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Quand les élevages de canards reprennent vie

Après plusieurs mois de vide sanitaire, les élevages de canards revivent dans le sud-ouest. Mais les professionnels croisent les doigts pour ne pas être confrontés à une troisième grippe aviaire.

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Dire que la filière du foie gras a souffert des deux épisodes de grippe aviaire découverts en 2015 puis au début de cette année, est un doux euphémisme. Selon le Cifog (comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras), ces épidémies ont été une véritable catastrophe, puisque 4,5 millions de canards ont dû être abattus au cours de l’hiver et du printemps dernier dans le sud-ouest. Une gigantesque opération destinée à enrayer la propagation du virus. Au total, environ 400 foyers de la maladie avaient été identifiés. Si bien que le Cifog estime les pertes globales à 250 millions d’euros.

Sur ce tableau noir, une lueur d’espoir apparaît cependant grâce au redémarrage des élevages et le retour des canards dans les exploitations depuis la fin du mois de mai de cette année, après un vide sanitaire strict de plusieurs mois imposé dans les élevages de 1134 communes réparties sur 18 départements du sud-ouest.

« Je me suis remis en cause et maintenant je travaille en autarcie »

A l’image de Nicolas Thus qui gave à nouveau depuis la fin août. Actuellement ses installations accueillent 4 000 nouveaux canetons. A 37 ans cet éleveur installé en 2007 à Mirannes dans le Gers, a vécu un vrai crève-coeur lorsque la maladie a été détectée dans son exploitation. Une réalité qui a conduit les services vétérinaires à abattre quelque 10 000 canards.

« Cette période a été pour moi un grand moment de solitude et d’inquiétude aussi sur la reprise, puisque le virus poursuivait sa progression. C’était compliqué car je devais ramasser des morts tous les jours ! »

Pour autant notre homme ne s’est pas laissé anéantir. Dans la mesure où cela lui a donné l’opportunité de se remettre en question et de penser à une nouvelle façon de travailler. Jusque là certains de ses petits protégés étaient expédiés chez des gaveurs, tandis que d’autres lui étaient envoyés. Mais cela appartient au passé. Désormais il ne gave que ceux qu’il élève lui-même. « Maintenant je suis en autarcie. Je n’y étais pas obligé mais je l’assume. Je constate que c’est plus facile à travailler parce que les lots sont moins conséquents. »

Autre concrétisation de ce modèle, il est autosuffisant pour le gavage. Car Nicolas Thus cultive aussi 65 hectares de grandes cultures, essentiellement du blé et du maïs. Et puis il ne vend sa production qu’à un unique producteur pour partie. Par ailleurs il développe la vente directe aux consommateurs.

L’angoisse avec le passage des oiseaux migrateurs

Mais s’il existe des avantages, ce système n’est pas sans incidences économiques. Sa marge brute a en effet chuté de 40 %. Et comme nombre de ses collègues, il appréhende le passage des oiseaux migrateurs lors des prochaines semaines. « On a tous une angoisse à l’approche de l’hiver. Parce qu’on ne sait pas comment on va faire si jamais le virus revient. On l’a très bien vu les deux dernières fois, on ne maitrîse pas la situation. J’ai bien peur qu’il faille apprendre à vivre avec ce risque ! »

Aux dires de beaucoup d’éleveurs gersois, un nouvel épisode de grippe aviaire pourrait être fatal à leurs entreprises. D’autant qu’ils n’ont pas encore tous perçu le solde des deux premières vagues de l’affection. Nicolas Thus a fait ses comptes. Un global de 30 % doit encore lui être versé. De plus, la phase de non gavage, de mai à août, n’a pas été prise en considération par les autorités. Ce qui représente pour lui un manque à gagner de 30 000 €.

Un système d’alerte pour mettre les élevages à l’abri

A la tête d’un organisme de production qui emploie 30 salariés et fait travailler au bas mot 150 personnes, des éleveurs aux conserveurs, Jacques Candelon est entouré de 140 000 canards chaque année dans le Gers. Et il le répète, il était indispensable que la filière retrouve son activité, mais il se veut lucide. « Tout est reparti et on en avait besoin, car les coûts liés à la biosécurité sont très élevés. Malheureusement on n’est pas à l’abri d’une nouvelle contamination par la faune sauvage. Tout dépendra de la rapidité et de la capacité à régler le problème dès la moindre suspicion. On se doit de pouvoir bloquer tous les élevages d’un même secteur. La clé est là, mais j’ai des doutes. »

Précisément un système d’alerte qui couvre la Nouvelle Aquitaine et l’Occitanie vient tout juste d’être mis en place à l’initiative du cluster biosécurité régional de Saint-Sever, dans les Landes. Il n’empêche, les éleveurs ont bien noté que la maladie affecte en ce moment la Belgique, le Luxembourg et l’Italie. Alors ils retiendront leur souffle jusqu’à mi-février.
 

En savoir plus : http://lefoiegras.fr/le-savoir-faire/cifog-et-missions (pour en savoir plus sur le Cifog, cité dans cet article).
 

A Mirannes (Gers), les installations de Nicolas Thus peuvent à nouveau élever des canards.

 

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