Les cours des produits végétaux baissent fortement alors que les agriculteurs ont payé au prix fort les engrais et l’énergie pour implanter leurs cultures d’hiver. Selon l’AGPB, la production de blé récoltée l’été prochain n’est d’ores et déjà pas rentable.
Les fruits et le colza ont ouvert la voie. Depuis trois mois, les prix à la production baissent. Pour les fruits, le repli 15 % au mois de septembre sur un an, s’est poursuivi tout en ralentissant en raison du caractère saisonnier des produits en jeu. A la fin de l’année, les prix ont de nouveau augmenté.
Mais pour le colza, la baisse des cours s’accentue passant de -0,9 % en rythme annuel au mois de septembre à -18 % au mois de décembre.
A leur tour, les prix des céréales et autres produits végétaux décélèrent mois après mois.
En rythme annuel, les prix des grains (céréales et oléo-protéagineux confondus) ne progressaient plus que de 3,5 % en décembre dernier, soit 19,5 points de moins qu’en septembre 2022.
Le 31 janvier 2023, la tonne de blé valait 286 € à Rouen. Sortie ferme, elle n’es payée qu’à peine 260 € !
Or entre les mois de janvier et d’octobre 2022, les prix des intrants sont supérieurs de 36,5% à leur niveau de l’année précédente et ils sont appelés rester à des niveaux très élevés durant de longs mois.
Au cours des onze mois de l’année passée, les prix de l’énergie sont supérieurs de 43,6 % à 2021 et ceux des engrais de 81,3 %. Par rapport à 2015, année prise en référence par l’Insee, l’énergie vaut 72 % plus chère et les engrais plus du double.
« Les difficultés d’approvisionnement en gaz, en disponibilité limitée et dont le prix est en forte hausse, entrainent des baisses de production d’engrais azotés chez les principaux fabricants européens, alors que les importations subissent des coûts élevés de fret », analyse le ministère de l’Agriculture.
Pour leur part, « le prix de l’énergie reste en forte hausse sur un an (+36,9 %), dans un contexte d’augmentation de la production de pétrole en juin et juillet par les pays de l’OPEP et d’embargo progressif de l’UE sur le pétrole russe d’ici fin 2022 ».
Aussi, l’effet ciseau amorcé l’automne passé (les charges augmentant plus vite que les produits) s’est poursuivi tout au long du mois de décembre. Les prix des céréales sont notamment proches de leur niveau d’avant la guerre en Ukraine alors que la baisse des prix de l’énergie ne se répercute pas encore sur les des intrants utilisés par les agriculteurs.
Les augmentations des prix des intrants pèsent en partie sur les ventes et la rentabilité de la récolte de 2022 et d’ores déjà sur celle de 2023 alors que les céréales d’hiver sont à peine au stade tallage. Les agriculteurs ont en effet financé à des prix record les engrais épandus et l’énergie employée pour réaliser leurs travaux dans les champs.
Autrement dit, les prix de vente de céréales et d’oléo-protéagineux couvrent de moins en mois, voire plus du tout, l’augmentation des prix des achats d’intrants acquis pour financer la campagne en cours.
Selon l’AGPB, l’association spécialisée des producteurs de blé liée à la FNSEA, le coût de production de la tonne de blé récoltée l’été prochain est d’ores et déjà estimé entre 287 € et 312 € pour un rendement de 8 tonnes par hectare dans le grand bassin parisien. Des montants bien supérieurs au prix de vente sortie ferme.
Ces prévisions émanent d’une étude rendue publique par Arvalis Institut du végétal. Et selon l’AGPB, ces coûts de production sont calculés hors revenu.
Si le rendement est de 7 tonnes par hectare, ce coût de production par tonne récoltée est majoré de 40-45 €/t.
Seule une baisse durable de leurs prix au début de cette année 2023 allègera partiellement les coûts d’implantation des cultures de printemps. Mais celle-ci ne sera perceptible dans les comptes de résultats qu’à l’automne prochain lorsqu’il faudra financer les prochaines cultures d’hiver 2023-2024.
Donc pour la récolte 2023, une partie des jeux sont faits. Et une baisse des revenus paraît d’ores et déjà inévitable par rapport à 2022.
D’après le ministère de l’agriculture, les céréaliers achètent moins d’engrais de fond, compromettant ainsi la fertilité de leur sol et des rendements des cultures à venir.
« En novembre 2022, les livraisons de phosphate de la campagne chuteraient sur un an (-52,2 %) dans le même contexte de prix en accélération (+60,1 % sur un an pour les engrais simples phosphatés). Les livraisons de potasse seraient elles aussi en forte baisse sur un an (-57,3 %), en parallèle de prix également en forte hausse (+81,4 % pour les engrais simples potassiques) ».
Evidemment, tout accident climatique ou une intensité des combats en Ukraine chambouleront ces prévisions. Mais la nouvelle flambée des prix des grains qui en découlerait contredirait cette prévision mais elle menacerait les capacités financières des pays importateurs.
Photo: champ de blé lors de la moisson (@Thierry Ryo)