Dans des zones de production avec des rendements moyens entre 65 et 75q/ha, réduire les intrants et notamment les produits phytosanitaires, peut permettre de préserver la marge des cultures céréalières. Sur la commune de Lys-Haut-Layon, Laurent Véron témoigne de son cheminement pour réduire son IFT à un herbicide et un fongicide par an.
Au cœur du Maine-et-Loire, dans la zone d’élevage comprise entre Cholet et Saumur, Laurent Véron consacre entre 30 et 35 ha de son assolement à la culture de blé et d’orge. Les céréales sont destinées à l’alimentation de son troupeau de vaches allaitantes ainsi qu’à la vente. « En 2024, je n’ai pu semer que 21 ha, avec un rendement moyen de 30q/ha » rapporte-t-il. Une très mauvaise moisson à l’image de la ferme France. Les bonnes années, il chiffre le rendement entre 70 et 75 q/ha. Conscient du potentiel limité de ses terres, il a toujours eu à cœur de réduire les intrants et donc les charges pour conserver une rentabilité sur cette culture. Pour ce faire, les traitements sont réduits au minimum. L’exploitant angevin ne réalise qu’un passage de fongicide et limite au maximum le désherbage. « Il y a l’aspect économique, mais aussi environnemental. Je suis en agriculture conventionnelle et je le resterai, mais ça ne m’empêche pas de vouloir avoir un impact le plus faible possible. C’est notre responsabilité en tant qu’agriculteur » souligne-t-il.
Alors qu’il appliquait un programme de désherbage classique au début de sa carrière, Laurent Véron a affiné sa technique d’année en année pour tendre vers un seul passage d’herbicide à l’automne, et un rattrapage lorsque nécessaire sur rumex et chardon au printemps. « J’ai appris à ne plus écouter les commerciaux et à me concentrer sur un vrai suivi de la culture. L’important, c’est de passer au bon moment et de savoir attendre » confie-t-il.
Pour arriver à ce résultat, il traite ses céréales en post-levée au stade deux feuilles. C’est une expérience inattendue qui lui a permis d’arriver à ce résultat. « Lors d’un semis, je n’ai pas pu traiter lors du semis, car il y avait de l’eau. Lorsque j’ai pu appliquer l’herbicide, le blé avait levé et je me suis rendu compte que les herbes en place n’étaient pas très méchantes. J’ai donc décidé de réduire la dose et le résultat était au rendez-vous » se souvient-il. Pour ce traitement, il utilise du Prosulfocarbe (Roxy) à 2l/ha alors que le produit est autorisé à 5l/ha. Il l’associe à la matière active Diflufénican (Flexcard) à 0,200 l/ha et apporte un volume de 250 l d’eau par hectare. Au printemps, s’il observe des parcelles avec des développements de rumex et de chardon, il passe en localisé avec du Metsulfuron-méthyle (Allie). « Si je vois deux ou trois pieds isolés, je les enlève à la bêche. Ce sont des adventices assez faciles à retirer à la main » rapporte-t-il
Pour expliquer la réussite de ce programme allégé, Laurent Véron évoque sa rotation composée de prairie et de maïs. « Je n’ai que des herbes faciles à détruire dans mes céréales et pas de résistance à l’heure actuelle ». La pratique du labour est également au cœur de sa stratégie. « Je n’ai pas l’intention de me passer de charrue. C’est encore la méthode la plus simple pour nettoyer une parcelle. Grâce au labour, j’utilise moins de 10 l chaque année de glyphosate sur mes 150 ha d’assolement » chiffre-t-il. Généralement après un maïs, la parcelle est labourée, puis implantée avec combinés de semis. La date de semis justement est également un facteur clé. « J’implante toujours mes cultures en novembre pour limiter le développement des herbes » retrace l’exploitant. Pour tasser les traces de pulvérisateur, il remplit la cuve avec 500 l d’eau et réalise un passage rapidement après le semis.
Des choux pommés dans la rotation
S’il n’utilise pas d’insecticide sur céréale, ce type de produit se révèle en revanche indispensable sur les 4 ha de choux pommés que Laurent Véron cultive chaque année pour une coopérative légumière du Maine-et-Loire. « J’attends toujours un peu avant d’intervenir quand j’observe la présence de puceron sur un pied de chou. Parfois, un changement de météo peut les faire partir sans intervention de ma part » rapporte-t-il. Mais en cas de retour des ravageurs après un premier départ, il déclenche systématiquement un traitement.
Un pulvérisateur bien amorti
Le producteur angevin a pour pratique d’investir dans du matériel en propre puis de l’amortir sur une longue période en apportant un soin particulier à l’entretien. « Les stagiaires aiment venir chez moi, car je démonte tout » sourit-il. Son pulvérisateur ne fait pas exception. Le modèle Hardy de 15 m et 1000 l est présent sur l’exploitation depuis 20 ans. « J’ai simplement changé les buses et les joints de la pompe et il fonctionne parfaitement » décrit-il. Laurent Véron a également installé des lumières pour pouvoir traiter après la tombée du jour. « C’est important de réaliser ce type d’intervention la nuit, surtout pour les insecticides. Sinon, le traitement n’impacte pas les ravageurs, en revanche, il touche les insectes utiles » évoque-t-il.
Côté fongicide, Laurent Véron a toujours eu une seule doctrine : « Je n’applique qu’un fongicide sur les céréales ». Pour ce faire, il intervient avec les matières actives Prothioconazole, Bixafen et Fluopyram (Yoneero) à raison de 0,67 l/ha, associées à de l’Azoxystrobine (Chamane). « Je traite fin avril/début mai. Le produit a une efficacité de 6 semaines, donc ça couvre la période à risque » estime-t-il. Si les feuilles commencent à sécher fin juin, cela ne lui pose pas particulièrement un problème puisque le blé commence à mûrir.
Dans la même idée de réduction des intrants, aucun insecticide n’est appliqué sur les parcelles de céréales.
Timothée Legrand