Michel Penot et Robert Marolleau ont planté des chênes truffiers dans le nord de la Vienne, une terre très productrice jusqu’à la première guerre mondiale. Mais les temps ont changé et les truffes ne sont plus aussi abondantes. Une culture compliquée à mettre en place, au rendement aléatoire.
Pour se lancer dans la culture des truffes… Il faut être doté d’une patience sans limite, ne jamais renoncer et avoir un goût prononcé pour les expériences. Bref, aimer l’aventure plus que d’espérer un revenu ! C’est un peu le constat que peuvent dresser Michel Penot et Robert Marolleau. Le premier, par ailleurs agriculteur, a planté ses premiers chênes truffiers en 2001. Aujourd’hui, il possède 5 hectares de plantations. Son acolyte a sacrifié 6,5 hectares de terres (placées en appellation Saumur pour le vin) pour les transformer en truffières, tout au nord de la Vienne. Actuellement, les récoltes ne sont pas à la hauteur de leurs espérances. Pourtant, ce terroir a fourni à certains de ses habitants des revenus plus que conséquents jusqu’en 1900. Il n’était pas rare de voir des trufficulteurs se construire de belles maisons en seulement deux récoltes ! On a retrouvé des textes qui mentionnaient une production de 20 à 30 tonnes de truffes en 1860 pour ce seul département de la Vienne. C’est d’ailleurs à un meunier du coin (Beuxes), Pierre Mauléon qu’on attribue la paternité de la trufficulture française. C’est lui qui a eu l’idée de planter des glands venant des chênes où il ramassait le diamant noir, vers 1790 (*).
Puis, petit à petit, la trufficulture a périclité dans la région. Les producteurs qui s’étaient enrichis ont sous-traité leurs productions, moins rentables notamment car elles étaient braconnées. La première guerre mondiale a scellé le sort de cette culture où les hommes sont partis au front, les femmes n’ayant plus le temps de s’occuper d’une production exigeante. Les besoins se sont transformés, il fallait ensuite produire des cultures vivrières. Et les céréales ont chassé les truffes.
Ne jamais se décourager… Telle pourrait être la devise des trufficulteurs ! Le moins que l’on puisse écrire, c’est que cette production est un brin ingrate. « C’est une culture très complexe, qui ne pousse pas s’il fait trop humide ou trop sec », résume Michel Penot. Robert Marolleau va même plus loin : « Il ne faut pas encourager les jeunes à se lancer. »
Le retour sur investissement ? Plus de 10 ans après, ils l’attendent encore !
Michel l’a obtenu au bout de 14 ans, à la seule condition d’avoir bénéficié d’une prime au reboisement à l’époque. Michel Marolleau a récolté 5 kg de truffes en 10 ans, dont seulement 3 kg étaient vendables. Il faut compter 12 à 15 ans pour avoir une vitesse de croisière de production, même s’il n’y a pas vraiment de règles en la matière.
Il est très compliqué de trouver la bonne formule pour faire pousser des truffes. D’abord, une certitude : il faut un sol de 7,5 à 8,5 de pH, et surtout un sol filtrant. Des eaux stagnantes et finie la poursuite du diamant noir. Ensuite, se munir d’une sacrée doser d’huile de coude à défaut d’huile de truffe ! Labourer, tracer des rangs, choisir un écartement entre les chênes truffiers le plus pertinent possible (différentes écoles, pour les deux Poitevins, 7 mètres sur 7 est une formule correcte), tailler les arbres pour que le soleil passe tout en étant filtré et qu’une dose suffisante d’eau arrive au pied du chêne. Dernière technique en vue, ajouter un effet starter aux arbres en plaçant une mixture à chaque plant en 4 trous. On passera sur le bêchage mécanique, la pose de filets de protection à la plantation, l’achat de plants certifiés…
Et le tout en tâtonnant, en essayant mille astuces, sans aucune garantie d’une production décente. Alors quand Michel Penot lâche : « Il faut être passionné sinon on ne le fait pas », on est tout disposé à le croire ! Sans compter qu’il faut former un chien truffier !
Mais pourquoi cette terre a tant donné de truffes autrefois, et qu’il est si compliqué d’en obtenir aujourd’hui ? Pour les deux hommes, il y a une réponse. D’abord la météo plus humide à l’époque qu’aujourd’hui. La truffe a un cycle de 6 à 7 mois et en fait une culture très dépendante de la météo. Autre explication selon les deux trufficulteurs : « Les produits chimiques ont tout cassé », avancent-ils, sans assurance scientifique mais avec conviction.
Le plant de chênes truffiers est vendu autour de 15 euros (un peu moins pour des associations de trufficulteurs). On compte 250 à 400 arbres à l’hectare suivant l’espacement choisi. Les courtiers achètent les truffes entre 500 et 600 euros le kilo pour les plus beaux spécimens (truffes rondes, sans pourriture) et de 300 à 400 euros pour les autres. Il est plus intéressant financièrement de vendre ses truffes en marché spécialisé, directement aux consommateurs qui achètent aussi les champignons plus « biscornus ». A la période de Noël, les prix peuvent flamber jusqu’à 1 000 euros le kilo. Une hérésie selon Robert Marolleau puisque les truffes de la Vienne ne sont pas mûres, la pleine saison commençant au 15 janvier.
L’hiver dernier, les prix ont connu une hausse vertigineuse, jusqu’à 850 euros le kilo, du fait de la rareté de la truffe à cause de la sécheresse à l’été 2015.
(*) références : T. Dereix de Laplane, La trufficulture – une opulente page d’histoire, commencée à Beuxes au XVIIIe siècle par le meunier Pierre Mauléon, 1744-1831, SHPL, mai 2000
En savoir plus : http://www.truffevienne.fr (site de l’association des trufficulteurs de la Vienne).
Photos ci-dessous : Robert Marolleau et Michel Penot ont planté des chênes truffiers dans le nord de la Vienne. Deuxième photo : Michel Penot entraîne sa chienne Litchi à trouver des truffes grâce à un papier imbibé d’huile de truffe.
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