Sur les marchés des matières premières, le glas risque de sonner encore en 2016. Mais pour les produits agricoles, la demande reste dynamique. Les échanges commerciaux sont à la merci d’accidents climatiques.
« L’heure reste aux excédents et cela probablement pour longtemps ». Pour Philippe Chalmin, la situation des marchés des matières premières résulte des investissements réalisés entre 2007 et 2012 dans les mines lorsque les prix des matières premières étaient au plus haut. Le risque de pénurie affolait alors les producteurs et les consommateurs.
Le retournement durable des marchés des matières premières s’inscrit dans la dimension cyclique du fonctionnement des marchés : hausse pendant la période 1972/1980, dépression des années 1990 et redressement au début des années 2000 avec l’émergence de la Chine.
« Notre scénario de long terme est donc celui du maintien de quelques années encore d’une situation déprimée sur les marchés avant peut-être qu’un nouveau choc n’intervienne dans les années vingt peut-être lié à la poursuite de l’émergence indienne », voire africaine, écrit Philippe Chalmin dans l’édition 2016 de « Cyclope, les marchés des matières premières ».
Toutefois, les produits agricoles pourraient s’inscrire à contre courant des autres marchés de matières premières.
« Une mauvaise récolte peut arriver très rapidement », a déclaré François Luguenot (InVivo), coauteur de Cyclope. La déprime pourrait ne pas se prolonger plus d’un an.
L’agriculture mondiale subit de plein fouet le changement climatique et ses excès. Personne ne peut prévoir quel sera l’impact du phénomène climatique La Nina alors que les menaces d’El Nino tant redoutées sont restées sans suite. Par ailleurs, les politiques agricoles en vigueur sur les 5 continents ne sont pas non plus sans effet sur les marchés. Citons par exemple les reconquêtes des marchés intérieurs du lait et du maïs en Chine qui se traduisent par des baisses des importations de poudre de lait et de grains.
Toutes matières premières confondues, la situation des marchés est plus liée à une offre excédentaire qu’à une demande déprimée. Celle-ci s’est même globalement maintenue. En Chine, les importations de minerais de fer se sont maintenues et celles de pétrole ont crû de 10 % faisant le pays, le premier importateur mondial.
« L’année 2015 se caractérise par des stratégies de conquête des marchés à vil prix, débouchant sur des guerres commerciales », analyse Philippe Chalmin. Les pays producteurs de matières premières ont fait preuve d’une très grande résistance en réduisant leurs coûts de production, en augmentant leur volume pour diluer les charges, ou en acceptant même de produire à perte pour ne pas lâcher des parts de marché.
Sur les marchés agricoles, cette stratégie a été notamment constatée pour le lait et le porc sur tous les continents.
Selon le rapport de Philippe Chalmin, « seuls le marché des engrais s’est tenu en raison de la structure oligopolistique de leur production. Ailleurs, pour les autres produits, les oligopoles étaient en guerre ».
Mais quels que soient les marchés, l’évolution de la parité du dollar explique aussi les tendances des prix des matières premières. Sa réévaluation de 15 points a atténué la baisse des prix en Europe, en Amérique du Sud et en Afrique entre autres.
Les cours des matières premières agricoles exprimés en rouble ou en real ont même parfois augmenté car la baisse en dollars a été moins faible que la dévaluation de ces monnaies. Autrement dit, les producteurs n’ont pas perçu les signaux envoyés par les marchés.