La campagne pour les élections régionales va commencer bientôt. Voici l’interview de Pascal Coste, président du Conseil départemental de la Corrèze, l’un des rares agriculteurs en activité à être à la tête d’une collectivioté territoriale.
Président du Conseil départemental de Corrèze, Pascal Coste est un des rares agriculteurs en activité à la tête d’une collectivité territoriale. Ces derniers se plaignent régulièrement d’être de moins en moins nombreux pour défendre leurs intérêts mais ils manquent aussi de temps pour s’investir. Pourtant de nombreux problèmes de société concernent l’agriculture et les agriculteurs.
Dans votre département, sur qui peuvent compter les agriculteurs pour défendre leur activité ?
Pascal Coste : Comparé aux autres départements, les agriculteurs corréziens sont bien représentés au sein du conseil départemental. Sur les 38 conseillers territoriaux, quatre d’entre eux sont des agriculteurs en activité. Et l’agriculture mobilise tous les élus tant les enjeux économiques sont importants. Mais le département de la Corrèze est presque une exception. Ailleurs, les agriculteurs pèsent de moins en moins dans l’exécutif territorial. Dans les régions, ils décrochent péniblement un poste de vice-président de conseil régional.
Comment expliquez-vous cela ?
P.C. : Les agriculteurs sont de moins en moins nombreux sur des exploitations de plus en plus importantes, ce qui leur laisse peu de temps pour s’investir dans d’autres activités, qu’elles soient électives ou consulaires. Les syndicats agricoles vivent au quotidien cette désaffection (Ndlr : Pascal Coste a été président du CNJA puis vice-président de la Fnsea avant de se lancer en politique). Pourtant, les agriculteurs doivent pouvoir siéger dans les nombreuses commissions où leur présence est indispensable. L’urbanisme, le tourisme, la voierie ou encore l’accès à internet très haut débit sont des sujets parmi d’autres sur lesquels ils doivent se prononcer et donner leur avis. Sinon, ils seront laminés. Mais la prise en compte des spécificités territoriales ne doit pas se faire aux dépens de l’intérêt national. Dans les régions, il était important d’encadrer les mesures du second pilier de la Pac sous la responsabilité des conseils régionaux, dans un souci de cohérence et d’unité nationale. Il faut éviter toute distorsion entre les régions.
Les agriculteurs ne souffrent-ils pas d’une méconnaissance de leur métier par la population?
P.C. : C’est le problème majeur. Les réseaux sociaux et les actions de lobbying sont utiles pour expliquer concrètement comment les agriculteurs travaillent et pour valoriser leur métier. Les agriculteurs doivent savoir se doter d’outils de communication aussi efficaces que ceux employés par des écologistes ou des partisans d’une agriculture alternative déconnectée de toute réalité économique, qui ne sont pas par ailleurs, le plus souvent, issus du monde agricole. L’opposition médiatisée contre le projet des « 1000 veaux » de Saint-Martial-le-Vieux, en Creuse, illustre les contradictions de ces pourfendeurs. Ceux là même qui défendent la commercialisation en circuit court s’opposent aux 45 éleveurs qui mettent en commun leurs moyens de production pour relocaliser l’engraissement de jeunes bovins en Limousin et pour les commercialiser directement à la grande distribution. Or une telle initiative permettra aux éleveurs de gagner entre 50 centimes et 1 € de plus par kilogramme de carcasse et pérennisera l’activité de l’abattoir où les animaux seront livrés.
Le barrage de Sivens, le projet de construction de Notre Dame des Landes… les problèmes des agriculteurs ne sont-ils pas non plus liés à la difficulté de faire appliquer des décisions juridiques ?
P.C. : En effet, les problèmes démographiques et de représentativité des agriculteurs n’expliquent pas tout. Il est temps de revenir à un Etat fort pour appliquer un Etat de droit. Pour ces projets, la population a largement été consultée. Mais une fois les recours juridiques épuisés pour empêcher la réalisation de ces travaux, il revient à la justice d’appliquer les décisions prises. Nous ne sommes plus dans ces cas de figure face à un problème agricole, mais face à la difficulté d’un Etat d’appliquer les décisions juridiques. Sinon, on donne la possibilité aux opposants de tels projets d’imposer leurs points de vue alors qu’ils sont largement minoritaires et de plus en plus repoussés par la population rurale.
Ci-dessous, Pascal Coste (photo fournie par le conseil départemental de Corrèze).