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L’Europe, les agriculteurs… et nous

Il faut que le malaise soit bien grand pour que les agriculteurs européens trouvent du temps pour quitter leurs fermes et venir interpeller l’opinion par des manifestations massives et simultanées.

En Allemagne, Roumanie, France, Espagne, partout les agriculteurs se rebellent contre les restrictions et les contraintes que l’Europe entend leur imposer dans le cadre du Green Deal.

Déjà aux Pays Bas en juillet 2022 pour s’opposer aux directives gouvernementales de supprimer 30% du cheptel au prétexte de diminuer de 70% les émissions d’azote d’ici 2030, les tracteurs avaient bloqué le pays et la police avait ouvert le feu. Il s’en était suivi des pénuries dans la distribution.
Mais cela n’a pas interpellé les instances dirigeantes et on aboutit à l’extrémité insupportable actuelle.

Les objectifs du Green Deal

Le 20 mai 2020, la Commission européenne a présenté sa stratégie pour répondre à l’urgence environnementale. 

Baptisée « Ramener la nature dans nos vies », cette stratégie ambitionne à horizon 2030 avec comme slogan : « From Farm to Fork » (de la ferme à la table) de permettre :

  • Que l’agriculture biologique occupe 25 % des terres agricoles de l’Union Européenne ;
  • De protéger au moins 30 % des zones marines et terrestres de l’UE (15 % à ce jour) ;
  • De laisser intacts 10 % des océans et des terres de l’UE ;
  • De réduire l’utilisation des pesticides les plus dangereux et chimiques de 50 % et d’interdire les herbicides à base de glyphosate après décembre 2022 ;
  • De réviser l’initiative de l’UE sur les pollinisateurs ;
  • De créer une plateforme européenne pour le verdissement urbain et de définir des objectifs contraignants en ce sens.

Si le glyphosate a été ré autorisé (avec possibilité pour les États de le limiter ou de l’interdire) on constate que toutes les mesures précitées ont pour conséquence de compliquer le travail des paysans et de réduire drastiquement leurs moyens de production et leurs surfaces cultivables.

Ajoutons à cela les réductions des exonérations fiscales sur les carburants et le retard des paiements de certaines primes PAC, il faut être aveugle et sourd pour ne pas comprendre le début de révolte des agriculteurs.

Petit rappel sur les primes PAC

Ces primes ont pris une telle part dans le revenu des exploitations qu’aucun agriculteur ne peut maintenant s’en affranchir. C’est bien ce que le Syndicat Coordination Rurale, en visionnaire, avait dénoncé en 1992 avec son slogan : « des Prix, pas des Primes ». Ces primes, dont la dénomination « compensatoire » a disparu de la communication médiatique, étaient destinées à compenser les pertes de revenu des agriculteurs par l’obligation d’aligner les prix européens des produits agricoles sur les cours mondiaux. Mais l’Europe a décidé depuis d’inféoder le versement de ces primes à des contraintes de mise aux normes nombreuses, constamment évolutives, et de restrictions environnementales génératrices de frais conséquents venant lourdement grever les bilans des entreprises.

On peut voir sur le graphique suivant le déséquilibre budgétaire induit par la politique communautaire en France.

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 Comme on le voit ci-dessous, la France est le deuxième contributeur après l’Allemagne et certains pays sont bénéficiaires nets par le jeu de la solidarité. Il n’en reste pas moins que le financement de l’UE se solde par une charge pour les États de 1,944 milliards d’€ pour la seule année 2022.

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Infographies selon les données de source : https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/eu-budget/long-term-eu-budget/2021-2027/spending-and-revenue_fr

Une marche forcée vers une écologie mortifère

La suppression des centrales nucléaires en Allemagne pour satisfaire aux exigences utopiques de Pour satisfaire une lutte contre des pollutions souvent infondées [nitrates (1), méthane de la rumination (2)…] les lobbies écologistes multiplient les contraintes et restrictions qui ont pour résultat de placer les producteurs européens dans une position de perte de compétitivité. La signature des traités de libre échange [Etats Unis, Canada, Singapour, Japon, Vietnam, Mexique, Nouvelle Zélande, Thaïlande, Australie Mercosur (non finalisé)] permet à des produits ne supportant ni les mêmes règles environnementales, ni sanitaires, ni sociales de production d’entrer en concurrence avec les produits européens et de mettre à mal l’équilibre économique des entreprises. Il semble hasardeux dans une réflexion écologique sensée, de favoriser le transport des denrées sur des milliers de kilomètres pour inféoder les populations locales à une dépendance alimentaire mortifère et surtout faire disparaître les productions européennes. L’électorat vert a eu comme effet dévastateur de plonger l’Europe dans une inflation du prix de l’énergie qui a entraîné la flambée des cours des biens et des services. Cette conséquence instructive n’a pas empêché les décideurs européens de persévérer dans leur projet de Green Deal qui va plonger l’Europe dans une dépendance alimentaire sans précédent.

L’exemple des délocalisations de nos charbonnages, de nos aciéries, de nos industries textiles, automobiles, pharmaceutiques qui ont entraîné des pénuries, où des arrêts d’usines par le simple retard d’approvisionnement dû à l’insécurité en mer rouge ne semble pas imprimer le mental des décideurs de l’UE.

Leur obsession écologique leur empêche d’appréhender l’incidence des contraintes qu’ils imposent aux agriculteurs. Il semble que leur idéal soit une disparition de l’agriculture qu’ils accusent de polluer les sols, l’air et l’eau. Sur le prétexte que l’air appartient à tous, qu’il doit en être ainsi pour l’eau et maintenant pour les terres (dont les agriculteurs paient les impôts fonciers) ils veulent faire de l’espace rural un jardin de loisirs pour citadins, sans imaginer que sans paysans, les paysages seraient vite envahis de ronces et retourneraient à la forêt. Selon eux, c’est un but ultime, pour obtenir un puits de carbone prétendu limiter l’effet de serre. Mais ne récolter que des glands ou des champignons ne suffit pas pour nourrir les populations. Il est pourtant démontré qu’un hectare de maïs capte plus de CO² qu’un hectare de forêt. Cela démontre au passage que l’agriculture est l’activité qui présente un bilan carbone positif du fait de la photosynthèse des plantes qui captent le CO² pour le transformer en oxygène avec pour moteur l’énergie du soleil.

La destruction régulière de l’agriculture

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Pendant que le nombre d’agriculteurs diminue sans cesse, le nombre de fonctionnaires du ministère de l’agriculture a augmenté de 1,5% pour la seule année 2019. Il faut bien trouver du monde pour contrôler toute la surtransposition que le France applique aux normes européennes. Les agriculteurs voient arriver les agents de l’OFB, arme à la ceinture, pour vérifier si l’enregistrement journalier de leurs volumes d’irrigation correspond bien à l’index du compteur obligatoirement installé et respecte bien les périodes de limitation ou d’interdiction. Il faut aussi contrôler si chaque bête du cheptel a bien ses deux boucles d’oreilles. Et pour cela l’arme à la ceinture est indispensable, comme pour se prémunir des pires bandits…

Dans l’objectif de protéger l’environnement, pour abattre du bois de chauffage ou pour curer un fossé, il faut  dans les zones naturelles l’autorisation préalable du préfet qui doit demander l’avis d’une commission où siègent les écolos, sans quoi on risque une condamnation pénale comme ce maire qui avait curé une voie d’eau pour éviter des inondations.

Il est quand même curieux de demander l’avis de spécialistes écolos qui ne savent pas faire la différence entre un grain de blé et un grain de soja comme ceux qui ont déversé 1500 tonnes de blé sur la voie ferrée près de Pontivy.

S’attaquer aux vrais problèmes

Au lieu de se référer aux spécialistes écolos qui déversent du blé sur le ballast, les décideurs qui nous gouvernent feraient mieux d’écouter ceux qui sur le terrain sont des écologistes compétents. Ils vivent de la nature, dans la nature qui leur appartient en majorité. Leur intérêt est de faire produire à leurs terres le maximum en les préservant au maximum. L’opinion prétend, relayée par les médias qui n’hésitent pas à répéter cent fois un mensonge pour en faire une vérité, que les agriculteurs polluent.

Des agriculteurs charentais ont fait analyser l’eau de retenues collinaires et celle d’exutoires des stations d’épuration citadines. Les résultats sont sans appel : Entre les extrêmes citadins et agricoles, on constate que les eaux agricoles contiennent 36 fois moins de glyphosate et 227 fois moins d’AMPA (produit de désagrégation du glyphosate et des lessives), que les eaux citadines dont pour tous les produits les concentrations sont supérieures aux eaux agricoles, En ce qui concerne les Eschérichia Coli, les eaux citadines en contiennent 5 526 fois plus, les eaux agricoles étant au-dessous de la Limite Quantifiable !

Quant au colloque international du30 mars 201, dont la conclusion est reproduite en renvoi (1), il permet de conclure que toutes les normes et contraintes liées aux nitrates sont totalement injustifiées relativement à la pollution.

Au regard de ces deux exemples, parmi tant d’autres qu’il serait trop long d’énumérer, les agriculteurs demandent que :

  • Toutes les normes injustifiées soient abrogées.
  • Les produits d’importation doivent satisfaire aux mêmes règles de production que les produits européens.
  • La préférence européenne doit permettre de protéger les producteurs des prix de dumping induits par des réglementations sociales étrangères moins favorables que les nôtres.
  • Tout projet de réglementation doit satisfaire à une étude prospective des effets induits à court, moyen et long terme.
  • Les prix des produits doivent couvrir les coûts de production et la rémunération du travail et des compétences des producteurs.
  • Les contrôles des services administratifs soient ramenés à leur minimum nécessaire, et tenant compte de la spécificité aléatoire des conditions d’exercice de la profession. C’est à ces conditions minimum, non exhaustives, que l’on pourra arrêter l’hémorragie des effectifs agricoles, afin de permettre une production de nourriture suffisante et éviter une dépendance alimentaire vis-à-vis de producteurs étrangers qui ne nourriront pas gratuitement si notre balance commerciale déficitaire ne nous permettait plus de payer nos importations.

Armand PAQUEREAU

  1. « La conclusion majeure de ce colloque est la suivante : les données historiques, l’expérimentation animale, l’expérimentation aiguë humaine et l’épidémiologie établissent aujourd’hui que la consommation de nitrates est non seulement inoffensive chez l’homme, mais bénéfique. Dans ce sens, une classification des aliments a été proposée, « nitric oxyde index », basée sur le contenu en nitrates, nitrites et sur le pouvoir antioxydant (ORAC). Les nitrates doivent donc désormais être considérés comme des nutriments nécessaires à la santé humaine. »
  2. Il est curieux que, bien que le cheptel de ruminants se soit réduit depuis les années 80, subitement est apparue la notion de production de méthane qui participerait à l’effet de serre qui réchaufferait la planète. Pourquoi ne pas  incriminer aussi les ruminants sauvages ?? !
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