revenus agricoles 2023

2023 : une mauvaise année pour l’agriculture et les échanges commerciaux agroalimentaire

A l’échelle de la ferme France, la valeur ajoutée brute 39,4 Mds d’€ diminue de 5,3 % par rapport à 2022. Sur douze mois, l’excédent commercial agricole et agroalimentaire (6,5 Mds d’€) est inférieur de 38 % à celui de l’an passé.

Selon le compte prévisionnel de l’agriculture établi le 4 décembre dernier, la Ferme France a  produit 95,5 Mds d’€ de produits agricoles en 2023, soit 0,8 Mds d’€ de moins que l’année passée. L’ensemble des produits végétaux a diminué de 4,6 % à 56,6 Mds d’€ alors que les produits animaux ont augmenté de 5,2 % à 33,2 Mds d’€.

Toujours à l’échelle de la Ferme France, la valeur ajoutée, c’est-à-dire la richesse créée s’est nettement repliée (-5,3 %) et est repassée sous le seuil de 40,0 Mds d’€ à 39,4 Mds d’€.

En fait, les céréaliers et les éleveurs n’ont pas vécu la même année agricole.

L’effet ciseau prix-charges a été entièrement supporté par les céréaliers : les produits issus de la vente de céréales ont diminué de 24,2 % sur un an et ceux des oléagineux de 21,6 %. Le manque à gagner est d’environ 5 Mds d’€. La hausse des rendements a limité de 4 points la baisse des prix de vente des graines (jusqu’à 28 % sur un an).

Les grands perdants de l’année

Dans le même temps, les prix des intrants ont nettement progressé. En consommant moins d’engrais, les céréaliers ont certes limité la hausse des charges mais ces dernières sont restées à des niveaux très élevées.

Aussi, la baisse de la valeur ajoutée atteint près de 5 Mds d’€ pour les céréaliers. Depuis quelques années, le ministère de l’agriculture ne se hasarde plus à estimer le revenu agricole par actif non salarié en partant des estimations établies chaque la fin d’année. Mais on imagine très bien la chute des résultats des exploitations céréalières.

Une baisse ou une hausse de la valeur ajoutée impacte directement les revenus des agriculteurs.

Les planteurs de pommes de terre et de betteraves ont mieux valorisé leurs productions qu’en 2022 car la conjoncture leur a été favorable. La même tendance a été observée pour les producteurs de fruits et de légumes. Ensemble, ils auraient dégagé une valeur ajoutée brute d’un milliard d’euros de plus qu’en 2022.

« Les gagnants »

La valeur ajoutée de l’ensemble des productions végétales aurait ainsi diminué de 4 Mds d’€ en un an (5 Mds d’€ -1 Mds d’€).

A l’échelle de la Ferme France, la valeur ajoutée brute (39,4 Mds d’€) diminue de 5,3 % par rapport à 2022. Le manque à gagner est de 2 Mds d’€ car la valeur ajoutée de l’ensemble des activités d’élevage a entre temps progressé de près de 2 Mds d’€.

En effet, les produits du bétail (13,9 Mds d’€) ont augmenté de 4,1 % à la faveur d’une hausse des prix de 9,7 %. Ceux du lait et des autres produits d’élevage (13,1 Mds d’€) ont augmenté quant à eux de 5,8 % car leurs prix ont crû de 7,1 %. Les producteurs d’œufs et de volailles voient aussi leur situation s’améliorer.

Dans le même temps, le poste « aliments autoconsommés et achetés » (19,5 Mds d’€) a moins pesé sur leur compte de résultat car les éleveurs ont vu leur prix diminuer de quelques points.

Comme les céréaliers et les éleveurs ont vécu une année agricole très différente, la baisse de 9 % de la valeur ajoutée par actif de la Ferme France, estimée par le ministère de l’Agriculture, et celle de 11,1 % du revenu agricole par actif non salarié n’a pas réellement de sens.

Cette moyenne masque deux tendances contraires : une hausse des revenus d’une partie des éleveurs et une chute de ceux des céréaliers. A ce stade de l’année, nous n’avons pas les moyens d’estimer leur évolution branche par branche.

En attendant, les résultats économiques de l’agriculture, mauvais pour les céréaliers, meilleurs pour une partie des éleveurs, ne profitent pas du tout aux échanges commerciaux agricoles et agroalimentaires de notre pays.

Chute de l’excédent commercial français

Sur douze mois (nov 2022 à octobre 2023, derniers chiffres connus), 82,3 Mds d’€ de produits agricoles et transformés ont été exportés, comme l’an passé mais 62,7 Mds d’€ de denrées ont été dans le même temps importées. Aussi, le solde commerciale agricole et agroalimentaire de la France a diminué de 38 % en un an, passant sous la barre des 7 Mds d’€ à 6,57 Mds d’€

L’excédent commercial de produit bruts a chuté à lui seul de 64 %. Il n’est plus que de 1,61 Mds d’€.

Les produits transformés dégagent un excédent commercial de 4,96 Mds d’€, en repli de 18 %.

Sans les boissons, la France serait déficitaire de 14 Mds d’€ !!!

L’excédent céréalier (7,2 Mds d’€) a chuté de 28 % et le déficit commercial des produits animaux s’est aggravé de 25 %  pour atteindre 3,1 Mds d’€.

En cette période d’inflation, l’offre agroalimentaire française est de plus en plus concurrencée par des produits européens meilleurs marchés.

La montée en gamme des produits agricoles, voulue par le gouvernement en 2017 est un échec commercial. En cette période d’inflation, les consommateurs français se rabattent sur les produits les moins chers…de plus en plus importés puisque la France n’en propose pas suffisamment.

Par ailleurs, le commerce agroalimentaire pâtit du décrochage de l’ensemble des filières animales françaises alors que la demande de produits carnés reste vive.

Le retournement conjoncturel des marchés des céréales affecte toujours plus la France que ses voisins européens.

D’après la Commission européenne, « La balance commerciale cumulée (janvier à septembre 2023) atteint 51 milliards d’euros. Elle est supérieure de 8,5 milliards d’euros par rapport à la même période en 2022 ».

A l’échelle des Vingt-sept, l’Union européenne est d’abord un bassin exportateur de produits transformés. Les marchés des céréales est une variable d’ajustement. Lorsque l’Union européenne importe du maïs, des prix élevés détériorent son excédent commercial alors que des prix des grains faibles l’améliorent.  

A contrario, l’excédent commercial agricole et agroalimentaire français dépend fortement du niveau des prix des céréales. Son excédent commercial baisse quand ces derniers chutent.

En fait, la France est en porte à faux sur le marché européen. Quand elle ne peut pas approvisionner ses voisins en céréales, ces derniers les importent de pays tiers à n’importe quel prix.

Mais pour ses mêmes voisins, le marché français est devenu un marché de conquête. Le solde commercial des produits agroalimentaires est même déficitaire (-2,8 Mds d’€ sur douze mois).

A contrario, notre pays contribue fortement à l’excédent commercial de l’Union européenne avec les pays tiers. Au cours des douze derniers mois, il était de 9,3 Mds d’€, soit un environ un cinquième de l’excédent commercial de l’ensemble des Vingt-sept.

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