Choix des variétés de maïs, composition du couvert, date de sa destruction, travail du sol ou semis direct… Les paramètres à prendre en compte avant de se lancer en techniques culturales simplifiées du maïs sont nombreux et divers. Si certaines lignes directrices existent, il est souvent nécessaire de les adapter au contexte pédo-climatique de l’exploitation.
L’implantation du maïs avec un itinéraire cultural sans labour est de plus en plus courante dans les campagnes françaises. Quand c’est possible, cela permet d’améliorer la vie, la structure et la qualité du sol. Si le nom est générique pour désigner l’absence de retournement des horizons, le sans-labour regroupe en fait plusieurs méthodes d’implantation. Dans le cas du maïs, il peut s’agir de techniques culturales simplifiées, de semis direct ou encore de travail du sol uniquement sur le rang à l’aide d’un strip-till.
Pour les puristes de l’agriculture de conservation des sols, le semis direct est un aboutissement en soi. Pour autant, chaque agriculteur doit trouver la technique qui lui semble la plus adaptée à son terroir et avec laquelle il soit le plus à l’aise. « Nous avions commencé nos essais en semis direct, mais nous nous dirigeons maintenant vers du strip-till. Cela nous permet de réchauffer un peu plus vite le rang » indique Jean-Philippe Turlin, conseiller à la chambre d’agriculture du Finistère et animateur du groupe « techniques de conservation du sol » du département depuis 20 ans. Selon lui, un agriculteur qui voudrait se lancer en agriculture de conservation des sols, a tout intérêt à débuter par des techniques de travail du sol simplifiées avant de franchir le pas du semis direct. « C’est une nouvelle manière d’appréhender le système cultural. Il est important de commencer par trouver des nouveaux repères » précise-t-il.
Dans la plaine du Sud-Vendée, Maxime Gautreau pratique l’agriculture de conservation des sols depuis son installation il y a 5 ans. Il explique privilégier les TCS au semis direct pour assurer sa récolte. « Je me suis lancé dans les TCS car cela m’intéressait que ce soit sur l’aspect coût, investissement et temps de travail. Par contre, je ne voulais pas que cela ait un impact sur le rendement, c’est pourquoi je ne veux pas aller jusqu’au semis direct » témoigne-t-il.
Dans le Lot, Cédric Laverdet a lui franchi le pas du semis direct après quatorze ans en TCS, dont une partie avec utilisation de la méthode du strip-till. Pour y parvenir, il a d’abord remis en cause la monoculture de maïs de l’exploitation en 2017 pour instaurer une rotation maïs – féverole – colza – orge d’hiver avec des intercultures à vocation énergétique en guise de couverts végétaux. Grâce à cette évolution, son système repose sur les trois piliers de l’ACS : semis direct – couverture permanente du sol et allongement de la rotation. « En mettant en œuvre ces principes de l’ACS, mon objectif est d’optimiser l’eau, car aujourd’hui la culture du maïs n’est plus suffisamment rentable pour couvrir mes charges sur cette culture et valoriser l’irrigation. Je constate d’ailleurs depuis 6 ans de vrais gains agronomiques, ma réserve utile est plus importante depuis que je suis en ACS : il y a eu plusieurs fois où le sol de mes parcelles reste humide plus longtemps que celui des parcelles d’à côté » témoigne-t-il dans le point technique de l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (Apad) publié le 16 juillet 2021.
À chacun son couvert végétal
Sur le plan des couverts végétaux, Jean-Philippe Turlin préconise des espèces qui se détruisent facilement. Il évoque notamment la phacélie, la féverole ou encore le radis fourrager. « Comme la minéralisation est plus lente, il faut anticiper et choisir des couverts avec un rapport C/N faible qui permette une libération plus précoce de l’azote » plaide-t-il.
Dans le Sud-Ouest, Cédric Laverdet a opté pour des espèces avec « un démarrage rapide et une forte production de biomasse ». La note technique de l’Apad en détaille la composition. Pour les couverts d’été, il s’agit de : tournesol – nyger – sorgho fourrager à 20 kg/ha, et pour les couverts d’hiver : 100 kg de féverole, 1 kg de mélange radis chinois – radis fourrager, 10 kg d’avoine, 50 kg de blé. C’est dans ce mélange que sera ensuite implanté en direct le maïs. « Le gain agronomique est énorme, la culture est semée dans le frais, la levée est bonne et homogène, je n’y vois que des avantages » s’enthousiasme l’agriculteur.
En Vendée, Maxime Gautreau préfère une destruction des couverts environ un mois avant l’implantation du maïs. « Sur les parcelles irrigables, je peux pousser jusqu’au 20 mars. Pour les autres, c’est entre mi-février et début mars. Vu les conditions climatiques de cette année, il y avait une différence du simple au double entre les parcelles où les couverts avaient été détruits en temps et en heures et celles pour lesquelles cela avait été fait trop tard » souligne-t-il. Pour la composition des couverts, il associe généralement une légumineuse avec une autre espèce. « J’essaie de ne faire revenir la féverole qu’un an sur deux pour éviter le développement de maladies » précise-t-il. Comme alternative, il cite par exemple un mélange avoine/vesce.
Le vendéen s’est équipé cette année d’un déchaumeur à disque Rubin de chez Lemken. Cet outil doit lui permettre de ne réaliser que deux passages en sortie d’hiver et juste avant le semis grâce à sa profondeur de travail de 14 cm et à sa capacité à détruire efficacement les couverts. « Je suis sur des terres très séchantes. Il faut travailler le sol le moins possible » précise-t-il. Le premier passage du déchaumeur s’effectue donc entre un mois et un mois et demi avant le semis. Il est couplé à un traitement au glyphosate un peu avant l’implantation et fait ainsi office de faux-semis. « J’ai remarqué qu’il fallait faire attention au timing de traitement. Si le travail du sol est effectué trop tôt, les adventices ont le temps de bien se développer et elles ne seront détruites sous l’effet du glyphosate que lorsque le maïs atteindra le stade 2 feuilles. De ce fait, les noctuelles qui étaient sur les adventices se déportent toutes en même temps sur le maïs » constate-t-il.
Du haut de ces trente ans d’expériences en ACS, Jean-Philippe Turlin insiste « le choix de la variété est crucial ». Dans le Finistère, il propose chaque année aux agriculteurs une liste de maïs adaptés aux techniques culturales simplifiées dans la région. « Il faut savoir qu’en TCS et en semis direct le sol se réchauffe moins vite que dans une parcelle labourée. Il y a une différence d’un degré en TCS et de deux degrés en semis direct. Et le phénomène et d’autant plus important quand le sol est très humide comme c’est souvent le cas dans le Finistère. De ce fait, nous sommes parfois limite par rapport au zéro végétatif du maïs » décrypte le conseiller. Il préconise dans son terroir breton de privilégier des variétés avec un zéro végétatif de 5°C, plutôt que 6°C ou 7°C.
Il évoque également la capacité à démarrer avec moins d’azote de certains maïs comme un atout. « Comme vu précédemment, en ACS, la minéralisation est plus lente et il y a moins d’azote en début de cycle. Là aussi, il faut des variétés qui s’adaptent » justifie-t-il.
Concernant le problème des limaces, plus important en non-labour qu’en itinéraire classique, Jean-Philippe Turlin sort également la carte des variétés. Selon lui, il existe des différences importantes de génétique en termes d’appétence des maïs. « Nous observons des rendements allant de 30 à 100q/ha selon les variétés. Un agriculteur qui se lance avec une variété non adaptée, il va se dire que les techniques culturales simplifiées ne fonctionnent pas alors que le problème n’est pas là » relève-t-il.
A noter : Jouer collectif
Dans la note technique de l’Apad, Cédric Laverdet met carte sur table : « il me paraît important d’échanger et de se former ». S’appliquant à lui-même ce constat, il a rejoint une association locale récemment crée, dénommée CLAC SOL, elle-même membre de l’Apad. Il peut y échanger avec une quarantaine d’agriculteurs du secteur sur ses pratiques.
Ce type d’échange est primordial pour Jean-Philippe Turlin. « Vous pouvez lire tout ce que vous voulez sur internet, mais ce ne sera pas suffisant. Il faut aller voir les groupes qui travaillent sur les sujets de l’ACS dans les terroirs et qui ont une vision des adaptations locales nécessaires pour réussir le passage en TCS » assure-t-il.
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