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Pilotage de la fertilisation azotée, une étape incontournable en 2017

Avec des reliquats azotés de sortie d’hiver très élevés cette année, les doses prévisionnelles calculées a priori peuvent être parfois plus faibles qu’à l’accoutumée. Comment gérer la fertilisation azotée des céréales dans ce contexte ?

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Pourquoi de tels niveaux de reliquats cette année ?

Les reliquats d’azote minéral du sol en sortie d’hiver (RSH) sont exceptionnellement élevés cette année, avec peu de différences selon les types de sols. Ce phénomène n’a rien à voir avec les résultats de la récolte 2016. Il est à mettre au regard de la faible pluviométrie hivernale (figure 1) : l’absence de lessivage a permis le stockage de l’intégralité du nitrate issu de la minéralisation de l’humus des sols.


Figure 1 : Les reliquats azotés du sol en sortie d’hiver sont étroitement liés à la pluviométrie
exemple des RSH moyens (Précédents : betteraves, blé pailles enfouies, colza, maïs fourrage, pomme de terre de consommation) mesurés sur le département de la Somme – cumul de pluviométrie du 1/10 au 15/02 observés sur la station météo de Boves (Somme)

La quantité est d’autant plus importante que la date de récolte du précédent a été précoce (reliquats plus élevés après colza ou blé plutôt qu’après maïs ou betterave). La grande variabilité de ces valeurs par précédent s’explique par des écarts de teneurs en matière organique des sols et donc de la minéralisation, de pluviométrie ou de niveau de fertilisation azotée du précédent.

Rappelons que cet azote n’est efficace pour la culture que si son système racinaire lui permet de l’utiliser. Cependant, il est reconnu qu’au stade épi 1 cm, le blé a atteint sa profondeur d’enracinement quasi maximale, il pourrait ainsi capter l’ensemble de l’azote présent dans le profil de sol. Si l’azote minéral du sol était en profondeur au moment de la mesure du reliquat, il est encore possible qu’une forte pluviométrie au cours des prochaines semaines mette une partie de cet azote hors de portée des racines. Mais cela est maintenant peu probable puisque d’une part, environ 70% l’azote se répartie dans les deux premiers horizons et d’autre part, les Réserves Utiles (RU) ne sont à ce jour toujours pas remplies dans la majorité des situations, excepté sur la bordure maritime ou dans les sols très superficiels.


Figure 2 : évolution de la réserve en eau du sol – Saint Quentin

Figure 3 : évolution de la réserve en eau du sol – Radinghem


Comment gérer des doses totales prévisionnelles parfois faibles ?

• Face à ces reliquats élevés, l’impasse de l’apport au tallage est le premier réflexe à adopter cette année si le reliquat d’azote dans le sol est élevé (supérieur à 60-80 kg N/ha) pour pouvoir en reporter plus en fin de cycle. Cette stratégie ne pénalise pas le rendement et permet de renforcer la teneur en protéines du grain.

• A partir du stade Epi 1 cm, les besoins en azote de la plante augmentent très fortement. En cas de dose totale faible, il est recommandé d’apporter tout de même un minimum de 50 à 80 kg N/ha au tout début de la montaison (au stade épi 1cm).

• Le deuxième réflexe sera de piloter les apports durant la montaison avec ou sans une mise en réserve selon les cas. Les différentes situations sont exposées ci-dessous.

Doses faibles à très faibles < 125 kg N/ha : privilégier l’apport début montaison (épi 1 cm) quitte à réduire la mise en réserve pour le pilotage

➢ si la dose totale est < 80 kg N/ha : pas de mise en réserve avant le pilotage, la dose totale est apportée début montaison (entre le stade épi 1 cm et 1 nœud).
➢ si la dose totale est proche de 100 kg N/ha et qu’un premier apport au tallage a déjà été réalisé : le complément sera apporté début montaison sans mise en réserve.
➢ si la dose totale est proche de 100 kg N/ha sans apport au tallage : 20 kg N/ha peuvent être mis en réserve pour le pilotage.

Doses comprises entre 125 et 150 unités : conserver une mise en réserve, mais plus faible

Dans ces situations, il est important de garder en réserve 20 à 40 unités sur la dose totale prévisionnelle conseillée pour l’appliquer plus tard en fonction des besoins (à définir avec un outil de pilotage).

Cas des doses > 150 unités : procéder avec la mise en réserve habituelle

Rappel des nouveaux besoins unitaire en azote «b qualité »

Rappelons que depuis cette année, la dose totale prévisionnelle peut être calculée pour atteindre l’objectif de rendement et viser une teneur en protéines de 11.5% (vérifier selon votre méthode de calcul si cette méthode est intégrée). Cela correspond pour certaines variétés à une augmentation de la dose totale.

Pour que ce complément d’azote ait un réel effet sur la qualité, il doit absolument être apporté avec le dernier apport d’azote (au plus tôt à la sortie de la dernière feuille).

Cela se traduit donc par une dose de mise en réserve pour le pilotage différente selon les variétés :
– Variétés dont le bc = 0 : Pas de majoration de la Mise en réserve
– Variétés avec bc = 0,2 : Mise en réserve initiale + 20 U
– Variétés avec bc = 0,4 : Mise en réserve initiale + 30 U


Figure 4 : Classement des variétés selon le besoin en azote


En pratique, quelques exemples de stratégies de fertilisation

Voici quelques propositions de stratégie de fractionnement de la fertilisation tenant compte à la fois de la dose totale, mais aussi de l’objectif rendement et qualité des variétés. Ainsi, pour les variétés nécessitant un complément « bc » pour atteindre à la fois rendement et protéines (comme Fructidor ou Bergamo : b rendement = 3 et bq = 3,2), il est proposé de conserver une mise en réserve plus importante pour privilégier le positionnement de cette dose complémentaire en fin de cycle (à partir de la dernière feuille) pour bénéficier à la qualité. A l’inverse, une variété qui conserve son b rendement pour atteindre la protéine (comme Boregar ou Rubisko, bc = 0), la stratégie reste habituelle.


Figure 5 : Exemples de stratégies de fractionnement à adapter selon la situation

 

Dans tous les cas, le pilotage est donc incontournable en 2017 !

Dans ce contexte particulier où les reliquats azotés pèsent lourds sur les doses prévisionnelles, seul un diagnostic en cours de culture permettra d’adapter les apports aux réels besoins des cultures.

Pour les parcelles d’orge, une solution existe maintenant pour réévaluer le niveau de fertilisation azotée en cours de campagne avec l’outil N-Tester® Extra. Mais il faut penser à réaliser un témoin surfertilisé (+ 80 kg N/ha pour les orges) au moment de l’apport principal.
 

Anne-Sophie Colart, Thierry Denis, Elodie Gagliardi (Arvalis – Institut du végétal)

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