Manufacturiers, équipementiers, tractoristes ne relâchent pas la pression, ou juste ce qu’il faut, pour renforcer l’efficience de la traction tout en ménageant la durabilité agronomique. Les pneus connectés ainsi que le télégonflage entretiennent le souffle technologique.
Les technologies pneumatiques évoluent, les lois de la physique demeurent. Pour ne pas risquer de mettre en péril l’intégrité des pneus et la sécurité des chauffeurs, la pression de gonflage doit être adaptée à la charge et à la vitesse. Problème : sur un ensemble agricole tracteur / remorque, ces deux paramètres sont susceptibles de varier dans de fortes proportions. L’exemple le plus emblématique étant celui des chantiers d’épandage, alternant circulation rapide et ente, à charge et à vide, sur route et au champ. Solution : l’adoption d’une pression moyenne, sécurisante sur route, tassante au champ. La variation de charge intra-parcellaire d’une moissonneuse- batteuse dotée d’une trémie de 15 000 l, équivalente à 12 t, ce n’est pas mal non plus.
Téléflow cramponné à Michelin
La solution existe : c’est le télégonflage. La technique met en œuvre un compresseur embarqué, des valves à joints tournants capables de réagir à des commandes de gonflage et de dégonflage et un système de gestion depuis la cabine. L’équipementier français Téléflow développe depuis sa création en 1993 des solutions de télégonflage pour engins civils et militaires. L’agriculture est aussi son domaine, mais des freins techniques (absence de compresseur sur tracteur), financiers (compter plusieurs milliers d’euros pour équiper un ensemble tracteur / remorque) et culturels ont limité son développement en agriculture. Le rachat de de Téléflow par Michelin, annoncé dans le cadre d’Agritechnica, pourrait changer la donne. D’autant que d’autres tractoristes s’inté- ressent à cette technologie, à commencer par Fendt depuis de nombreuses années, motivé par la présence d’un com- presseur attaché au freinage pneumatique. En partenariat avec Trelleborg, le constructeur a conçu le système VIP (Variable inflation pressure). Il est destiné aux moissonneuses-batteuses, dont la charge est susceptible de varier de plus de 10 t dans les minutes qui suivent la vidange de la trémie, soit grosso modo du simple ou double selon les machines. Le VIP permet de s’affranchir de la pression constante et d’adapter celle-ci à la charge, du simple au double et inversement, rapidement et en cours de travail. Exit les joint tournants et connexions apparentes développés sur les systèmes existants. Avec le VIP, tous les composants que sont le compresseur, la valve et les capteurs sont logés dans chaque jante. Le système se compose d’un ensemble de capteurs mesurant la déformation, la pression, la tempéra- ture. Un dispositif électronique commande un compresseur et une valve pour adapter la pression. Lors de la vidange de la trémie, la valve est en ouverture libre, la pression chute jusqu’à atteindre la nouvelle consigne charge-pression. En cours de récolte, avec le remplissage progressif de la trémie, le compresseur remonte cette valeur à la consigne d’origine.
Épandeur intelligent
Le constructeur de véhicules Dangreville propose de son côté un épandeur intelligent, combinant télégonflage, volume de caisse évolutif, pesée dynamique, cartographie parcellaire et indicateur de chargement. Le constructeur vise deux objectifs : adapter la pression à la variabilité de la charge et forcer le respect du Ptac. Concernant le premier point, la réponse de Dangreville emprunte un système de télégonflage qui adapte automatiquement la pression des pneumatiques en fonction de la charge et de la vitesse d’avancement. S’agissant du Ptac, donc de la sécurité, le constructeur a eu recours à des rehausses hydrauliques télescopiques dont le déploiement est corrélé à un système de pesée dynamique. Lorsque l’opérateur charge l’épandeur, les rehausses se lèvent et lorsque la charge est quasiment atteinte, elles se bloquent et le volume de caisse est figé. Un indicateur de chargement relié aux gyrophares se déclenche automatiquement lorsque le seuil de chargement est atteint. Sodijantes a quant à lui d’indexer la pression des pneumatiques au taux de patinage, évalué au moyen du GPS et là encore en ayant recours à un système de télégonflage (voir encadré). Le télégonflage a décidément le vent en poupe, à en croire Claas qui vient de faire l’acquisition de deux entreprises allemandes spécialisées mais qui n’empêche pas le constructeur d’emprunter un autre levier pour réduire le tassement des sols, à savoir les chenilles, lesquelles font leur apparition sur les Axion 900 après avoir été développées sur les moissonneuses-batteuses. Dans sa version semi-chenillée l’Axion Terra Trac arbore à l’avant un essieu suspendu conventionnel et à l’arrière des chenilles suspendues et plates dont le constructeur vante l’empreinte au sol supérieure, comparativement à des chenilles triangulaires.
Chenilles et pneus connectés
Si les chenilles flattent la traction et le respect du sol, c’est cependant au prix d’un surinvestissement et d’une sensi- bilité accrue à l’usure lors des déplacements routiers, sous l’effet des frottements sur le bitume. A défaut de juguler le phénomène, des manufacturiers tels que Camso et Continental s’emploient à informer le chauffeur vie son smartphone de son ampleur en greffant au sein des trains de chenilles des capteurs de température. Cette dernière est en effet un indicateur de l’intensité des frottements et donc de l’usure. Des capteur font également leur apparition sur les pneumatiques, tels le capteur de pression PresSence de Michelin développé en aéronautique. Trellebord développe de son côté la roue intelligente, ConnecTire, renfermant des capteurs et des modules de connexion Bluetooth et Wifi. Les capteurs intégrés à la jante et à l’enveloppe du pneumatique mesurent en continu deux variables que sont la pression et la température du pneu, deux paramètres susceptibles de varier sous l’effet de la température ambiante et de la température du sol, de l’intensité du travail ou encore de la configuration de la machine. La finalité du pneu connecté est d’assurer le fonctionnement des machines la pression de sécurité la plus basse, gages de sécurité pour la machine et l’opérateur et d’impact minimal sur les couches supérieures du sol. Selon le manufacturier, la technologie contribue à réduire les risques de rotation du pneu autour de la jante. Dans le cas où une action est nécessaire, ConnecTire envoie automatiquement une alerte sur l’appli associée. Associée à un logiciel d’agri- culture de précision, la technologie permet d’identifier les passages de roue sur chaque cm2, ouvrant la voie à une iden- tification des zones les plus impactées. ConnecTire fait enfin office d’alerte antivol.
PNEUTRAC, LE PNEU CHENILLE DE TRELLEBORG
Le PneuTrac est un pneu radial à flanc rigide dont l’empreinte se déploie dans le sens longitudinal grâce à a géométrie en forme d’accordéon. C’est en quelque sorte l’antithèse des pneumatiques à flancs souples, lesquels permettent d’élargir l’empreinte au sol et par la même occasion de réduire la pression exercée sur chaque cm2 à charge constante sinon de supporter une charge supérieure à pression constante. La structure des flancs du PneuTrac est au contraire rigide. La déformation du pneu sous l’effet de la charge s’opère dans le sens longitudinal grâce à une géométrie en forme d’accordéon, laquelle peut être assimilée à une mini-chenille tout en étant adaptée à des jantes conventionnelles. La bande de roulement emprunte la technologie ProgressiveTraction à crampons doubles. Fruit d’un partenariat entre Galileo Wheels et Mitas, le concept PneuTrac avait été dévoilé à l’Agritechnica 2013. Après l’achat de Mitas courant 2016, Trelleborg a repris le partenariat à son compte et a exposé à l’Agritechnica 2017 le PneuTrac en 480/65T28. Dans le passé, Mitas avait présenté des variantes en 600/65 R38 et en 280/70 R18. Dans cette dimension, le manufacturier annonçait, comparativement à un pneumatique standard de la même dimension une surface de contact supérieure de 53 %, une force de traction supérieure de 48 %, une rigidité latérale supérieure de 167 %, le tout à une pression deux fois moindre, soit 0,8 bar. La stabilité et la résistance aux crevaisons sont d’autres avantages mis en avant par Trelleborg.
Auteur: Raphaël Lecocq