camembert fromage lait

Pourquoi les éleveurs laitiers s’en prennent à Lactalis… Et pas aux autres laiteries

A Laval, le siège de Lactalis est bloqué par des éleveurs laitiers en colère. Le prix du lait n’a jamais été aussi bas, ce qui est aussi le cas dans d’autres laiteries. Alors, pourquoi Lactalis est-il particulièrement visé par les actions syndicales ?

Article en ligne simultanément sur Atlantico

C’est encore une interview du président de la Fdsea de Mayenne, Philippe Jéhan, par Jean-Jacques Bourdin qui synthétise le mieux la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les éleveurs laitiers.

Litre de lait vendu à 25 centimes, coût de production 38 centimes, prix vendu au consommateur 1,20 €. Cherchez l’erreur. Mais Lactalis n’est pas la seule laiterie à rémunérer en-dessous des coûts de production des éleveurs laitiers. En fait, elles sont presque toutes en-dessous des 30 centimes, avec certaines qui font des exceptions rarissimes et discrètes, par exemple en faveur des jeunes agriculteurs, payés parfois jusqu’à 31 centimes, histoire de les maintenir dans le circuit quand même.

L’explication officielle tient dans le cours mondial du lait, en baisse, notamment en raison des échanges entre la Chine et le premier exportateur mondial, la Nouvelle-Zélande… Bien loin de nos contrées ! Mais la vérité est bien moins simpliste : ce cours du lait est l’une des explications certes, mais ne suffit à lui seul à justifier l’ensemble de la baisse, tout simplement parce que le lait français n’est pas uniquement commercialisé vers l’export (lire cet article)…

Mais si toutes les laiteries sont concernées, si toutes exagèrent la situation par rapport à la seule baisse des cours à l’export, alors pourquoi Lactalis focalise autant l’attention syndicale ?

Cela tient en fait dans l’attitude patronale provocatrice de l’entreprise laitière. Emmanuel Besnier, petit-fils du fondateur de Lactalis et aujourd’hui patron de l’entreprise, représente la 13e fortune de France selon Challenges, et figure parmi les plus grandes richesses mondiales selon Forbes. Lui, visiblement, ne voit pas ses subsides fluctuer en raison du cours mondial du lait. Les marges des intermédiaires entre le producteur et le consommateur ne cessent de s’accroitre, voient le consommateur payer toujours plus cher, et le producteur toujours davantage compressé.

Derrière, les systèmes imaginés, les aides sous forme de chèques concédés par la Commission européenne (150 millions d’euros alloués mi juillet aux pays européens pour faire face à la crise laitière), de reports de paiements d’intérêts d’emprunts (plan Le Foll de l’année dernière, qui valait sur une année, donc qui devrait bientôt se terminer), et autres aides numéraires, finalement, ne changent rien au problème : on demande dès lors aux citoyens de maintenir tant que possible la tête des producteurs hors de l’eau, car les industriels ont tout de même besoin de cette production. Mais à l’arrivée, c’est au bénéfice, unique, des dits industriels. Lactalis en tête.

Les contribuables européens ont-ils vocation à voir une partie non négligeable de leurs impôts servir à maintenir des fortunes, telles celle de la famille Besnier ?

Finalement, la solution, elle existe : elle consiste à reconsidérer l’ensemble de la filière, à la reconstruire totalement, à rebâtir un outil industriel passant par d’autres intermédiaires excluant certains actuellement en exercice. Un chantier monumental, plus vite il sera commencé, plus vite le secteur laitier français (celui qui installe le plus de jeunes agriculteurs en France) retrouvera tout son attrait, redeviendra vecteur de richesse pour ne plus être un poids pour le contribuable, et cessera de voir quelques personnes seulement, boire du petit lait…

 

Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct https://fr.fotolia.com/id/84973704.

Article Précédent
Article Suivant