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Viroses des céréales, quelles alternatives en cas de suppression des néonicotinoïdes ?

A l’approche du vote du projet de loi sur la reconquête de la biodiversité, qui pourrait conclure à l’interdiction des produits de la famille des néonicotinoïdes, des opinions – pas toujours très étayées s’affrontent sur l’existence de solutions alternatives efficaces, voire sur l’utilité de ces insecticides. Qu’en pensent les agronomes ?

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Que disent les résultats des travaux de recherche sur la protection des cultures ? Prenons l’exemple de l’imidaclopride, néonicotinoïde utilisé sur céréales à paille.

Sur blé tendre et sur orge, l’imidaclopride est utilisée en traitement de semences pour lutter principalement contre les pucerons et les cicadelles. Ces insectes, qui piquent les jeunes plantules à l’automne pour se nourrir, transmettent des virus fortement préjudiciables aux cultures (virus de la jaunisse nanisante de l’orge pour les pucerons / virus de la maladie des pieds chétifs pour les cicadelles).

Ces virus induisent des pertes de rendement qui varient fortement selon l’espèce cultivée, la zone géographique, les conditions de l’année et l’itinéraire technique. Leur nuisibilité peut varier de 5 à 100 % du rendement (retournement de la culture).

Sur l’orge, espèce très sensible à ces viroses, la perte moyenne s’élève à 25 q/ha (figure 1). Les pertes peuvent être très importantes certaines années en particulier lors des automnes et hiver doux – comme 2015-2016 – et concernent alors des bassins de production très larges.

La lutte en végétation, difficile à positionner…

En absence de solution virucide, c’est-à-dire luttant directement contre le virus présent dans la plante, la protection est orientée contre les insectes vecteurs de virus à l’aide d’insecticide. Outre la lutte par les traitements de semence à l’aide d’imidaclopride, des traitements insecticides en végétation, essentiellement des pyréthrinoïdes, sont également possibles. Leur efficacité dépend fortement des conditions d’emploi. La mise en œuvre de cette lutte nécessite un suivi très rapproché à la parcelle. L’objectif est de quantifier les infestations, qui sont très variables d’une parcelle à l’autre, et difficilement prévisibles, afin de pouvoir réaliser le traitement au bon moment. Un mauvais positionnement du traitement en végétation, trop précoce ou trop tardif par rapport à la présence des pucerons, entraîne une baisse voire une absence d’efficacité. De plus quand les conditions demeurent favorables aux insectes, plusieurs traitements insecticides sont nécessaires compte tenu de l’absence de protection sur les nouvelles feuilles formées après le premier traitement et de la persistance d’action limitée des produits sur les feuilles traitées. Les conditions de portance du sol, les conditions climatiques (vent, pluie, etc…) ou de priorité des chantiers sur l’exploitation peuvent conduire à différer l’intervention et de ce fait en pénaliser fortement l’efficacité.

Autre limite : l’utilisation répétée de pyréthrinoïdes au cours de l’automne présente un risque important d’installer des résistances contre cette famille d’insecticides provoquant leur perte d’efficacité.

Et moins performante

Enfin, la lutte appliquée en végétation n’est pas aussi performante : on observe un écart de 5 à 10 % de rendement entre l’imidaclopride appliqué en traitement de semence et la meilleure des autres solutions insecticides appliquée en végétation et répétée. Plus précisément, dans le cas de l’orge, la synthèse d’essais réalisés par ARVALIS entre 2000 et 2015 montre un écart de rendement en moyenne de 5 % au bénéfice du traitement de semence. Cet écart monte à près de 10 % dans les cas de fortes pressions de maladies (figure 1). Les résultats obtenus dans 12 essais réalisés sur blé tendre sur la même période confirment ces résultats avec un gain de l’ordre de 6 % en moyenne en faveur de la protection à l’aide d’imidaclopride appliquée en traitement de semences.


Figure 1 : comparaison de gains de rendement entre le traitement de semence à base d’imidaclopride et un traitement des parties aériennes (Karaté Zéon, lambda-cyhalothrine, appliqué de façon optimale grâce à une surveillance intense de la parcelle) en fonction de l’intensité de la maladie. Synthèse Arvalis de 22 essais de lutte contre les vecteurs de JNO sur orge

 


En moyenne, l’écart de rendement est de 4 q/ha entre les deux modalités, mais il peut monter à 7 q/ha en cas de fortes attaques.


Toutes ces expérimentations démontrent qu’il est nécessaire de réaliser deux applications insecticides en végétation – positionnées au bon moment – pour avoir une protection efficace quoiqu’inférieure en terme d’efficacité à une protection des semences à base d’imidaclopride.

Enfin, rappelons qu’il n’existe aucune solution de biocontrôle autorisées sur les cibles visées, pucerons ou cicadelles, contrairement à ce qui est parfois affirmé.

Comment limiter le risque en absence de solution satisfaisante ?

Retarder la date de semis : un pari risqué

Les moyens de lutte alternatifs ne présentent pas à ce jour une efficacité suffisante et régulière. Le recul de la date de semis permet de réduire les risques de concomitance entre la période de forte activité des pucerons et les stades les plus sensibles des céréales. Mais il n’est pas suffisamment efficace, notamment en cas des automnes doux et prolongés, et n’est pas sans risque de baisse importante du potentiel ou risques abiotiques.

Dans nos essais, retarder la date de semis en zone Nord d’au moins 2 semaines par rapport à la période optimale conduit en moyenne à 9 % de perte de rendement sur blé tendre.

L’automne 2015 – avec la présence de pucerons en continu dans certaines parcelles depuis les semis – illustre parfaitement les limites de ce levier.

La lutte génétique : intéressant mais à moyen terme

La lutte génétique est sans doute une alternative très intéressante à moyen terme. Des gènes de tolérance au virus BYDV ont été identifiés sur orge mais le nombre de variétés tolérantes et disponibles demeure extrêmement limité à ce jour et elles ne permettent pas de couvrir tous les débouchés. De plus, elles ne sont pas indemnes de virus, et un traitement insecticide est parfois nécessaire pour protéger correctement la plante. Sur blé, vis-à-vis de la JNO, seuls des gènes de résistance partielle ont été identifiés. Or des études témoignent de la faible durabilité de cette résistance. Aucune variété, de blé tendre ou de blé dur, tolérante ou résistance à la JNO n’est à ce jour disponible en France. A noter que ces résistances ou tolérances sont très intéressantes vis-à-vis de la JNO, mais ne permettent pas de contrôler la maladie des pieds chétifs transmises par les cicadelles contrairement à la protection à l’aide d’imidaclopride.
 

En conclusion, il n’y a pas aujourd’hui de solutions alternatives

En l’état actuel des techniques et des réglementations, il n’existe pas, sur les viroses des céréales prises ici en exemple, de solutions alternatives aux néonicotinoïdes qui apportent la même efficacité, la même régularité et qui puissent être proposées aux producteurs sans conséquences sur leur revenu.

La seule solution resterait des traitements insecticides en plein, et répétés deux voire trois fois en fonction du type d’année. L’automne/hiver 2015/2016 est caractéristique de ces années à risque, avec des dégâts très visibles et localement très graves. Cette pratique peut être efficace, quoique inférieure, au prix donc d’un accroissement de l’usage global d’insecticides et de l’apparition de risque de résistances qui impacteront leur efficacité à moyen terme.

A terme, évidemment, d’autres solutions apparaitront sans doute, soit génétiques (résistance des variétés), soit de biocontrôle. Ces solutions auxquelles la recherche publique et privée travaillent risquent de ne pas être disponibles en culture avant plusieurs années. A titre d’exemple, il faut environ 10 ans pour créer une nouvelle variété, et autant pour mettre au point une nouvelle solution chimique conventionnelle ou de biocontrôle et la faire homologuer par les autorités européennes et nationales.

Pourquoi des études étrangères montrent-t -elles l’absence de différences de rendements entre cultures traitées et non traitées (toutes cultures) ?

Un certain nombre d’études portées au débat montrent pourtant l’absence de différence de rendement entre parcelles traitées par les néonicotinoïdes et parcelles non traitées au Royaume-Uni, au Canada, en Italie, aux Etats-Unis…

Ces études doivent être extrapolées avec de grandes précautions pour la France car les situations ne sont en rien comparables : systèmes de culture, parasitisme présent, stratégies de lutte peuvent varier. Par exemple en Italie sur maïs, les néonicotinoïdes étaient utilisés à fortes doses et partout mais sans présence importante de taupins visés par le traitement. Réduire ou ne plus appliquer les traitements peuvent dans ce cas ne pas provoquer de pertes importantes de rendement. Sur la même culture, au Canada et USA, les stratégies étaient basées sur de très petites doses répétées mais peu efficaces, donc à faible impact en cas d’arrêt. Ces situations ne sont pas comparables à la France. Rappelons que l’agronomie est la science de l’adaptation des techniques aux conditions de cultures, aux territoires et aux climats. Extrapoler des données issues de milieux et de systèmes de production totalement différents est toujours un exercice périlleux.

Jean-Baptiste Thibord, Nathalie Verjux (Arvalis – Institut du végétal)

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