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Phil Hogan roule-t-il pour les producteurs laitiers européens, ou irlandais ?

En Irlande, le coût de production de la tonne de lait est le plus faible des pays occidentaux de l’Union européenne. Même à 286 € la tonne, la production de lait est encore rentable. Aussi, le programme volontaire de réduction de la production européenne de lait ne les concerne pas.  

Un flop ! Serait-ce d’emblée le sort réservé au programme volontaire de limitation de la production de lait étendu aux coopératives européennes. Adopté le 11 avril dernier au conseil européen des ministres de l’Agriculture des Vingt-huit, il ne convainc pas le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan. Et sans incitations financières pour accompagner cette réduction de production, quel collecteur ou quel éleveur aurait intérêt de réduire la voilure, sans de prendre le risque, de surcroît, de perdre des parts de marché ?

Pourtant, c’est en réduisant de façon concertée la production de lait que les éleveurs peuvent espérer un redressement des prix. Car à leurs niveaux actuels, ils ne couvrent pas, dans la très grande majorité des cas, leurs coûts de production.

Mais dans les faits, la limitation de la collecte de lait va à l’encontre de la stratégie adoptée par la grande majorité des éleveurs et les industriels européens, et irlandais en particulier. Ils ont accru leurs capacités de production et de transformation en prévision de la fin des quotas en 2015. Et dans le contexte actuel, ils ont même intérêt de saturer leur outil de production pour diminuer leurs charges de structure en invitant les éleveurs à produire plus.

En Irlande, les coopératives ont investi près de 500 millions d’euros dans la modernisation de leurs outils existants, dimensionnés par rapport au pic de livraison en mai ; ce qui génère de surcroît un surcout de transformation.

Quant aux producteurs, rien ne les arrête. Ils vendent leur lait sans limite en volume à condition d’avoir programmé leur livraison sur une période donnée. Ils n’encourront des pénalités que si les quantités de lait collectées sont supérieures aux volumes annoncés. En Irlande, comme dans la quasi majorité des pays de l’Union, la contractualisation de la production n’est pas la norme depuis la fin des quotas puisque le lait est collecté par des coopératives.

L’antichambre de la politique agricole libérale de Phil Hogan

En 2013/2014, le prix du lait payé aux éleveurs irlandais était un des plus élevé de l’Union européenne. Depuis deux ans, la dégradation de la conjoncture n’a pas épargné les éleveurs européens. Mais cette année encore, la production est encore rentable en Irlande. Le point mort oscille autour de 250 €/t alors que la tonne est environ payée entre 290 et 300 € depuis un an (voir le graphique ci-dessous). Or à ce prix, aucun éleveur nord-européen et français ne couvre ses coûts de production.

Evolution du prix du lait payé aux producteurs européens (en euros par tonne)
Source : Commission européenne, derniers chiffres connus : mars 2016.

Aussi, les décisions du commissaire Phil Hogan ne visent-elles pas à préserver les intérêts des éleveurs de son pays, l’Irlande, où la production de lait est un des moteurs de l’économie nationale ? Il serait en effet malvenu, pour lui, de prendre des mesures visant à limiter la production européenne de lait qui entraveraient directement les éleveurs irlandais, totalement inscrits dans une logique de marché concurrentielle, en leur imposant des mesures de restrictives (sans revenir toutefois aux quotas).

Mais l’Irlande n’a pas vocation d’être l’antichambre d’une politique agricole européenne libérale à laquelle est attaché le commissaire Phil Hogan.

Au rythme actuel, la production irlandaise de lait pourrait avoir crû en 2020 de 50 % par rapport à son niveau de 2010 et atteindre 7,8 millions de tonnes si aucune mesure environnementale n’entrave l’essor de l’activité. Entre 2010 et 2014, elle a déjà augmenté de 20 % et tout porte à croire qu’elle pourrait encore avoir encore progressé de 20 % en 2020 par rapport à 2015.

Les trois mois d’hiver, pendant lesquels les troupeaux sont en général taris, puisque la période de lactation des vaches est callée sur la pousse de l’herbe, n’est plus une période creuse. La collecte de lait a crû de 33 % durant les deux premiers mois de 2016 par rapport à 2015 à la même période, selon une étude de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture.

En 10 ans, la production de lait a progressé de 500 kilos par vache. Pour livrer plus de lait, les éleveurs irlandais intensifient la production par vache en ayant davantage recours à des concentrés et en augmentant le chargement des animaux à l’hectare. Le nombre de vaches laitières a aussi fortement augmenté. L’an passé, on dénombrait 50 000 de plus et, en 2020, l’Irlande pourrait compter 1,4 million d’animaux.

Pour donner la priorité au lait sur leur exploitation, les détenteurs de troupeaux allaitants ont réduit  leur cheptel (150 000 vaches en moins, soit une baisse d’un tiers). Et la production de génisses est de plus en plus externalisée.

Point mort : + 100 € en 4 ou 5 ans

Les investissements réalisés pour nourrir plus de vaches et intensifier la production laitière ont accru de 100 €/t, en quelques années, le point mort mais la filière laitière est la plus compétitive des pays occidentaux. Les éleveurs peuvent compter sur une production d’herbe de 15 t MS par hectare de février à novembre et la consommation de concentré est réduite (170 g/l contre 340 g/l en moyenne dans les autres pays hormis la France).

Ce seuil de rentabilité de 250 €/t est à comparer avec celui observé dans les autres pays de l’Union (autour de 300 € et même plus au Danemark, selon l’institut de l’élevage).
 

Notre illustration ci-dessous montre un troupeau laitier en Irlande, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/90629785.

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