Deux formations et six conférences dans différentes villes, tel est le programme de la psycoach du travail québécoise Pierrette Desrosiers en France. Ou une autre vision de l’équilibre entre la productivité et le bien-être.
Du 23 mars au 3 avril, l’Inter-Groupes Féminins (réseau de groupes d’agricultrices) et Trame (association nationale de développement agricole) organisent une série de conférences sur le bien-être au travail en agriculture. Dans six départements ou régions (Seine-Maritime, Bretagne, Sarthe, Allier, Limousin et Aquitaine), sur des sujets aussi sensibles que « productivité et bien-être, est-ce possible ? », la psycoach du travail québécoise Pierrette Desrosiers fera part de ses expériences et de sa vision nord-américaine du travail en agriculture.
« Dans les groupes d’agricultrices, nous voyons l’agriculture sous un angle moins technique et plus centré sur l’articulation entre les vies professionnelle et personnelle, l’intégration du monde agricole dans la société. Nous contribuons à faire comprendre que la femme est une courroie de transmission dans les relations au travail, via les salariés ou les associés et entre les générations », explique Sophie Willemetz, agricultrice dans le Pas-de-Calais et présidente de l’Inter-Groupes Féminins (groupes d’agricultrices du réseau Trame).
L’Inter-Groupes Féminins (IGF) travaille depuis des années sur la thématique des risques psychosociaux et a fait le constat qu’il y avait beaucoup de choses à faire dans ce domaine, notamment auprès du public masculin qui est très peu sensibilisé. Depuis plusieurs années, les agricultrices de l’IGF explorent ce sujet encore trop tabou.
Marie-Ange Rumeau, agricultrice dans le Lot-et-Garonne et présidente de la FGDGeda, explique pourquoi sa structure s’est engagée sur ce thème du développement personnel : « Les risques psychosociaux sont des sujets tabous en agriculture. Et pourtant les situations imprévues, la surcharge de travail, la pression administrative ou de l’environnement poussent de plus en plus d’agriculteurs à commettre l’irréparable. Comme il est difficile de sensibiliser directement les agriculteurs à ce sujet, nous avons commencé par l’organisation du travail en faisant intervenir un ergonome. Et maintenant avec ces conférences de Pierrette Desrosiers, nous voulons que les agriculteurs prennent conscience que, pour garantir la réussite de leur entreprise, ils doivent se préoccuper de leur bien-être. »
Pour Pierrette Desrosiers, « on a tous une influence sur le bien être au travail ». Et la psy-coach insiste, dans ses interventions, sur le concept d’intelligence émotionnelle : « C’est un concept qui est plus connu en Amérique du Nord avec des psychologues comme Daniel Goleman. L’intelligence émotionnelle, c’est la capacité d’un individu à comprendre ses émotions et celles des autres, et les contrôler pour mieux atteindre ses objectifs. Un leader, en agriculture aussi, doit être capable de gérer ses émotions pour prendre les bonnes décisions en toutes circonstances. D’après Daniel Goleman, le quotient émotionnel serait jusqu’à deux fois plus important que le quotient intellectuel pour expliquer le succès des leaders. Et selon le professeur de neurologie Antonio Damasio, 100 % de nos décisions sont prises via nos émotions. Pour toute personne, l’objectif est donc de bien se connaitre pour mieux gérer ses émotions, pour prendre de meilleures décisions et donc développer de meilleures relations avec les autres. »
Deux formations de deux jours (la semaine du 16 mars) sont organisées à Paris pour des agricultrices des et des agriculteurs sur le thème : « L’intelligence émotionnelle au cœur du leadership et la gestion du changement ». Une trentaine de personnes est inscrite.
Six conférences sont organisées dans six départements ou régions (Seine-Maritime, Bretagne, Sarthe, Allier, Limousin et Aquitaine) sur deux thèmes au choix : « La productivité et le bien-être » et « L’intelligence émotionnelle au cœur du leadership et la gestion du changement ».
L’intérêt de ces conférences est d’aborder un sujet essentiel pour les groupes de développement féminins et masculins de Trame, et de toucher le plus grand nombre. 600 personnes sont attendues. Pour Michèle Debord, agricultrice dans l’Allier et présidente de l’association DFAM 03 (qui a produit le court métrage « Mal de terre »), « l’objectif est d’inviter le public agricole à ne plus se centrer uniquement sur les points négatifs et la sinistrose, mais à rechercher un plus grand succès personnel et professionnel ».
En savoir plus : http://www.pardessuslahaie.net/frontend.php/trame/1613 (avec le programme des conférences).
Photos ci-dessous : Pierrette Desrosiers, puis un groupe de Trame.
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cette question est en 2015, LA question fondamentale pour notre société et c’est intéressant que ce soit l’agriculture qui se la pose et encore plus que ce soit les femmes en agriculture qui en soient à l’initiative : le XXIème siècle sera le siècle de la femme ..ou ne sera pas (même si cela commence mal !) …
Le bien être (humain) est le résultat d’un équilibre fragile entre « le ça, le moi et le surmoi » (voir Freud), la productivité (économique) est un état de constant déséquilibre entre libéralisme (régulation du marché) et planification (recherche d’adéquation) où les sciences se partagent entre technique et régulation.
La loi d’orientation de 1960 (« PISANI ») a mis en oeuvre un cadre « positif » où la productivité était synonyme de « bien être » (même si cela n’a pas été facile tous les jours) parce que l’agriculture était en symbiose avec la société : la productivité avait du sens.
La PAC a créé une distorsion « négative » entre « l’entreprise » agricole et la société avec pour unique relation le « produit et son prix », le « paysan » est devenu « producteur » le citoyen est devenu « consommateur »: la productivité a perdu son sens « commun ».
Aujourd’hui cette distorsion est arrivée à son paroxysme : le « couple » producteur/consommateur est en instance de divorce parce qu’il n’a plus de « rapports » directs, chacun vivant désormais avec un autre, le producteur avec son transformateur le consommateur avec son distributeur, tout cela dans une ambiance délétère où le « kratos » est dominant (média -crate , lobby-crate)
Le bien être (humain) en agriculture dépendant de ses deux équilibres, rapport avec les autres (seul, couple, famille, professionnels, société..), rapport avec le milieu (terre, animaux, eau, climat, banque, S2 jaune..) est confronté aux limites de la productivité et de son basculement vers un autre système (en « isme »), celui de la « concurrence libre et non faussée » où le bien être (humain et animal) n’a plus sa place …la production du lait pose clairement cette question, le basculement étant désormais établi.