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Quel est l’impact du Brexit sur les fermes anglaises ?

Une étude récente menée par le ministère britannique de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales a tenté de mesurer l’impact de la sortie de l’UE, et par conséquent de la Pac, sur les fermes anglaises. Les auteurs proposent également des voies de compensation.

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Des paiements directs remis en question depuis de nombreuses années en Angleterre

En Angleterre, les paiements directs sont composés du paiement de base, du paiement vert et de la dotation Jeunes Agriculteurs. Depuis plusieurs années, leur efficacité est discutée et leur impact négatif pointé du doigt.

D’une part, cet outil, décrit comme un support de revenu, est très inégalement réparti et ne profite qu’aux fermes dégageant les plus hauts revenus. En 2016, 10 % des fermes captent 50 % des paiements directs, quand un tiers en touche moins de 8 %. Et les fermes aux plus hauts revenus sont aussi celles qui touchent le plus gros montant.

D’autre part, le lien entre surfaces et paiements directs, issu de la nature même des paiements directs exprimés à l’hectare, est jugé responsable d’une hausse significative du prix du foncier, à l’achat comme à la location.

Enfin, le versement de ces aides, non soumis à des exigences environnementales fortes, n’aurait pas permis d’augmenter les externalités positives de l’agriculture anglaise. Pire encore, il serait contre-productif en facilitant la réalisation d’investissements non rentables.

Ces paiements disparaitront en 2021, conséquence de la mise en œuvre du Brexit.

Un arrêt brutal aurait des conséquences néfastes sur les fermes anglaises

Sur la période 2015-2017, les paiements directs représentent 61 % du revenu de la ferme anglaise. Ce chiffre varie sensiblement d’une région à une autre, et d’un système de production à un autre. Ainsi, les paiements directs représentent près de 80 % du revenu des fermes Scop et plus de 90 % de celui des éleveurs de bovins allaitants extensifs. C’est dans le « North East » (carte 1) que les paiements directs pèsent le plus sur le revenu des fermes, à hauteur de 98 %. A l’inverse, ils ne représentent que 47 % du revenu des fermes de l’East Anglia, principale zone de production de grandes cultures en Angleterre. Sur la période étudiée, 16 % des fermes anglaises dégagent un revenu négatif. Sans les paiements directs, elles seraient 42 %.

Carte 1 : l’Angleterre et ses 9 régions

Quelles compensations mettre en place ?

En moyenne, pour compenser la disparition des paiements directs, il faudrait réduire les charges d’environ 10 % ou augmenter le chiffre d’affaires d’autant. Le premier argument avancé par le ministère est que la hausse du coût d’accès au foncier, conséquence de la mise en place des paiements directs, devrait s’atténuer jusqu’à disparaître à terme. Ainsi, les auteurs estiment que le prix du fermage devrait être divisé par 2. Mais ce dernier ne représente que 5 à 12 % des charges des exploitations anglaises, qui ne sont fermières que sur 37 % de leur surface en moyenne. De plus, l’ampleur et l’impact de la baisse mettront du temps à se matérialiser en fonction de la date du renouvellement et de la durée des baux de location.

Autres pistes évoquées : la contractualisation pour sécuriser les prix de vente, le recours à des outils de pilotage des intrants, ou encore l’optimisation du parc matériel. L’attente est également grande autour du nouveau programme agri-environnemental « Environmental Land Management System », pour connaître les contours de la nouvelle politique environnementale anglaise et ses possibilités de rémunération pour les agriculteurs.

Enfin, le développement d’activités annexes est mis en avant : 70 % des fermes anglaises dégagent un chiffre d’affaire autre qu’issu de la vente de produits agricoles. Et pour 35 % d’entre elles, ces activités annexes représentent un chiffre d’affaire supérieur à la vente agricole.

La nécessité d’une période de transition

L’impact de ces différents leviers sur les performances économiques des fermes anglaises est très incertain. Et surtout, il n’est envisageable que sur un pas de temps long. Cela souligne la nécessité d’une période de transition après 2021. Plusieurs scénarios sont envisagés :
– une baisse progressive du montant des aides, accentuée pour les plus hauts bénéficiaires ;
– un plafonnement dégressif d’année en année ;
– un pourcentage annuel de baisse identique pour l’ensemble des exploitations.

Suite à une phase de consultation, les agriculteurs ont plébiscité la première solution. La baisse accélérée des aides sur les exploitations les plus bénéficiaires entraînera une convergence. Ensuite, l’étude ayant révélé que les aides bénéficiaient surtout aux exploitations les plus riches, on peut supposer que ces dernières sont plus enclines à résister à une baisse plus forte des aides. Enfin, en faisant baisser les aides sur toutes les fermes et ce dès la première année post Pac, cette mesure a le mérite d’être claire en annonçant dès le départ qu’à terme les paiements directs disparaitront en Angleterre.

 

Baptiste Dubois (Arvalis – Institut du végétal)

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