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Mathieu Mauriès, le berger qui défie la Mutualité sociale agricole

Etre éleveur de chèvres et de brebis et fou de liberté en même temps a un prix : celui des procédures ! Mathieu Mauriès a décidé de suivre le « mouvement des libérés de la sécurité sociale » en 2014, c’est-à-dire qu’il a choisi une assurance santé privée en guise de régime social. Oui, mais en France, le régime de sécurité sociale du monde agricole dépend d’un seul organisme, la Mutualité sociale agricole (MSA)…

En dénonçant ce qu’il considère être une situation de monopole contraire au droit européen, Mathieu Mauriès a allumé la mèche. Depuis, selon lui, la Msa n’a de cesse de vouloir le soumettre à une affiliation obligatoire, y allant même dernièrement jusqu’à une visite d’huissiers à la bergerie. Secoué mais tenace dans sa vocation de liberté, Mathieu Mauriès conserve sa ligne, répond pied à pied aux convocations au tribunal lui réclamant de régler des cotisations qu’il estime ne pas devoir. Parallèlement à une situation personnelle de crise (il n’a pas pu se dégager de revenu en 2015, 2016 et 2017 et ne devrait donc pas, à ce titre, payer les cotisations plein tarif), l’éleveur relève moult dysfonctionnements dans l’institution agricole au regard de l’évolution du droit régissant les régimes sociaux et les mutuelles, en particulier la nécessaire ouverture à la concurrence souhaitée et actée par l’Europe.

La MSA exerce-t-elle un monopole illégal auprès des agriculteurs ?

De la Msa, Mathieu Mauriès estime qu’il « faut payer toujours plus cher pour toujours moins de services et pour des retraites de misère, les plus faibles de tout le pays ». De fait, puisque le droit européen est en sa faveur estime-t-il à la lumière des informations qui ruissellent du « mouvement des libérés de la sécurité sociale« , il fonce, ouvre une brèche impensable dans notre monde agricole actuel : oui il bosse en tant que paysan, oui il est éleveur de chèvres, non il ne cotise pas à la MSA…

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais l’institution mutualiste agricole n’a pu supporter ni l’affront, ni l’exception, ni peut-être également l’exemple qui pourrait servir à d’autres et finir par l’affaiblir… C’est là que les procédures commencent. Officiellement pour défaut de paiement de cotisations. Mais évidemment, on l’aura compris, ce bras-de-fer de David contre Goliath, du petit berger contre la mutuelle aux 16 000 salariés, 24 000 délégués cantonaux et qui perçoit 11 milliards d’euros de cotisations, dépasse très largement le cadre de l’omission de paiement. Derrière ces procédures à n’en plus finir, une question : la MSA exerce-t-elle un monopole illégal auprès des agriculteurs ?

Cet article ne pourra malheureusement pas répondre. La justice est saisie, nous ne pouvons que la laisser trancher, et je ne prétends pas avoir les compétences suffisantes en la matière pour oser me substituer à elle. En revanche, il est possible d’évoquer les faits concernant Mathieu Mauriès, tels qu’il les décrit. Et de donner son sentiment sur les événements.

L’histoire de Mathieu Mauriès

Avant de lire la suite, regardez cette vidéo issue du compte Facebook de Mathieu Mauriès. Elle le montre en train de recevoir la visite d’huissiers, le 16 octobre dernier, qui l’enjoignent de répondre à une convocation au tribunal…

Mathieu Mauriès a aujourd’hui 58 ans. Il a été enseignant et chercheur, et est devenu paysan depuis une vingtaine d’années, en faisant de l’élevage son unique activité professionnelle à partir de 2004. Il s’est installé dans les Alpes-de-Haute-Provence avec 85 chèvres laitières. En 2017, il a déménagé pour Agassac en Haute-Garonne ne gardant que quelques chèvres pour se consacrer à une centaine de brebis mères, avec également un élevage de chiens.

Sa situation, il l’explique dans un document qu’il a appelé « appel à soutien », en marge de l’une des convocations au tribunal, en l’occurrence celui de grande instance de Saint-Gaudens le 19 novembre dernier : « [Au début], l’affiliation à la Msa me semblait être une obligation alors que, depuis 2001 il me semble qu’il est possible de souscrire une assurance maladie/retraite dans un autre pays européen puisque l’Europe avait établi la libre circulation des biens et services dont les assurances maladies / retraites. En 2014 je suis sans revenu agricole et dans l’impossibilité de payer les cotisations MSA (3074 €). Au final et après passage au TASS (tribunal des affaires de sécurité sociale) et en cour d’Appel, la MSA fait une saisie de 3700 € sur mon compte en banque. Au 1er janvier 2015, je m’assure dans une mutuelle d’un autre pays européen et j’informe par courrier recommandé la MSA que je n’adhère plus à leur mutuelle ayant fait le choix d’une autre mutuelle. Bien sûr la MSA ne l’entend pas de cette oreille. Depuis 2015, puis 2016 et 2017, débute alors une série de recommandés (contraintes et mises en demeure de payer) et de multiples passages au tribunal des affaires de sécurité sociale et au tribunal de grande instance, car la MSA m’attaque simultanément avec deux procédures différentes. Pour arriver au fait que la MSA me réclame à ce jour 27 000 € de cotisations pour ces trois années pendant lesquelles je n’ai eu aucun revenu agricole, en raison d’épidémies ayant dévasté mon cheptel. En théorie et pour aucun revenu pendant trois ans, ces cotisations de MSA devraient être d’environ 9000 €. Pendant ces trois années la MSA ne m’a versé aucune prestation et je n’en ai demandé aucune puisqu’assuré dans une autre mutuelle. Ces 27 000 € correspondent à une tarification d’office plus à de nombreuses pénalités au prétexte que je n’ai pas déclaré mes revenus à la Msa pendant ces trois années. Sauf que le fisc transmet directement nos revenus d’agriculteurs à la MSA (article L152 du Livre des procédures fiscales). La MSA ne peut donc les ignorer, or elle le fait délibérément. Je confirme finalement mes « non revenus » par courrier recommandé AR du 10 octobre 2018 puisque cet argument est sans cesse resservi dans les conclusions de la MSA quand je passe devant les différents juges. Le 27 septembre 2018 j’ai adressé un courrier détaillé à la présidente de la MSA Alpes Vaucluse pour lui faire part de ma très grande détresse et lui demander de mettre fin au harcèlement dont je faisais l’objet par la MSA. Je n’ai reçu aucune réponse de sa part.« 

Dans les arguments avancés par Mathieu Mauriès, nombre de documents démontrent (selon lui) qu’une situation de monopole dans le domaine de la sécurité sociale ou celui des mutuelles n’est plus acceptable en France depuis différentes directives européennes qu’elle a eu l’obligation de transcrire sur le territoire national. Le berger évoque aussi la différence entre « régime légal » et « régime professionnel », le premier étant revendiqué en l’espèce par la Msa. Ce serait le noeud du problème, si l’on se place d’un pur point de vue de droit.

Sept passages devant les tribunaux rien qu’en 2018

Le bras-de-fer s’intensifie en cette année 2018 avec pas moins de sept procédures dans des tribunaux, que détaille Mathieu Mauriès : « Première convocation le 21 mars au tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Toulouse. Deuxième convocation le 20 juin au TASS de Toulouse. Troisième convocation le 26 juin au tribunal de grande instance (TGI) de Saint-Gaudens. Quatrième convocation le 18 septembre au TGI de Saint Gaudens. Cinquième convocation : le 24 octobre au TASS de Toulouse. Sixième convocation le 13 novembre au TGI de Toulouse. Septième convocation ce 19 novembre au TGI de Saint-Gaudens, où c’est moi qui assigne la Msa.« 

A l’heure qu’il est, rien n’est encore tranché, les procédures se poursuivent en appel, avec d’ores et déjà une convocation pour… le 19 décembre 2019 !

L’argument des cotisations solidaires (que conteste Mathieu Mauriès)

Mathieu Mauriès m’a transmis nombre de documents qui représentent son argumentation lors des procès. Selon ces sources, la MSA argumenterait de son côté en faveur de ce que l’on appelle le « principe de solidarité« . En gros, pour que le système fonctionne, il faut que tout le monde adhère, sinon les sources financières manquent pour venir en aide à celui qui en a besoin. D’où cette « obligation » de cotisations pour tous. Or, selon Mathieu Mauriès, l’argument ne tient pas. Outre le fait qu’il existerait une jurisprudence de la cour de justice européenne, ce « principe de solidarité » ne pourrait ainsi (toujours selon Mathieu Mauriès) être invoqué que dans l’hypothèse où il apporterait un équilibre financier à la structure. Or cet équilibre n’existe pas, comme il est clairement énoncé dans cette vidéo institutionnelle éditée par la Msa elle-même :

Donc, le caractère obligatoire des cotisations n’intervient en rien dans l’équilibre financier, quoiqu’il arrive déficitaire. « Il n’est plus question de solidarité lorsque l’on reporte sur les générations futures les déséquilibres financiers chroniques des régimes de sécurité sociale« , commente Mathieu Mauriès.

Et l’homme dans tout ça ?

Le combat mené, les tribunaux, les visites d’huissiers, tout cela a de quoi miner un homme. Sur son compte Facebook, Mathieu Mauriès évoque parfois le suicide agricole, sans vraiment dire qu’il est concerné, mais l’on sent qu’il est affecté. Pour autant, il ne veut pas lâcher…

« Aujourd’hui, j’ai pris beaucoup de retard dans mon travail sur la ferme, compte tenu de tous ces passages au tribunal et surtout de la préparation des dossiers avec des juristes, commente-t-il pour les lecteurs de WikiAgri. Cela m’a demandé beaucoup de temps et d’énergie au détriment de mon élevage. Je me sens traité comme un criminel alors que je travaille tout seul sur ma ferme, 7 jours sur 7 depuis 20 ans, sans jamais un jour de repos et quasiment sans revenu en raison de plusieurs épidémies ayant dévasté mon cheptel. Je ne peux plus ouvrir ma boite aux lettres sans une terrible angoisse. Mon moral a vraiment flanché suite à ce harcèlement continu. Mon moral a vraiment flanché suite à ce harcèlement continu, et j’ai fini à deux reprises aux urgences pour risque suicidaire. Je suis depuis un traitement pour gérer mes angoisses, qui sont permanentes. La MSA me pourrit la vie. Devant autant d’injustice, je suis prêt à me battre ce qui veut dire monter jusqu’à la cour de justice européenne, pour faire valoir mon droit de m’assurer dans une mutuelle de mon choix en Europe, la MSA n’ayant aucun monopole sur les agriculteurs.« 

Quand je vous disais en introduction à cet article : la liberté a un prix, celui des procédures…

La réaction de la MSA

Très peu de temps après la mise en ligne de cet article sur les réseaux sociaux, la MSA a réagi sur Twitter :


 

Voici le lien fourni par la MSA dans son twitt : http://www.lebimsa.fr/calmer-lardeur-des-anti-secu. Suite au prochain épisode… judiciaire.

 

Sur Facebook, Mathieu Mauriès a créé un groupe intitulé Collectif des paysans de France victimes de la MSA (il souhaite y dialoguer avec tous ceux qui ont des problèmes avec la MSA).

Pour joindre son comité de soutien, adressez-vous à ce mail : [email protected]

En savoir plus : http://hogandesvents.nutritionverte.com (site internet de l’exploitation de Mathieu Mauriès) ; https://www.facebook.com/mathieu.mauries.5 (compte Facebook de Mathieu Mauriès, où il commente chaque épisode de son histoire) ; http://mouvement-des-liberes.fr (site internet du mouvement des libérés de la sécurité sociale).

Les photos ci-dessous ont été fournies par Mathieu Mauriès (son ombre, des chèvres qu’il élève).

1 Commentaire(s)

  1. Liberté – égalité – fraternité?
    Cotisation « de solidarité » quand on n’a pas de revenu? Cet éleveur a t’il des revenus occultes?
    Non: on considère qu’un individu lambda est comme un enfant, incapable de vivre libre en responsabilité.
    C’est la déviance commune de tous les socialistes, qu’ils se considèrent de droite comme de gauche, ils prétendent faire notre bien malgré nous.
    Le summum du cynisme est atteint avec la CVO: cotisation volontaire obligatoire !

    Si la MSA est bien gérée, qu’a t’elle à craindre de la concurrence?

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