La Russie doit sa puissance commerciale à l’export, aux 40 000 exploitations de 5 000 hectares, mais la production agricole russe reste dominée par une activité de micro-exploitations de subsistance. Sans elles, les Russes auraient faim !
La fin de la période soviétique et la privatisation de l’agriculture russe ont conduit à une nouvelle concentration de la propriété foncière. Selon une étude du ministère de l’Agriculture français, portant sur la politique agricole conduite en Russie, les kolkhozes et les sovkhozes ont été remplacés par 40 000 exploitations de 5 000 hectares. Certaines entreprises sont même regroupées en agro-holdings de plus de 100 000 hectares.
Sur 55 % de la surface agricole (385 millions d’hectares au total), ces entreprises assurent près des trois quart des productions de céréales, de betteraves à sucre, d’œufs, de viande (porcs et volailles essentiellement) et 46,7 % de la production de lait.
L’essor des grandes exploitations renforce les capacités exportatrices de la Russie (de 15 à 30 millions de tonnes de blé par an selon les années, près de 50 millions de tonnes attendues dans 15 ans) mais celles-ci couvrent les besoins alimentaires des Russes pour un nombre limité de produits de base. La moitié de la production agricole russe est produite par les 223 000 exploitations de plus de 100 hectares (superficie moyenne de 167 hectares) et, surtout, par les 16 millions de micro-exploitations.
Sur 8 % des terres cultivées, les exploitations de dimension familiale produisent à la fois des cultures de vente (25 % des céréales, 10,3 % de betteraves à sucre, 29 % du tournesol) et des produits exclusivement destinés au marché intérieur.
Sur seulement 6 à 7 millions d’hectares, les micro-exploitations, survivances des lopins de terre de la période soviétique, produisent à elles seules 40 % de la production agricole, essentiellement orientée vers l’autoconsommation de subsistance pour les besoins familiaux ou vendus sur les marchés locaux.
Dans ces micro-exploitations, de moins de 0,44 hectare en moyenne, sont récoltés plus de 80 % des pommes de terre, 68,4 % des fruits, 69,9 % des légumes, 47,1 % du lait, et 24,7% de la production de viande.
« L’embargo politique du 7 août 2014 visant certains produits agroalimentaires de l’Union européenne, des Etats-Unis, de Norvège, d’Australie et du Canada n’a pas eu les effets escomptés sur l’augmentation de la production russe, souligne la note du ministère de l’Agriculture français. La volonté politique affichée était pourtant de développer la production russe et de diminuer les importations. »
En production de porcs et de volailles, l’autosuffisance sera atteinte vraisemblablement. D’importants investissements ont été réalisés depuis une quinzaine d’années, financés en partie par des capitaux étrangers.
Pour les autres productions, l’objectif d’autosuffisance en 2020 fixé par le président Poutine devient de plus en plus inatteignable. La chute du rouble, les sanctions occidentales portant sur les banques russes et la hausse des taux d’intérêt ont renchéri l’acquisition des matériels, des machines et des animaux importés.
En fait, la mise en œuvre du programme d’Etat 2013-2020 de « développement de l’agriculture et de la réglementation des marchés des matières premières, produits agricoles et produits agroalimentaires », doté d’un budget de 51 milliards d’euros, a été contrariée dès 2014. Il vise à favoriser l’essor et la modernisation des 228 000 exploitations moyennes, de dimension familiale.
« Toutefois, l’agriculture n’est plus le parent pauvre des politiques économiques de la Russie, même en cette période de restriction budgétaire, explique la note du ministère de l’Agriculture. Ceci peut s’expliquer par la volonté politique d’augmenter la production agricole russe le plus rapidement possible afin de substituer au maximum les importations. »
Pour 2016, les trois priorités du programme sont la construction d’élevages laitiers, le soutien des fermes familiales et l’augmentation du cheptel de bovins allaitants. Pour le lait, les subventions aux investissements passent de 20 % à 35 % en 2016 pour la construction de nouveaux élevages laitiers.
Le 7e producteur mondial de lait ne pourvoit pas aux besoins en produits laitiers de ses consommateurs. Le déficit de production russe porte sur 8 millions de tonnes d de lait environ. La production laitière doit croître et le gouvernement souhaite l’émergence d’une filière de bovins viande aujourd’hui inexistante. On dénombre en Russie seulement 370000 vaches allaitantes, contre 4,1 million en France, alors pour un territoire 33 fois plus petit.