Depuis son implantation dans le Vermandois (Aisne), l’ETA Lefèvre fait référence en matière de travaux agricoles. Dans un contexte très concurrentiel, l’entreprise, attentive à son environnement agro-industriel, se concentre de plus en plus sur les travaux d’épandage. Plus difficiles à trouver, ces chantiers prennent l’ascendant sur les travaux traditionnels agricoles. Rencontre.
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Alors qu’elle conserve un service purement agricole pour ses clients fidèles et traditionnels, un contrat industriel apporte de la sérénité à l’ETA Lefèvre. Fin août, au petit matin, le rendez-vous avec Bruno Lefèvre est fixé au champ. Son ETA est installée à Beauvois-en-Vermandois (Aisne). Sa spécialité ? L’épandage de digestat issu des méthaniseurs.
Manque de chance, la pluie devance notre rencontre. Même sous forme d’averse, l’eau ne fait pas bon ménage avec les sols argilo-limoneux du Vermandois, surtout quand les terres ont été déchaumées au préalable, ce qui rend le sol collant aux éléments de travail du sol.
Pourquoi se rendre sur le terrain pour parler de l’entreprise ? Au vu du chantier, la réponse à la question s’impose d’elle- même. Au loin, un épandeur fait demi-tour et revient vers nous à vive allure, déchargeant de façon imperceptible la matière semi-liquide et noirâtre que l’on aperçoit à peine masquée par les coutres d’enfouissement.
L’imposant épandeur, un Terragator de chez Challenger, arrive en bout de champ et s’aligne perpendiculairement à la grosse citerne près de laquelle nous nous trouvons. Le transfert de matière va commencer. Avec son bras articulé positionné dans la citerne, l’épandeur aspire très rapidement de quoi remplir les 15 m3 de sa cuve portée : l’opération ne prend que quelques minutes et l’engin repart aussitôt poursuivre sa tâche d’enfouissement. À ma grande surprise, aucune odeur nauséabonde ne flotte au-dessus du champ, ni même aux abords de l’aire de transfert.
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Une organisation pointue
Avec l’arrivée d’un tracteur et de son imposante citerne, puis d’un deuxième et d’un troisième avant que le premier, vidé de son chargement, ne reparte, je perçois l’impor- tante logistique de ce chantier. Sur le champ, Bruno Lefèvre m’en explique la complexité. La partie essentielle ne s’avère finalement pas l’application mais l’organisation nécessaire à l’approvisionnement en digestat. En effet, la citerne du Terragator contient 15 m3 alors que celle des citernes d’approvisionnement monte à 33 m3. Cela demande donc une rotation importante compte tenu de l’éloignement du méthaniseur, situé à 1 heure de route. Il ne faut pas moins de trois citernes pour équilibrer l’ap- provisionnement et l’épandage.
Le digestat (produit issu de la transformation de biomasse en gaz par des méthaniseurs ou digesteurs) proviennent d’une grande unité située à Eppeville (80), appartenant à la société Vol V. On l’aura compris, la phase critique est l’organisation de l’impérative coordination entre les enlèvements chez Vol V et l’approvisionnement du Ter- ragator.
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Pourquoi le marché du digestat ?
De retour dans les bureaux de son entreprise, Bruno Lefèvre me raconte l’histoire de l’entreprise familiale, dont il représente la deuxième génération. Son épouse et lui gèrent actuellement l’ETA de la manière la plus précise possible. Compte tenu du contexte concurrentiel fort, Bruno Lefèvre ne peut pas uniquement répondre aux demandes de travaux agricoles courants. Même si les exploitations sont relativement importantes dans cette région du nord de l’Aisne (la SAU moyenne à l’échelle du canton est de 120 hectares alors que celle du département culmine à 100 ha. Source 2013 draaf.hauts-de-france), l’évolution des structures, augmentant en taille, fait qu’elles s’équipent plus et mieux. Le marché de la pres- tation diminue en conséquence et se tend au regard du nombre d’intervenants prestataires qualifiés ou non qualifiés Quali’territoire. Le marché de la prestation de travaux agricoles (semis, récoltes, etc.) est très volatile. La pérennité se gagne par le sérieux et la confiance mutuelle. Cependant, lorsque le contexte économique se tend, ces valeurs s’effacent, notamment du fait de la taille des struc- tures d’exploitation et de leur gestion économique.
Au regard du contexte agro-industriel avoisinant, l’ETA Lefèvre choisit donc d’augmenter la part des travaux d’épandage en répondant à un appel d’offres de la société Vol V, dont les agriculteurs partenaires cherchent une solution d’épandage pour le digestat issu de la méthanisa- tion. L’ETA remporte le marché. Ce contrat va permettre à Bruno d’affronter les banques de façon plus sereine, il contracte un prêt pour des achats de matériels : un nouveau Terragator, trois citernes avec leur tracteur, etc. Des investissements importants (près de 700 000 €) qui, sans ce contrat, n’auraient pu être réalisés.
L’augmentation du parc matériel est une chose, mais le besoin humain est également bien présent. Une nouvelle dimension sociale s’ouvre pour l’entreprise. Le personnel permanent compte désormais cinq salariés. Répondre au nouveau contrat demande (en complément des autres chantiers traditionnels d’arrachage de betteraves) neuf salariés temporaires supplémentaires. Pour l’entreprise, trouver des jeunes saisonniers volontaires et appliqués ne constitue pas une tâche aisée. Une des sources de recru- tement de plus en plus fiable, est à chercher du côté des retraités, entrepreneurs agricoles ou non, confie Bruno.
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« Nous n’avons pas le droit à l’erreur, il nous faut un professionnel dès le départ », poursuit-il. Sur le plan des ressources humaines, l’important pour le chef d’entreprise demeure de travailler avec des hommes et des femmes impliqués, volontaires, ne rechignant pas à la tâche. L’ap- prentissage s’effectue ensuite sur le terrain.
L’avenir de l’entreprise ne passera, pour Bruno et son épouse, que par le développement via d’autres contrats.
« Avec une bonne connaissance de ses coûts d’interven- tion, il faut savoir rester dans la cour lorsque la pression concurrentielle vous ferait aller dans le mur ! »… « Oui à la spécialisation, gage d’une sérénité toutefois modérée. »
Modérée, dans le sens ou, au-delà du financier, les contraintes administratives s’accroissent mais pas toujours de façon équitable. Par exemple, la qualification Quali’Ter- ritoire présente un cahier des charges justifié, lorsqu’il s’agit d’engager des professionnels de la prestation de services agricoles, mais elle n’est pas exigée de la part de certains donneurs d’ordre avec, pour conséquence, l’ouverture au mieux-disant qui n’est pas toujours le mieux-faisant du point de vue réglementaire ! « L’obtention de la qualif i- cation n’est pas assez contraignante et devrait être exigée pour tous les travaux ! », remarque Bruno.
Face à la versatilité des exploitants demandeurs de prestations, face à l’incertitude des surfaces pour certaines cultures, qui plus est fortement exigeantes en investisse- ments matériels, les contrats rassurent tout le monde. Les banques, les donneurs d’ordres et le prestataire assuré d’un engagement dans la durée apprécient l’engagement… le temps de maintenir l’activité jusqu’à l’âge de la retraite. Toutefois, lorsque la succession de l’entreprise est évoquée, Bruno Lefèvre et son épouse confient qu’ils ne souhaitent pas voir un de leurs enfants reprendre la société. L’équi- libre engagement / risque financier demeure, à ce jour, trop incertain.
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VOL-V Biomasse… l’univers du Bio-méthane
VOL-V est l’un des leaders de la production de gaz renouvelable avec plusieurs centrales en exploitation. Principalement orientée vers des projets d’injection de biométhane dans le réseau domestique, l’entreprise a pour ambition de faire correspondre les besoins en amont et en aval de la transformation selon une gestion territoriale. Ainsi, elle effectue le choix d’approvisionnement de matières végétales d’origines multiples pour un même produit transformé, le biométhane.
Cela permet une production locale de l’énergie, valorisée en substitution à une énergie fossile, une solution de valorisation locale des substrats organiques, une valorisation agronomique des digestats par un retour au sol d’un produit de qualité, et un développement économique local via la création d’emplois directs et indirects, la production d’énergies renouvelables, la réduction des déchets.
Différentes unités de méthanisation sont implantées principalement dans la moitié nord-ouest de la France dont celle d’Eppeville (80) pour laquelle l’ETA Lefèvre épand les digestats.
La puissance installée représente 2 MWg (MWg : Mégawatt Gaz, 1 MW gaz = 0,5 MW électrique).
Source : http://www.vol-v.com
ETA familiale depuis la fin des années 1950
C’est en 1990 que Bruno Lefèvre rachète l’entreprise fondée par son père, initialement polyvalente en termes de prestations. Bruno choisit la spécialisation en prestation d’épandage. Dans un environnement agro-industriel sucrier important, il y a, à l’époque, nécessité de réaliser les apports de vinasses et autres amendements organiques issus des industries agro- alimentaires locales. Avec le recul, bien lui en a pris, car aujourd’hui sa notoriété lui ouvre de nouvelles portes. Les épandages (de toute nature) couvrent 40% de son activité. Le second marché, également fort en investissement matériel, demeure l’arrachage des betteraves, pour 25 % du CA. Le troisième poste, à hauteur de 15 %, est occupé par les moissons.
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Pourquoi les digestats sont-ils épandus ?
Résidu du processus de méthanisation, le digestat sert d’amendement organique pour les terres agricoles. Il est rétrocédé en intégralité aux agriculteurs qui approvisionnent l’unité selon un développement de partenariat apport en pailles/épandage de digestat. Sur le plan agronomique, les analyses sont effectuées par Ramery environnement et déterminent les quantités apportées dans la limite de la réglementation nitrate. Variable, la composition moyenne des digestats est d’environ 7 unités de nitrate par tonne de digestat. L’agriculteur intègre cet apport dans son plan de fumure.
Les citernes de réapprovisionnement en attente en bout de champ.
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Texte et photos: Alexis Dufumier