politique agricole commune

Agriculture, la Commission européenne veut réduire de 120 milliards d’euros le budget de la Pac

Dans une communication rendue publique le 14 février, la Commission européenne ne suggère pas une augmentation du budget européen pour donner davantage de moyens pour financer les programmes politiques de l’Union européenne. Elle opte pour des coupes budgétaires autorisant un partage vers de nouvelles missions. Les économies réalisées financeraient des politiques de recherche, de sécurité et défense européenne entre autres.

Le passage de l’Union européenne au numérique et le renfort de l’aide au développement des pays émergents fait aussi partie des priorités de la Commission.

Fromage ou dessert. Cet adage est le fil conducteur de la communication de la Commission européenne rendue publique le 14 février 2018. Celle-ci propose des pistes de financement des politiques européennes pour 2021/2027 en rognant sur certains postes budgétaires pour en augmenter d’autres.

La Commission propose de choisir entre la politique agricole commune et la politique de défense européenne ou encore entre la politique de cohésion des territoires et la politique de sécurité européenne, voire l’essor de l’économie digitale (70 milliiards d’euros). L’accroissement de l’aide au développement des pays émergents soumis à une forte pression migratoire se ferait aussi aux détriments d’autres dépenses.

En fait une question se pose : la Commission européenne défend-elle une Union européenne étriquée pour 2021/2027 ou engagée dans de nouvelles politiques régaliennes, avec des crédits conséquents ?

En attendant, la communication dévoilée le jour de la Saint Valentin n’avait rien d’une déclaration d’amour aux agriculteurs. Selon le document (page 12), un rééquilibrage des aides en faveur des petites et moyennes exploitations et des régions déshéritées, n’aurait que des vertus. Le soutien aux systèmes de production durables serait une priorité. La Pac revue ainsi serait plus égalitaire et moins onéreuse.

« Une réduction de 15 % du soutien à la politique agricole commune représenterait environ 60 milliards d’euros sur la période du prochain cadre financier pluriannuel, soit environ 5,5 % du cadre financier pluriannuel actuel », rapporte la Commission. Poussée à 30 %, une baisse du budget agricole européen permettrait de dégager 120 milliards d’euros.

Selon la Commission, serait ainsi mis fin au dogme « 80 % des paiements directs pour 20 % des agriculteurs » en feignant l’origine de ce déséquilibre.

Or la Pac doit soutenir tous les systèmes de production pour les rendre pérennes et soutenir l’emploi, elle n’a pas vocation d’opposer les systèmes entre eux. C’est l’organisation des marchés agricoles qui a conduit à cette concentration des aides puisqu’elles se sont substituées, il y a plus de 25 ans, à des politiques de prix.

Le prétendument rééquilibrage des aides ordonnancé par la Commission européenne déstructurera l’ensemble des filières de production. Un grand nombre d’exploitations pourrait être dissuadé de produire tandis que d’autres poursuivront leur croissance. Mais les petites fermes n’auront pas pour autant les moyens de compenser les volumes produits en moins. La souveraineté alimentaire de l’UE serait aussi menacée et la contribution européenne à la sécurité alimentaire de la planète serait remise en question.

En fait, la Commission européenne assimile le budget de la Pac à une cagnotte mobilisable pour financer d’autres politiques. La Pac pour 2021/2027 n’est plus une priorité alors que l’agriculture européenne nourrit plus de 510 millions d’Européens.

La Pac accompagne, avec les moyens dont elle dispose, les agriculteurs confrontés à des marchés mondiaux volatils, imprévisibles, qui n’offrent des prix pas suffisamment rémunérateurs pour rémunérer le travail des paysans et les capitaux investis. Si les scénarios de baisse des soutiens publics étaient retenus, il reviendrait alors aux Etats et aux régions de prendre en charge une partie des aides qui ne seraient alors plus versées après 2021, ce qui serait source de distorsions, à l’intérieur même de l’Europe.

C’est une Pac plus forte et plus efficace avec plus de moyens dont les agriculteurs ont besoin, pas une Pac plus faible ! Ces dernières années, la politique agricole commune en place depuis 2014 a révélé à plusieurs reprises ses failles: complexité, absence d’outils de régulation, dispositifs assurantiels inappropriés, etc. Pas une filière agricole n’a pas traversé de crises ces cinq dernières années. Certaines durent encore depuis plusieurs campagnes !

Quand se rendra-t-on compte que la couverture assurancielle relève de la solidarité européenne au même titre que la Pac, en la finançant pour cela par les contribuables européens et non pas seulement par les agriculteurs ? En matière de santé, demande t-on aux malades cardiaques de financer leur assurance pour couvrir leurs problèmes cardiaques ? Si oui, ce serait l’échec assuré.

Les crises agricoles génèrent des pertes énormes qui ne peuvent être financées uniquement par les agriculteurs en recourant à des outils assurantiels du reste peu convaincants par leur efficacité.

Amoindrir la Pac ne ferait que des perdants !

Les politiques de cohésion des territoires s’inscrivent dans un autre registre. Encadrées, elles répondent à des objectifs précis depuis leur mise en place: accélérer le développement économique des pays satellites de l’ex-Union soviétique. Et lorsque ces objectifs seront atteints, le démantèlement de ces politiques de cohésion couronnera leur succès.

En fait, les pays bénéficiaires des fonds de cohésion ne peuvent indéfiniment être sous perfusion. Depuis plus de 15 ans, ils ont connu des taux croissance économique spectaculaires. Dans certaines régions de Pologne ou de Tchéquie, le produit intérieur brut est équivalent à la moyenne européenne. Aussi, raboter les crédits alloués pourrait tout à fait être envisageable. Mais les sabrer, c’est autre chose !

« Si le fonds européen de développement régional et le fonds social européen ne soutenaient plus que les régions européennes les moins développées, 124 milliards d’euros pourraient être économisées sur la période 2021/2027, représentant environ 33 % des allocations actuelles et environ 11 % du cadre financier pluriannuel actuel de l’Union européenne », rapporte la Commission européenne. Et le soutien aux défis économiques, sociaux et territoriaux qui ne serait pas couvert, serait alors pris en charge par les autorités nationales, régionales et locales.

En fait, les propositions de la Commission européenne s’inscrivent dans un contexte figé, caractérisé par un désinvestissement continu du PIB européen consacré eu budget européen alors que les domaines d’intervention croissent (sécurité, politique migratoire, défense).

Le budget européen ne représente que 1,03 % du PIB européen depuis 2014 contre 1,25 % dans les années 1990. Alors que paradoxalement, la Commission européenne reconnaît l’effet de levier du budget européen sur les politiques qu’il finance. Un euro dépensé a plus d’effet sur le bien être des citoyens et sur l’acticité économique des pays membres qu’un euro versé dans le cadre d’une politique nationale.

La croissance des pays les plus riches de l’Union a même été dopée par les fonds de cohésions reçus par les pays bénéficiaires.

Pour bâtir un budget et financer des nouveaux programmes, il n’y a pas trente-six moyens pour y parvenir. Soit les états membres de l’Union décident d’augmenter les recettes, soit ils s’engagent à réduire les dépenses des programmes en cours pour dégager de nouvelles marges de budgétaires, soit ils opèrent sur les deux fronts. La Commission a déjà fait son choix, elle opte pour le second scénario.

Pour 2021-2027, ce qui rend l’exercice plus difficile est le départ du Royaume-Uni, contributeur net de près de 7.5 milliards d’euros par an. Mais le budget européen est de plus de 400 milliards par an !

En ciblant les politiques de cohésion et agricole commune pour ajuster le budget pluriannuel de l’Union européenne et pour financer ses nouvelles priorités, la Commission européenne prend le risque de détourner encore plus les européens de Bruxelles et fragiliser la cohésion des 27 Etats-membres !
 

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