Comme le rapport Moreau sur les retraites doit être remis au Premier ministre ce vendredi 14 juin, WikiAgri s’est penché sur la situation des retraités agricoles. Elle n’est pas reluisante. Chiffres et commentaires à l’appui.
Le nombre de retraités agricoles baisse sensiblement au fil du temps. En 2000 (source MSA), ils étaient 2 115 000, dont 962 000 chefs d’exploitation, 363 000 conjoints, 446 500 veufs ou veuves et 342 000 aides familiaux. Les femmes représentaient 55 % de ces retraités, pour une moyenne d’âge de 74 ans chez les femmes et de 72 ans chez les hommes. En 2005 (source Insee), le nombre total de retraités agricoles est descendu à 1 900 000. Depuis, sans que des chiffres nationaux ne soient fournis, cette érosion s’est poursuivie.
Au 31 décembre 2012, la retraite forfaitaire agricole s’élève à 524,58 € pour le chef d’exploitation, et à 409,58 € pour le conjoint. Ce à quoi il faut ajouter la retraite complémentaire, et d’éventuelles bonifications « enfant ». En moyenne en France en 2012, un chef d’exploitation et sa conjointe touchent pour eux deux 1 444 €. Soit 722 € chacun. Un chiffre qu’il faut mettre en parallèle avec celui du seuil pauvreté, estimé, selon différents spécialistes et différentes versions, entre 954 € et 1062 € de revenu mensuel par personne.
« Tous les retraités agricoles sont sous le seuil de pauvreté, commente Alain Page, retraité agricole depuis 10 ans, secrétaire général de la section des anciens exploitants dans le département de l’Ain et responsable du bureau régional. Il précise qu’il existe des disparités à l’intérieur de ces moyennes : dans l’Ain, le couple ancien exploitant-conjoint reçoit en moyenne, pour eux deux, 1102,65 € ; dans le Rhône juste à côté, c’est 1053 €. « Moi personnellement, je peux vous le dire, précise Alain Page : je perçois 1112 € par mois et mon épouse 485 €. Avec presque 1600 € à nous deux, nous faisons partie de ceux qui sont bien lotis. » Et il donne d’autres chiffres éloquents pour son département de l’Ain : sur les 11 572 chefs d’exploitation retraités, seuls 8 231 ont réalisé une carrière complète (166 trimestres) et perçoivent donc la totalité de ce qui est prévu. Près d’un quart des anciens chefs d’exploitation touche donc encore moins.
Si les moyennes sont basses, si certains s’en tirent honorablement, cela signifie aussi que d’autres n’ont qu’une très faible reconnaissance pour toute leur carrière d’agriculteur. Et la compensation de la possession de la terre n’est pas un argument pour Alain Page, qui précise : « Si l’on part de la valeur patrimoniale moyenne de 3 000 € à l’hectare, et d’un tarif moyen de 2000 € par mois et par personne dans une maison de retraite, cela signifie qu’il faut vendre un hectare par mois pour un couple pour y être logé, en plus de sa propre retraite. Au bout de 10 mois, l’ancien agriculteur et son épouse n’ayant que 10 hectares passe à charge complète… » En d’autres termes, à moins d’avoir un nombre imposant d’hectares à vendre, pas question de maison de retraite.
Au passage, on peut noter le problème posé à l’agriculture entière de notre pays : pour que les jeunes agriculteurs puissent s’installer, il leur faut du foncier, or les « anciens » ont tendance à le conserver le plus longtemps possible car ce n’est pas avec leur montant de retraite qu’ils peuvent faire face à un coup dur. Il leur faut une sécurité, et c’est le foncier qui la leur apporte. Les retraités agricoles ne sont donc pas les seuls concernés.
Sans parler de l’impact sur l’économie rurale en général. Alain Page reprend : « Si un couple de retraités agricoles percevait 300 € de plus, ce serait autant d’injectés dans la consommation et le commerce. La très grande majorité des maisons d’habitat des retraités agricoles ont un besoin urgent de travaux, entre autres pour les sanitaires. Ces 300 €mensuels permettraient de les effectuer et donc de participer à la relance de l’économie locale. Alors qu’aujourd’hui il faut des aides des entités territoriales pour éviter des faillites. » En somme, les 300 € en question ne seraient, pour partie au moins, qu’un transfert de dépenses des entreprises en difficultés vers les retraités agricoles, pour que ces derniers fassent fonctionner ces entreprises.
Dernier point, la dépendance. Pour l’instant, il reste surtout un point d’interrogation. Comment régler les cas de dépendances chez les retraités agricoles alors qu’on ne leur laisse qu’à peine de quoi survivre ?
A l’heure où le gouvernement annonce des réajustements d’équité sociale, oublier les retraités agricoles serait tout simplement indécent.
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Ci-dessous : cette photo d’Alain Page a été prise lors de la manifestation des éleveurs aux Invalides, 11 jours après la parution de l’article.
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Les faibles retraites en agriculture peuvent pousser à certaines dérives, comme la suppression du fermage pour avoir une meilleur rentabilité des terres loués, des fermages a des prix important que des jeunes ne peuvent supporter, des terres qui ne se libérent pas car cultivé a façons pour garder la meilleur valeur de son bien en gardant les DPU et la liberté de la date de la vente……
Si la retraite des agriculteurs étaient calculé en fonction de leur revenu d’avant, les successions d’exploitations vers les jeunes seraient plus simples et plus nombreuses.