Notre pays profite marginalement de l’accroissement mondial des échanges commerciaux de céréales entre les cinq continents. Les pays du bassin de la Mer Noire conquièrent les marchés en expansion tandis que le nombre de pays clients de la France est de plus en plus réduit.
Entre 2008 et 2018, une tonne de blé sur deux produites en plus dans le monde a été exportée. Les ventes ont crû de 45 millions de tonnes (Mt) en dix ans. La carte mondiale des échanges commerciaux de blé, présentée lors de la 10e conférence de France Export Céréales, a profondément évolué. Le barycentre s’est déplacé des Etats-Unis vers le bassin de la mer Noire (Russie, Ukraine, Bulgarie et Roumanie) parti à la conquête de tous les marchés en forte croissance tandis que le commerce des céréales françaises se replie sur un nombre de pays destinataires de plus en plus restreint, aussi bien hors de l’Union européenne qu’en son sein.
Les quatre pays du bassin de la Mer Noire commercialisent 30 Mt de blé en plus qu’il y a 10 ans, l’Union européenne, et la France en particulier, n’en expédient que 2,5 Mt de plus. Hormis l’Asie, la France ne profite pas de l’expansion des importations de blé dans le Maghreb (hors Egypte), en Afrique sub-saharienne et au Moyen-Orient. Elle livre 2,7 Mt de blé en moins par an en moyenne qu’en 2008 alors que ces trois régions du globe importent 12 Mt de plus de grains par an. Le Moyen-Orient achète toujours 30 Mt de blé par an comme en 2008 mais les céréales de la Mer Noire sont préférées (achats en hausse de 10 Mt par an) à celles en provenance des Etats-Unis (- 7 Mt par an en moyenne). Dans cette région, l’Egypte demeure le premier pays importateur mondial de grains mais ses voisins moyen-orientaux achètent dorénavant moins de blé.
L’Asie, et l’Indonésie en particulier, achètent jusqu’à 25 Mt de blé en plus par an mais la France n’en livre que 0,5 Mt en plus en moyenne.
Les Etats-Unis vendent aussi moins de blé en Afrique de l’Ouest qu’en 2008, distancés par les pays du bassin de la Mer Noire plus compétitifs et plus proches d’accès.
Dans ce contexte, l’Argentine se fraye une place bien particulière sur la scène internatioanle. De retour sur les marchés (cf article sur wikiagri fr), le pays se substitue au bassin de la Mer Noire et fait ombrage à la France. La seconde moitié de la campagne a longtemps été propice pour vendre beaucoup de blé français sans craindre une concurrence effrénée.
Sans l’Algérie qui a acheté 3,8 millions de tonnes de blé (Mt) depuis le début de la campagne, la France aurait perdu d’importantes parts de marché hors de l’Union européenne. Seule 1,9 Mt aurait été expédiée depuis le mois de juillet dernier.
Sur le marché intérieur européen, 5 Mt de blé en plus sont échangées par rapport à 2008 mais l’Allemagne et le Royaume écoulent respectivement 1 Mt et 2 Mt en moins par an en moyenne.
Parmi les membres historiques de l’Union européenne, la France est le seul pays qui expédie plus de blé (1,1 Mt). Hormis la Pologne, la Slovaquie et l’Estonie, les pays de l’est de l’Union européenne ont conquis le marché intérieur européen et portent ensemble les deux tiers de la hausse des échanges intracommunautaires. La Lituanie et la Lettonie sont devenues de grands exportateurs de blé.
Mais la France est concurrencée par ses partenaires européens. La croissance des marchés intérieurs de ses voisins lui échappe. Notre parvient seulement à vendre plus de blé aux Pays bas, en Belgique et en Espagne.
En conséquence, plus de la moitié des 17 Mt de grains exportées, au sein de l’Union européenne ou vers les pays tiers, est destinée à la Belgique, aux Pays-Bas et à l’Algérie.
Cette année, la campagne céréalière prend un nouveau tournant. Les opérateurs parviennent à vendre plus de blé français depuis quelques semaines car les grains sont d’excellente qualité. Le taux de protéines est devenu un pré-requis pour conclure des contrats à l’export. Selon FranceAgriMer, les opérateurs commercialiseront 9,5 Mt de blé hors de l’Union européenne d’ici fin juin, soit 650 000 tonnes de plus que les quantités envisagées le mois dernier. En revanche, elle vendra 1,8 Mt en moins de grains à ses voisins européens que l’an passé.
Toutefois, le nombre restreint de pays clients de la France interroge les experts et les opérateurs. Notre pays doit-il s’engager dans une campagne de reconquête des marchés perdus ? Ou bien au contraire, doit-il davantage spécifier son offre pour l’adapter à ses pays clients ? En espérant alors que ces derniers se détourneront de la concurrence !
Ci-dessous, port céréalier de la Mer Noire, concurrent direct des exportations françaises de grain (photo Adobe).