céréalier. Deuxième avantage selon lui, lorsque le colza est semé tardivement, la féverole le couvre et le protège durant l’hiver. C’était le cas en 2021, année pour laquelle la crucifère a été semée le 30 septembre. Enfin, la féverole capte l’azote de l’air et permet de réduire les apports et donc les charges.
Le colza est semé avec un semoir monograine en espacement de 60 cm à raison de 15 graines par mètre linéaire. Pour réduire les doses de traitement en pré-levée, Gianny Bonouvrier a adapté un système de pulvérisation sur son semoir afin de ne couvrir qu’une bande 20 cm sur le rang. Un mélange de métazachlore et quinmérac (novall à 1.6l/ha) et de clomazone (centium à 0.2l/ha) permet là aussi de préserver la féverole. « Pour implanter le colza, j’attends toujours 10 à 12 mm de pluie. Ce n’est pas toujours ce qui est conseillé, mais dans mes parcelles qui se ressuient très rapidement, c’est la meilleure option. S’il tombe 12 mm dans la nuit, la terre colle un peu le lendemain matin, mais dès la fin de journée, je suis dans de bonnes conditions de semis » constate-t-il d’expérience. Pour assurer la destruction de la féverole dans une zone peu gélive. Gianny Bonouvrier réalise un traitement début décembre avec de la propyzamide. Cela permet également de gérer les levées de coquelicots. Il y associe de l’aminopyralide qui sera pompé par les graminées et fera éclater le plateau. Enfin, il réalise un passage avec de la mésotrione (callisto) en cas de présence importante de crucifères.
Un itinéraire avec deux binages
Sur les parcelles les plus sales de son exploitation, Gianny Bonouvrier a choisi cette année de mettre en œuvre un nouvel itinéraire. Le colza n’a pas été associé à une féverole, en revanche, il est prévu qu’il reçoive deux binages. Le premier a été réalisé en septembre et le second sera fait en février comme à l’accoutumée. Le désherbage localisé sur le rang a lui été conservé. « J’ai vu un vrai effet du premier binage sur le développement du colza. En termes de biomasse, il y a un écart du simple au double » assure-t-il.
En février, après avoir réalisé les apports d’engrais, et lorsque la féverole a entièrement noirci, le producteur réalise un binage systématique de l’inter-rang. « Au-delà de l’effet sur le désherbage, cela me permet de booster le colza et d’enfouir les résidus de féverole dans le sol » détaille-t-il. Si ce passage peut sembler superflu alors que le désherbage aurait pu être fait en plein, le producteur ne voit lui que des bons côtés. « Je réduis mon IFT et j’apporte un effet bénéfique au colza. Le chimique c’est bien, mais il ne faut pas compter que sur cette solution, sinon on va droit dans le mur».
Timothée Legrand