Une dizaine d’éleveurs ovins d’Isère souhaitent lancer une marque collective « viande d’alpage » pour valoriser en circuit-court leurs agneaux élevés au lait et à l’herbe en altitude. La démarche devrait aboutir d’ici la fin de l’année. En attendant, les agneaux d’alpage 2015 arrivent cette semaine dans les boucheries.
Roland Bouvier élève 300 mères mérinos en Isère (avec celles de deux autres éleveurs, cela fait 1300 brebis à l’alpage). Son exploitation à Marcollin est en plaine, mais il effectue ses transhumances en Chartreuse depuis 25 ans (col du Coq, 1434 mètres d’altitude). « J’ai choisi les mérinos pour leur prolificité. On peut accélérer le rythme des agnelages jusqu’à trois agneaux en deux ans. C’est une race très rustique », certifie l’éleveur. Il commercialise sa viande en vente directe dans trois magasins de producteurs à Voiron, Cour et Buis (Isère), et Solaize (Rhône). « Cela m’oblige à produire des agneaux toute l’année, soit environ 200 agneaux par an dont une petite partie est vendue sous la dénomination agneau d’alpage. »
Ses brebis sont mises en lutte en octobre et mettent bas en mars-avril. Elles ne reçoivent aucun complément alimentaire. Ensuite, les troupeaux montent en alpage au mois de juin et les agneaux sont redescendus à partir du 15 août. « Ils restent maximum deux mois en altitude. Ils ne sont pas sevrés artificiellement et passent naturellement du lait à l’herbe. Du coup, l’engraissement est progressif », observe Roland Bouvier. Autant dire que les coûts d’élevage sont très réduits jusqu’à l’abattage qui a lieu dès la descente des agneaux.
Pendant des années, cette production était principalement commercialisée lors des fêtes de l’Aïd el-Fitr, mais les dates avancent de 10 jours chaque année… Ne pouvant plus répondre à ce marché, une dizaine d’éleveurs souhaitent créer une marque « agneau d’alpage » (ou peut-être « viande d’alpage » pour inclure les veaux rosés d’alpage) pour mieux vendre leurs animaux : « C’est pour augmenter nos revenus. Nous en avons bien besoin suite à l’évolution des primes de la Pac. Nous voudrions rentabiliser quelque chose que nous faisons naturellement depuis toujours et qui rentabilise l’alpage. Par ailleurs, nous ne limiterons pas la marque à l’Isère. Un de nos éleveurs a d’ailleurs ses alpages en Maurienne », précise Roland Bouvier.
Un cahier des charges devrait voir le jour d’ici la fin de l’année avec le soutien de la Chambre d’agriculture départementale, du Conseil départemental et de la fédération des alpages de l’Isère : il imposerait l’élevage de l’agneau uniquement au lait et à l’herbe, 50 jours de présence sur l’alpage au minimum. Une étude a été menée en 2013 pour étudier la faisabilité du projet, ainsi que le gain de poids à l’alpage (800 agneaux ont été pesés). « Bien sûr, ce ne seront jamais des agneaux gras. Les poids oscillent entre 12 et 17 kilos par carcasse. La viande est plutôt rosée, sachant que les agneaux sont mieux engraissés sur des alpages avec un fort différentiel d’altitude. Il faut des quartiers d’août. L’idéal serait de faire pâturer les agneaux avant les brebis, ou de constituer des lots. Mais sur notre alpage, on mélange tous les animaux », explique Roland Bouvier.
L’agneau d’alpage de Roland Bouvier lui rapporte entre 10,50 et 11 euros le kilo carcasse, sachant que les bêtes sont achetées par avance. « Mais cela donne surtout une image positive à l’exploitation, une réputation de qualité de la viande. L’agneau d’alpage permet de mieux vendre mes autres animaux toute l’année », constate-t-il.
Avec cette marque, les éleveurs visent les boucheries locales et la restauration collective. La municipalité de Grenoble a proposé trois places sur les marchés de la ville avec un soutien sur la communication. Pour l’abattage, la proximité est également privilégiée pour limiter le stress des agneaux. Les abattoirs isérois sont situés à Grenoble, La Mure et Bourg d’Oisans. Concernant les volumes, il serait facile de mobiliser 400 agneaux pour démarrer, sachant que 30 000 agneaux montent en alpage. A noter : les agneaux d’alpage 2015 s’annoncent de haute qualité, profitant pleinement de la sécheresse.
Cette démarche rappelle celle du mouton AOP Barèges-Gavarnie dans les Pyrénées. De même, 4000 agneaux d’alpages sont produits en Suisse.
Notre photo ci-dessous : Roland Bouvier milite avec une dizaine d’éleveurs isérois pour la création d’une marque « viande d’alpage ».