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Un excédent commercial agroalimentaire en trompe l’oeil

Avec 9,4 milliards d’euros en 2015, l’excédent commercial agroalimentaire est en trompe l’oeil. Sans les boissons et alcools, les échanges commerciaux de produits agroalimentaires seraient déficitaires de 4,65 milliards d’euros. Les fruits, les légumes, les produits de la viande et les tourteaux grèvent cet excédent de plus 6,5 milliards d’euros.

Bien qu’il bat un nouveau record, l’excédent commercial des boissons et des alcools ne suffit plus pour masquer la dégradation des termes de l’échange commercial de l’agriculture et de l’industrie de la transformation agroalimentaire de la France.

Tous produits confondus, le solde du commerce extérieur est de 9,37 milliards d’euros pour 2015, en hausse de près de 200 millions d’euros par rapport à 2014. Mais cette augmentation repose sur une progression de 1,1 milliard des ventes de boissons et d’alcools. Sinon, le solde commercial aurait, à périmètre identique, diminué 670 millions d’euros par rapport à 2014. Par ailleurs, la France ne peut plus compter sur les prix des céréales pour dépasser le seuil des 11 milliards d’euros, comme en 2012…

« Avec l’Union européenne en particulier, l’excédent (2,9 miilards d’euros) recule d’un milliard d’euros par rapport à 2014. Les importations augmentent aussi bien pour les produits bruts (+ 500 millions d’euros soit + 8 %) que pour les produits transformés (+ 500 millions également soit + 2 %) », analyse le service de la statistique et de la prospective (Ssp) du ministère de l’Agriculture.

Le meilleur indicateur de compétitivité de l’ensemble de la filière agroalimentaire française est le solde commercial des produits transformés avec les pays européens. En baisse année après année, et encore juste à l’équilibre (+ 84 millions d’euros) en 2014, ce dernier était déficitaire (- 574 millions d’euros) en 2015.

La France accuse encore un déficit de 932 millions d’euros sur les produits de la viande après 1,14 milliard l’an passé. Les ventes de volailles sont redevenues excédentaires mais de peu. La France importe 1 milliard d’euros de viandes qu’elle pourrait produire sur son sol dont 840 millions d’euros de viande de porc alors que ses éleveurs ne parviennent pas à écouler leurs productions ! Plus grave, une partie de la viande importée est issue d’animaux élevés en France, faute de compétitivité des transformateurs français.

Sinon, la France a accru, en 2015, sa dépendance en huiles tourteaux et corps gras avec des ventes qui ne représentent qu’un tiers des importations. En conséquence, le déficit commercial est de 2,4 milliards d’euros. L’autonomie de l’élevage français en protéines végétales reste un voeu pieux.

Mais surtout, la mauvaise conjoncture mondiale des produits laitiers s’est traduite par une chute importante des ventes (500 millions d’euros) et une recomposition du panel des denrées échangées, avec des achats proportionnellement plus importants (en recul de 340 millions d’euros) que les ventes (en baisse de 480 millions d’euros). Autrement dit, la crise a rendu moins compétitive l’industrie laitière française.

Produits agricoles bruts

Pour les produits agricoles bruts, l’année 2015 se caractérise par « des importations d’Union européenne et des pays tiers (13 milliards d’euros) en augmentation de 1 milliard (+ 9 %) par rapport à 2014. En particulier, les achats de fruits progressent de 600 millions d’euros et ceux de légumes de 300 millions », souligne le Ssp.

Les exportations (15,7 milliards) augmentent de 900 millions d’euros (+ 6 %) par rapport à 2014, dont 400 (+ 6 %) pour les céréales (sans atteindre les sommets de l’année 2013). « Ce résultat est principalement imputable aux ventes d’orges qui augmentent de 500 millions d’euros (+ 52 %), sous l’effet de la hausse exceptionnelle des expéditions vers les pays tiers (Chine), aussi bien en quantité (+ 161 %) qu’en valeur (+ 187 %) », souligne le Ssp.

A noter aussi les exportations de pommes de terre dont les cours se sont nettement redressés.

En productions animales, « les exportations de bovins vivants augmentent de 112 millions d’euros (+ 9 %), grâce aux expéditions vers les pays tiers (Turquie) alors que le débouché vers l’UE reste stable ».

Ainsi, la France reste un pays producteur de matières premières agricoles, avec un excédent commercial très lié aux cours mondiaux et une gamme de produits compétitifs de plus en plus restreinte. Or l’agriculture française a les atouts pour produire de tout, et en quantités suffisantes, pour pourvoir à la demande des consommateurs (hormis les produits tropicaux).

Outre les faiblesses de l’industrie de transformation issue de produits agricoles, signalons l’énorme déficit de notre pays en produits de la pèche avec des importations quatre fois supérieures aux ventes à l’export, soit un déficit de 2,9 milliards d’euros alors que la France a un des plus grands espaces marins du globe.

Tous secteurs confondus, la baisse du déficit commercial de la France ne repose plus, depuis deux ans, sur de meilleures performances à l’export de l’industrie de produits transformés et sur les ventes de produits agricoles. Le déficit de la balance commerciale a diminué de 12,6 milliards d’euros sur un an et de près de 30 milliards depuis 2011. Alors que dans le même temps, l’excédent agricole et agroalimentaire a reculé de près de 2 milliards d’euros en 2014 avant de regagner 200 millions d’euros l’an passé.

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