aire lavage irigny

Une station écologique et collective pour laver les pulvérisateurs

Dans le Rhône, la municipalité d’Irigny a financé l’installation d’une station de lavage et de remplissage d’engins agricoles, gérée par les agriculteurs de la commune. Les effluents rejoignent un phyto-bac biologique : un mélange de terre et de paille où se dégradent les molécules chimiques. Une initiative publique rare et exemplaire !

Le village d’Irigny se trouve au sud de Lyon, à deux pas des usines chimiques de Feyzin. Autant dire que ce joli village de vieilles pierres, niché dans un écrin de verdure, a des allures de mirage. Le village compte encore une dizaine d’agriculteurs, essentiellement des producteurs de fruits et des maraîchers.

Pour conserver son caractère rural, la municipalité a très vite protégé les terres agricoles existantes (un tiers de la surface communale) en les classant en zone Penap (politique de protection des espaces naturels et agricoles périurbains). Par la suite, elle a interdit la circulation tous les week-ends sur la route qui relie les vergers. Le but était de valoriser l’agriculture en permettant aux familles de se promener près des champs : « Depuis longtemps, nous résistons à l’urbanisation. Au départ, on nous prenait pour des fous mais aujourd’hui, on nous considère comme des précurseurs de l’agriculture périurbaine », sourit Gérard Rony, adjoint à l’environnement.

En 2005, des nouvelles directives encadrent l’utilisation des pesticides, et imposent des installations spécifiques pour protéger les nappes phréatiques. « Nous avons beaucoup réfléchi entre agriculteurs et nous avons décidé de construire un outil commun. Pour construire une station de lavage aux normes en limitant les frais, et disposer d’un lieu de rencontres et d’échanges », explique Jérémy Beroud, producteur de fruits sur la commune.

Trophée du développement durable

Comme aucune Cuma n’existait sur le secteur, la municipalité s’est emparée du dossier. Elle fut la première commune en France à prendre cette initiative qui a soulagé les agriculteurs du montage administratif : « En plus des recherches de subventions, la mairie a répondu à un appel à projet de l’agence de l’eau. Quand j’ai vu l’épaisseur du dossier, je me suis dit qu’on avait eu raison de déléguer ! », se réjouit Jérémy Beroud. L’appel à projet est remporté en 2009 et le conseil municipal inscrit l’aire de lavage à son Agenda 21. « Nous avons longtemps cherché le terrain idéal. Il fallait une pente pour évacuer les effluents sans recourir au pompage électrique », précise Gérard Rony.

Grâce à ce projet, l’équipe municipale a décroché le trophée du développement durable décerné par l’association des maires du Rhône en septembre 2014. Considérée comme exemplaire, la station de lavage est visitée par de nombreux élus et agriculteurs. L’investissement a représenté 130 000 euros, entièrement financé par des deniers publics (principalement la commune, avec 39 380 euros de subventions de l’agence de l’eau, 27 000 euros du Conseil général du Rhône et 6000 euros du fonds Psader, ou Projet stratégique agricole et de développement rural). L’entreprise Duc et Préneuf a été choisie pour réaliser l’équipement.

Les résidus de pesticides valorisés en compost

Depuis 2013, la station apporte un vrai confort aux agriculteurs. Sa situation au cœur des vergers leur évite de retourner à la ferme et de travailler en toute sécurité.

Les deux bornes de remplissage d’eau sont branchées sur un réseau d’irrigation local, lui-même alimenté par le Rhône. « Les bornes remplissent les cuves de nos pulvérisateurs, qui contiennent en moyenne 1500 litres. Nous ajoutons manuellement les pesticides. Après les traitements, nous rinçons ici nos machines, ainsi que les bidons des produits. Les effluents sont récupérés dans un bac en béton rempli de paille et de terre, couvert par un toit. Petit à petit, les molécules chimiques sont détériorées par les bactéries. Pour l’instant, nous n’utilisons que la moitié du volume du bac. Nous ajoutons 4 mètres cubes de paille tous les ans et nous en profitons pour retourner le compost. Il faut aussi arroser régulièrement en cas de sécheresse car les eaux pluviales sont dirigées vers un puits perdu… », détaille Jérémy Beroud.

Le système recycle tous les produits chimiques, même si une trop grande concentration de cuivre serait sans doute néfaste à l’équilibre du compost. Ce détail peut-être important, car les agriculteurs ont prévu d’épandre le substrat en 2017. Preuve de la propreté de l’installation : des serpents nichent régulièrement dans la paille !

Une station gérée par les éleveurs

Pour gérer la station en toute autonomie, les agriculteurs ont fondé l’association Eau et Nature. Elle est actuellement présidée par Jérémy Béroud. Pour utiliser la station, il est nécessaire d’être adhérent : en plus d’un forfait annuel de 144 euros, il faut régler ses consommations d’eau (sur la base de 10 euros par ha pour les fruits à pépins, 5 euros pour les fruits à noyaux et 2,50 euros pour les grandes cultures). Lors de leur dernière assemblée générale, les membres ont décidé d’investir dans un nouveau pistolet kärsher et du matériel pour nettoyer les vitres des tracteurs.

Deux nouveaux jeunes agriculteurs vont bénéficier de l’équipement  

Dans les prochains mois, cet outil soutiendra l’installation de deux jeunes agriculteurs. « Ils auraient du dépenser 10 000 euros pour mettre aux normes leur exploitation… C’était impossible pour eux », certifie Jérémy Beroud qui salue l’évolution des mentalités : « Nous sommes trois jeunes agriculteurs dans le village. Notre génération est plus ouverte à l’échange. Le monde agricole a beaucoup changé, et le contexte impose que nous nous rendions des services et que nous communiquions davantage. »

Les agriculteurs d’Irigny présenteront d’ailleurs leur produit le 8 décembre prochain (jour de la fête des lumières à Lyon). Le but est de s’impliquer dans la vie du village et d’expliquer leur démarche aux consommateurs.

 

En savoir plus : http://www.irigny.fr (site de la mairie).

Ci-dessous, l’aire de lavage comporte deux pompes d’eau pour remplir les pulvérisateurs.

Ci-dessous, l’installation écologique se trouve au cœur des vergers pour limiter les déplacements.

Ci-dessous, les acteurs du projet : l’adjoint municipal Gérard Rony, le président de l’association Eau et Nature Jérémy Beroud et son trésorier Adrien Jacquet.

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