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Approvisionnement des villes et agriculture de proximité, attention aux pièges

Plus les villes s’étendent, plus les produits agricoles et agroalimentaires proviennent de régions éloignées. Même si elle affiche des résultats performants, l’agriculture urbaine ne peut pas représenter plus que quelques pourcents de la production totale.

Que faut-il attendre de la relocalisation de la production, de l’essor des circuits courts, ou encore de la valorisation des terroirs ou encore du développement de l’agriculture urbaine et de l’agriculture bio ?

De tout temps, l’approvisionnement des villes en produits agricoles est au cœur d’échanges commerciaux. Elles doivent leur essor à leurs importations de produits agricoles de régions éloignées pour nourrir leur population. Dans l’antiquité, Rome se nourrissait de blé égyptien ! En France, sous l’ancien régime, l’approvisionnement de la capitale était une priorité, quitte à affamer la province. Car les révoltes des Parisiens étaient redoutées.

Mais les consommateurs, relayés par des médias grand public, accordent une grande importance à tous les nouveaux modes de production et de commercialisation qui privilégient le local, feignant certains fondamentaux régaliens de l’agriculture : la sécurité alimentaire des métropoles, la production d’aliments bon marché mais aussi le besoin d’espace et la rentabilité économique durable des systèmes. 

Dans toutes les grandes villes, de nouveaux sites urbains sont aménagés pour cultiver des légumes et des fruits ou pour élever des abeilles. A Paris, l’agriculture urbaine est en vogue et s’étend au rythme des lancements d’appels à projets « Pariculteurs ». Et les résultats techniques sont prometteurs mais les structures sont rarement rentables.

Toutefois, l’activité agricole requiert de l’espace pour produire du blé, des pommes de terre ou des betteraves sucrières pour en extraire le sucre, l’amidon et la farine.

Le département de l’Hérault ne suffirait pas pour nourrir la ville de Montpelier et sa banlieue, défend Nicolas Bricas, « chaire Unesco alimentation du monde ». Il participait au séminaire international organisé par l’Agence bio le 29 mars dernier intitulé  » L’alimentation bio dans le monde : au coeur des territoires, saine et accessible ».

Dans un article du quotidien Le Monde daté du 30 mars, Roland Vidal, enseignant chercheur à l’école nationale supérieure de paysage Versailles-Marseille, affirme que l’agriculture urbaine « pourrait assurer au maximum 3 % de la production des villes européennes et seulement en fruits et légumes ». Il faudrait plus de 660 000 hectares pour nourrir la capitale, rapporte encore Roland Vidal et plus de 3 millions d’hectares pour alimenter les Franciliens.

Aussi, l’agriculture bio et la relocalisation de l’activité agricole en général ne doivent pas conduire à un enfermement. Il aboutirait immanquablement à des pénuries et à une inflation des prix de l’alimentation.

« N’acheter que des produits locaux ne suffira jamais à pourvoir à tous les besoins », défend Nicolas Bricas. Par ailleurs, défendre une agriculture de proximité durable ne peut se faire au détriment des zones éloignées où les méthodes de production seraient éventuellement moins vertueuses. Dit autrement, « il ne faut exporter les problèmes agricoles loin des villes», explique Nicolas Bricas.

La reterritorialisation n’est pas sans contraintes. La moitié de l’énergie dépensée tout au long de la chaine agroalimentaire est le fait des trajets domicile – supermarchés, défend encore Nicolas Bricas. Les produits issus de l’agriculture locale ne sont pas systématiquement meilleurs. Enfin l’essor de l’agriculture urbaine et périurbaine ne peut se faire au détriment des zones dépeuplées où la seule activité agricole est une activité économique.

En fait, redonner un sens à l’agriculture et aux produits agricoles consommés, c’est ce que recherchent les citoyens. Et les politiques des villes prennent de plus en plus en main les questions d’alimentation pour répondre à ce besoin de sens.

Au niveau mondial, le Pacte de Milan signé lors de l’exposition universelle de Milan en 2015 réunit une centaine de villes, de métropoles et de capitales soucieuses d’organiser l’approvisionnement de leur population en produits sains et issus d’une agriculture durable. Ce pacte vise aussi à assurer une restauration collective de qualité et à réduire le gaspillage alimentaire.

« La gestion des marchés urbains, qui  facilite l’accès aux petits producteurs, n’exclut pas la contractualisation avec des groupes d’agriculteurs plus éloignés pour livrer des produits répondant à un cahier des charges bien précis», explique Nicolas Bricas. La consommation des produits agricoles retrouverait alors un sens. Leur localisation à 100, 200 ou 300 kilomètres éviterait leur délocalisation à l’étranger. Et ces villes pourraient lancer des programmes de crowfunding urbains pour mobiliser les fonds nécessaires pour orienter le développement des exploitations dans ce sens.

D’ici 2020, la prise en main des questions alimentaires par les grandes villes pourrait les conduire à un recentrage local de la politique agricole commune. Si les Etats et les régions gèrent les aides, pourquoi les villes ne seraient-elles pas maitresses d’œuvre du volet alimentaire de la prochaine Pac ? Elles feraient alors pression pour réorienter les aides agricoles en faveur des filières et des agriculteurs qui contractualiseraient avec elles leur approvisionnement par exemple.


L’illustration ci-dessous (un paysage agricole périurbain) est issue de Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/141269942.

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