Dès le mois de mai 2015, une cinquantaine d’éleveurs du plateau de Millevaches vendront leurs jeunes veaux au nouveau centre d’engraissement de Saint-Martial-le-Vieux (dans la Creuse). Partenaire de l’opération, la SVA Jean Rozé achètera les 1400 veaux produits chaque année.

Un centre d’engraissement de 1000 places est en cours de construction sur le plateau de Millevaches. Livré en avril 2015, il permettra d’engraisser environ 1400 veaux limousins et charolais chaque année. Les bêtes seront abattues à l’abattoir communal d’Ussel et la viande sera découpée à Vitré (Ille-et-Vilaine). Pour les éleveurs, cette usine d’engraissement représente une alternative à l’export en Italie, dont les volumes et la rentabilité sont en baisse depuis plusieurs années. « Ce projet est en réflexion depuis cinq ans. Suite à la baisse d’activité du camp militaire de la Courtine, le ministère de la Défense a attribué 1,5 millions d’euros à la communauté de communes pour soutenir le développement local. Avec quelques éleveurs, nous avons proposé d’ouvrir ce centre d’engraissement pour valoriser nous-mêmes notre génétique et capter la plus-value. La communauté de communes a accepté de réserver 400 000 euros pour cet équipement », explique Michel Lacrocq, éleveur et président de la SAS Alliance Millevaches.
L’investissement de 1,5 millions d’euros est donc porté par la communauté de communes. Il sera aussi financé par la location de toitures photovoltaïques (la société Langa Solar versera en une fois ses 20 ans de loyers, soit 300 000 euros) et une subvention de 75 000 euros du Conseil général de la Creuse. Le plan de financement table aussi sur une subvention du conseil régional de 150 000 euros qui n’est toujours pas votée.
La SVA Jean Rozé comme client unique
Après une période de quarantaine, les veaux seront engraissés sur paille sept à huit mois dans deux stabulations de 500 places. L’objectif est d’atteindre 420 kilos/carcasse. « Ces animaux de type élevage auront un support osseux capable de porter de la viande. Comme les éleveur verront l’aboutissement de leur travail, ils vont pouvoir encore progresser », se réjouit Bruno Bunisset, président du marché au cadran et de l’abattoir d’Ussel.
Pour le débouché, la solution est venue assez naturellement : « Le groupe McDonald’s était intéressé mais il n’avait pas d’abattoir agréé à proximité. Finalement, la SVA Jean Rozé-Intermarché s’est engagée sur cinq ans à acheter l’intégralité des veaux. » Une décision logique car, depuis 2013, cette société achète déjà à l’abattoir d’Ussel une cinquantaine de veaux salers par semaine, engraissés à la ferme.
La SVA a également acheté 20 % des parts de la société Alliance Millevaches, fondée par les cinquante éleveurs pour gérer l’outil. Les éleveurs ont chacun investi 3000 euros, ce qui porte la trésorerie à 240 000 euros. Les prix d’achat pour les éleveurs seront calqués sur les cours du marché d’Ussel. Pour sécuriser les ventes, la SVA s’est engagée sur un prix plancher de 3,83 euros. « Aujourd’hui, les cours sont à 3,90 euros », informe Bruno Bunisset.
Un projet de développement local
Trois emplois devraient être créés sur le site. « Il a aussi de nombreux emplois induits, notamment dans les transports, l’alimentation, le BTP… Sans parler de l’abattoir d’Ussel qui est consolidé par cette activité, avec 600 tonnes de viande supplémentaires par an ! »
L’alimentation des veaux sera la plus locale possible (Corrèze, Limagne, Creuse et Indre), fournie par la coopérative Natea. Les veaux recevront une ration sèche de 1,5 kg par jour, constituée de paille, de triticale, de maïs, de pulpe de betterave et de tourteau de colza (importé). Concernant l’eau, l’autonomie est assurée par des captages sur le site.
Pour la gestion des 10 000 tonnes de fumier (chaque semaine, 25 animaux partiront à l’abattoir et leurs boxes seront curés), une unité de méthanisation sera installée. Sa gestion sera indépendante de l’atelier d’engraissement. Elle valorisera aussi 2000 tonnes de déchets verts. La chaleur produite (300 kw) sera utilisée pour évaporer une partie du digestat et alimenter un séchoir à plaquette.
Quelques inquiétudes…
Depuis quelques semaines, des pétitions circulent, faisant le parallèle entre la ferme des 1000 vaches et celle des « 1000 veaux »… Le 24 novembre, Europe Ecologie les Verts organisait même une réunion publique pour lancer un collectif d’opposition. « Selon nous, cette ferme pose des problèmes de dépense publique, d’eau, de transport… L’alimentation sera importée et les problèmes sanitaires seront difficiles à maîtriser sans antibiotiques. On ne voit pas ce que cela apporte aux éleveurs », estime Michel Limes, porte-parole de la Confédération Paysanne de Corrèze. Le collectif OEDA (oui à l’étourdissement dans les abattoirs) s’est engagé dans la bataille au nom du bien-être animal.
« C’est toujours facile de critiquer au dernier moment, surtout quand on ne propose rien. Durant l’enquête publique en 2012, personne n’a rien dit et le projet faisait consensus… Le Parc naturel régional de Millevaches n’a pas fait de remarques particulières. Des ateliers de 1000 têtes, ça existe ailleurs, cela n’a rien d’exceptionnel », s’agace Michel Lacrocq. « Tout le microcosme politique et agricole régional conseille aux éleveurs de devenir naisseur-engraisseur, et il faut créer de l’activité sur le plateau de Millevaches », ajoute Bruno Bunisset.
Des manifestations ont été ou seront organisées le 17 janvier à Saint-Martial (par l’association Vigilance Halal, avec une cinquantaine de participants) et le 31 janvier par le collectif OEDA (oui à l’étourdissement dans les abattoirs).