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NE PAS CONFONDRE MARGES ET PROFITS

L’évaluation d’un coût de chantier est l’étape indispensable pour pérenniser une activité de prestation. Même si les coûts de la main d’oeuvre et de consommables sont contrôlés, il reste de nombreuses charges qui viennent pénaliser la rentabilité d’un chantier. Utiliser uniquement les barèmes de coûts de revient de matériels est un risque important de ne pas couvrir les frais annexes et de ne pas pouvoir faire évoluer les tarifs selon le renouvellement du parc de l’entreprise.

 
Connaître le coût de revient de son parc de machines est une première approche nécessaire mais bien loin du tarif à pratiquer pour couvrir toutes les charges d’une entreprise de travaux agricoles. La facturation d’un chantier devrait permettre de dégager jusqu’à 20-30% de marge brute. Les charges de structures liées au fonctionnement de l’entreprise (administratif, comptabilité, management, commercialisation…) doivent donc être couvertes par le chiffre d’affaire. Dans cette logique, un coût de chantier évalué à 90€/h devrait alors être proposé à partir de 110€/h. En pratique, les marges de chacun des travaux sont cumulées pour raisonner de manière globale. Ainsi, si une activité dégage une marge brute négative pour des raisons marketings ou commerciales, elle devra être compensée par une autre prestation d’autant plus fructueuse.

Prévoir le temps qu’il fera

La détermination du coût de revient d’un automoteur de récolte se réalise fréquemment sur une base horaire ou surfacique. Dans ce dernier cas, la somme des hectares
facturés correspondra parfaitement à la surface annuelle estimée pour l’établissement des charges de la machine. Dans le cas d’un coût de revient horaire, il faut en premier lieu déterminer s’il s’agit des heures « moteur » ou « rotor ». Une ensileuse peut par exemple fournir un débit de chantier instantané de 2,5 ha/h et être facturée 350 €/h. Si l’estimation des heures totales annuelles n’est pas prise en compte dans l’établissement du tarif, on se retrouve avec un débit de chantier global de 1,5 à 1,75 ha/h. Les charges variables liées à l’usure, à la consommation et à la main d’oeuvre de conduite seront majorées directement
de 35% sans être couvertes par le chiffre d’affaire de l’activité ensilage. Dans le cas d’une prestation incluant un tracteur, la conversion entre le temps travaillé et le temps facturé est bien plus hasardeuse. Même si les distances de transports, la taille du parcellaire et la largeur des outils sont des variables à considérer, on estime que près d’un tiers de la durée globale d’un chantier est dédié aux temps annexes (voir encadré). La charge la plus imputée par une mauvaise prévision du débit de chantier global est alors la main d’oeuvre de conduite.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’estimation du coût de revient permet aussi d’estimer les charges avant un renouvellement

N’oublier personne

Pour un entrepreneur, toutes taxes comptabilisées, une heure de conduite revient entre 15 et 25€/h selon la qualification de l’opérateur et son ancienneté. En toute logique, la base de calcul du coût d’un chantier devra se faire en considérant les temps annexes. Une majoration peut être envisagée pour inclure le temps dédié au suivi, à l’organisation et au management réalisé par le responsable sur les chantiers. Il ne faut pas oublier de comptabiliser le personnel satellite souvent sollicité sur les chantiers pour convoyer une machine, livrer du carburant ou des consommables. Ces intervenants parfois en formation, retraités ou simplement aides familiales sont pourtant indispensables au bon déroulement d’une campagne de travaux. Le personnel réalisant des tâches non rattachables à une activité (secrétariat, comptabilité, relation client et fournisseurs…) font partie des charges de structures et, comme expliqué plus haut, peuvent donc être couvertes par la marge brute. Certaines entreprises arrivent à répartir ces charges structurelles au prorata des volume de chaque activité ou selon leur chiffre d’affaire.

Quelques rappels pour rester dans le coût

Les charges fixes d’un agroéquipement, estimées annuellement, devront être déboursées même si l’outil ne réalise aucun travail durant l’année. L’amortissement est d’abord calculé en considérant à l’avance la valeur potentielle de revente. Contrairement à l’amortissement
comptable (qui suit une logique fiscale), on estime la perte de valeur annuelle moyenne du matériel en prévoyant une valeur vénale en fin d’amortissement. Pour ce faire, le taux de dépréciation varie en fonction du type de matériel, du volume travaillé annuellement et de la durée d’utilisation. On peut donc retrouver un même tracteur ayant une décote de 9 à 25% annuellement. Les frais liés au remboursement d’emprunt doivent intégrer le taux global de recouvrement (intégrant l’ADI (1)) et les potentiels frais de dossiers. Le coût de l’assurance ne concerne que les automoteurs. Sur le terrain pour un tracteur de plus de 150ch, des écarts de près de 400€/an existent en fonction du niveau de couverture. Pour un engin réalisant annuellement 500h cela vient tout de même majorer le coût horaire de 0,80€. Enfin, le remisage est une charge qui correspond à l’estimation du coût partiel d’un bâtiment pour l’entreposage. Dans le cas d’un matériel toujours à l’extérieur, cela revient à majorer la dépréciation de l’outil en raison de son stockage non protégé.

Des méthodes de calculs pas toujours réalistes

Les charges variables sont proportionnelles à l’utilisation d’un matériel et doivent donc
être converties avec l’unité la plus judicieuse : €/h, €/ha, €/T, €/m3, €/km, €/voyage… La consommation des automoteurs est calculée sur une base de 0,22L/ch/h à pleine charge et
doit donc être ajustée en fonction du type de travaux réalisés. On retrouve des taux de charges d’automoteurs de récolte à 70% alors que de nombreux tracteurs sont valorisés à moins de 40%. La part dédiée aux lubrifiants est à calculer avec soin. Même si la fréquence de vidange d’huile moteur est la plus élevée, il faut y additionner les capacités des carters hydrauliques bien plus volumineux. Même si des boîtiers de transmissions représentent des petites quantités de lubrifiants, certains constructeurs exigent de l’huile à plus de 10€/L. Les frais de réparations et d’entretien sont les plus difficiles à estimer. Même si des barèmes existent pour leur évaluation, il faut y ajouter le temps passé à l’atelier pour la révision des machines. Les besoins en temps de maintenance hivernale varient par exemple de 0,05 h/ha travaillé pour un semoir en ligne jusqu’à près de 0,9h/h pour une ensileuse en passant par la charrue à 0,6h/ha labouré. Enfin, l’usure des pneumatiques ne
doit pas être négligée puisqu’elle génère par exemple plus de 3€/h de coût de revient pour un tracteur supérieur à 200ch. Les automoteurs de récolte dont le renouvellement se fera avant le changement des pneus devront considérer une perte de valeur de revente en raison de leur usure.

Le cumul de toutes ces charges peuvent inquiéter sur le raisonnement idéal à tenir pour fixer les tarifs des chantiers. À l’évidence, les prestataires agricoles minorent aujourd’hui une majorité de leurs facturations pour répondre à différentes stratégies. Qu’il s’agisse d’objectifs de fidélisation, de passage de crise ou de valorisation d’image de son entreprise de travaux agricoles, il est très risqué de mettre ainsi en péril la durabilité de sa structure. À l’avenir la pérennité des activités ne dépendra pas uniquement d’un combat tarifaire mais passera également par les différences concurrentielles des qualités des prestations.

La dépendance au coût de l’énergie doit mener à des relevés précis des consommations pour chaque chantier
 
Texte et photos: Julien Hérault
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