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Un essai de travail du sol de plus de 40 ans

Rien ne vaut l’essai grandeur nature, et encore plus inscrit dans la durée. A Boigneville (Essonne), les essais de travail du sol ont débuté… en 1970.

Sur des parcelles de la station Arvalis-Institut du Végétal de Boigneville (Essonne), on expérimente les différentes modalités de travail du sol depuis 1970. C’est l’expérimentation la plus ancienne de ce type. Elle permet de croiser les effets de la rotation et du travail du sol sur plusieurs dizaines d’années. Le point sur les derniers résultats obtenus avec Jérôme Labreuche, ingénieur à l’institut et spécialiste travail du sol.

L’essai « travail du sol » de Boigneville est unique en France : la 44e récolte a été effectuée cette année. En 1970, année de sa mise en place, le travail du sol simplifié était peu pratiqué. « A l’heure où l’on parle de retour à l’agronomie, de protection intégrée ou d’agroécologie, les enseignements des essais de longue durée sont fort utiles. La durée de l’essai de Boigneville permet d’étudier les effets cumulatifs de plusieurs rotations de culture qui impactent la structure du sol, les adventices, les maladies, les matières organiques ou encore les vers de terre, explique Jérôme Labreuche. Sur l’essai, nous comparons trois précédents au blé – maïs, betterave et blé – croisés avec trois types de travail du sol : labour, techniques culturales simplifiées et semis direct ».

En ressortent un certain nombre d’indicateurs qui permettent de mesurer l’efficacité des différentes modalités. Si les principales observations portent sur la pression maladies et les adventices, en lien avec le rendement, la capacité du sol à stocker le carbone et à limiter les dégagements de gaz à effet de serre sont également mesurés.

Une rotation maïs-blé propice au travail réduit

Sur maïs précédent blé, lors de la mise en place de l’essai dans les années 70, la levée n’était pas bien maîtrisée en semis direct avec des semoirs prototypes, avec une pénalité de rendement comme conséquence. Un petit travail du sol localisé à la ligne de semis a alors été réalisé et a solutionné ce problème. Les levées et rendement étaient alors équivalents entre labour, travail superficiel et semis direct. A partir de 2002, du vrai semis direct a remplacé le travail du sol localisé. La levée de maïs est alors un peu moins bonne (-5 000 plantes/ha en moyenne) sans impacter le rendement. Le non travail du sol limite le réchauffement du sol au printemps, avec un impact sur le développement du maïs (retard de son cycle jusqu’à la récolte avec +3 points d’humidité du grain).

L’essai, non irrigué au départ, a été arrosé à partir de 1998. Il n’y a pas de réponse différentiée au travail du sol avec ou sans irrigation, malgré des potentiels variant de 40 à 130 q/ha à 15 %. L’irrigation du maïs a finalement eu un impact sur l’implantation du blé suivant. En effet, les premières années sans irrigation, aucune différence de levée et rendement du blé de maïs n’a été observée en moyenne entre labour, travail superficiel et semis direct. La hausse du potentiel du maïs avec l’irrigation a compliqué l’implantation du blé suivant en semis direct, avec une forte concentration  de résidus de maïs sur les anciens rangs de cette culture  rendant l’implantation du blé hétérogène avec une pénalité d’un peu moins de 10 q/ha.

Une comparaison avec et sans broyage des résidus de maïs (avant semis avec rotavator + semoir à disques ou après semis direct avec un semoir spécial à disques) a montré une plus forte vitesse de décomposition des résidus et une diminution de la présence de fusariose et du DON (mycotoxine produite par les champignons). Cela a aussi eu un impact en semis direct sur l’implantation du blé, le broyage homogénéisant la répartition des résidus, ce qui a permis de retrouver un rendement moyen proche du labour et du travail superficiel.

Rotation, travail du sol, et champignons sont liés

Contrairement à la rouille brune et jaune et à l’oïdium, piétin verse, septoriose et fusariose sur blé ne se développent pas de la même manière suivant le précédent cultural et le type de travail du sol. Le piétin verse est favorisé par la monoculture (par comparaison à un précédent betterave ou maïs), et par le labour dans le cadre d’une rotation ; des résidus enfouis par le labour puis remis en surface quelques années plus tard seraient plus infectieux que s’ils étaient laissés en surface. La septoriose est, quant à elle, favorisée par le labour en particulier après un maïs. Le cas de l’helminthosporiose est différent : elle est favorisée par un précédent blé dont les pailles ne sont pas enfouies.

Pour la fusariose, c’est le précédent maïs, dont les résidus portent un inoculum important, qui pose problème. Les résidus de cultures intermédiaires, installées entre le blé et le maïs, peuvent aussi être le support d’inoculum de fusariose et augmenter la teneur en mycotoxines des grains de maïs.

Un travail en réseau avec les agriculteurs

Ces résultats donnent matière à réflexion pour élaborer une stratégie fongicide plus précise. Toutefois, les conditions expérimentales ne sont pas celles de l’exploitation. « Nous travaillons avec un réseau d’agriculteurs en semis direct dans toute la France pour observer leurs pratiques, échanger, et tenter de comparer leurs résultats avec les nôtres, précise Jérôme Labreuche. La diversité des systèmes est telle qu’il est difficile de comparer. Mais ce réseau nous permet de voir ce qui se passe, notamment les techniques développées, dans les régions où nous n’avons pas d’essais en place. Nous devons avoir une approche moins analytique pour coller à la réalité des exploitations ». Le réseau permet aussi de travailler sur des techniques innovantes comme les couverts permanents de légumineuses qui seront peut-être injectées à l’avenir dans des essais de longue durée comme l’essai travail du sol de Boigneville.

En savoir plus : https://wikiagri.fr/archive/13  (retrouvez les résultats croisant travail du sol et stockage de carbone dans les Brèves des champs de Wikiagri Magazine n°13, page 30, lien accessible gratuitement pour les membres du site).

Ci-dessous, deux vues aériennes du site :

Ci-dessous : profil de sol non travaillé.

Ci-dessous,trèfle blanc comme plante compagne du colza, quelques semaines après la récolte de ce dernier, avant maïs.

1 Commentaire(s)

  1. Essais très intéressant, Mais la marge est le plus important, dans un premier temps. Après cette essais permet de peaufiner la lutte contre les ravageurs.

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