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Les producteurs de vins de Savoie réduisent les phytos

En Savoie, 20 viticulteurs ont signé une mesure agro-environnementale et climatique (Maec) qui les engage à réduire leur consommation de produits phytosanitaires. Sur l’impulsion de l’agence de l’eau, l’initiative prend une nouvelle dimension : il devient un projet pilote et mobilise largement le territoire.

En 2014, la Chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc initie un projet agro-environnemental et climatique sur le secteur Métropole Savoie (syndicat mixte qui regroupe les 109 communes de Cœur de Savoie, Chambéry Métropole et Grand Lac). « Le volet biodiversité des zones humides a été validé mais pas les mesures de protection de l’eau. Notre candidature a donc été refusée et nous l’avons retravaillée avec l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. De plus, il était nécessaire d’impliquer un partenaire national pour obtenir des financements européens », résume le conseiller de la Chambre savoyarde Vincent Ruin, chargé du développement territorial.

Comme les enjeux environnementaux sont relativement forts (notamment sur les affluents du lac du Bourget), l’agence de l’eau propose aux acteurs de postuler à un projet pilote de réduction des phytos, dans le cadre du plan Ecophyto 2. « La Maec est une démarche individuelle. Or, l’agence de l’eau demandait une action plus globale pour son projet pilote. Il fallait une dynamique fédératrice, un enjeu local fort et un réel intérêt des intervenants », précise Vincent Ruin. Les collectivités et le syndicat des vins de Savoie confirment leur investissement total dans la démarche et en 2015, l’agence retient la candidature savoyarde.

Convaincre au-delà des réseaux traditionnels

Cette émulation autour de l’opération a permis d’approcher des viticulteurs conventionnels qui ne faisaient pas encore partie des réseaux de réflexion existants (AB ou Dephy). Après une série de réunions de présentation au printemps dernier, 20 viticulteurs ont signé la mesure agro-environnementale et climatique. Les profils sont très variés : des petites et des grandes exploitations, des novices et des viticulteurs qui veulent aller encore plus loin dans leurs efforts, des coopérateurs, des indépendants…

« Nous avons même un producteur négociant ! Du coup, nous devons tenir compte des différents objectifs de rendement dans notre accompagnement. Le seul point commun entre ces vingt viticulteurs : ils veulent donner une meilleure image de la viticulture. Comme le mitage est très important, les producteurs ont besoin de montrer à leurs riverains qu’ils font des efforts », explique Johanna Mamasian-Roy, ingénieur du réseau Dephy et conseillère en viticulture pour la Chambre.

Maec, un coup de pouce pour franchir le pas

Les signataires de Maec pouvaient choisir de baisser leur IFT (indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires, qui comptabilise le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d’une campagne culturale) hors herbicides ou leur IFT herbicides. Au terme du contrat de cinq ans, l’IFT hors herbicide devra être inférieure à 16 (contre une prime de 250 € par hectare et par an) et l’IFT herbicide à 0,84 (96 € par hectare et par an). Sur le secteur, 216 hectares ont été contractualisés, sachant que chaque viticulteur devait engager au minimum deux hectares. L’enveloppe budgétaire de l’opération (environ 300 000 euros) a été intégralement consommée en 2017 et ne sera pas reconduite. Par ailleurs, les viticulteurs pourront aussi prétendre à des aides à l’investissement, financées par le Feader. Cependant, les pulvérisateurs inscrits dans la liste de référence semblent peu adaptés aux pentes savoyardes.

Pierre Viallet, viticulteur à Apremont, ne regrette pas d’avoir signé : « Mon exploitation représente 23 hectares de vignes. Je produis entre 1400 et 1700 hectolitres par an, principalement du vin blanc en appellation vin de Savoie Apremont. J’ai toujours eu envie de travailler de façon écologique. En Savoie, 7 à 8% des surfaces viticoles sont bio. C’est prometteur en termes de marché, mais le climat rend les conversions difficiles. » Il adhère en 2012 au nouveau groupe Dephy de la Savoie pour utiliser des produits plus doux, trouver des solutions alternatives et acquérir de nouveaux outils validés par l’expérience des confrères. « En ce qui me concerne, j’observe davantage mes terroirs et j’ai investi dans un pulvérisateur. Aujourd’hui, deux tiers de mes surfaces sont enherbés. Je tonds et j’essaie de supprimer les désherbages chimiques. Selon les années, j’ai réduit entre 30 et 80 % ma consommation de produits phytosanitaires en utilisant du souffre et du cuivre. Mais avant tout, j’optimise mes traitements. Je suis passé de 19,5 IFT à une moyenne de 12 tout en conservant mes rendements. C’est essentiel car je vends en gros. La Maec et Dephy m’ont apporté plus de garanties de production qu’une conversion en bio. Concrètement, la Maec a permis d’agrandir le cercle de réflexion du réseau Dephy. C’est devenu un mouvement de fond. Je suis aussi vice-président de l’ODG vins de Savoie, et nous essayons de diffuser ces bonnes pratiques, notamment auprès des jeunes qui s’installent », témoigne-t-il.

Des formations phyto ouvertes à tous

En dehors des aides financières, les viticulteurs suivent des formations ouvertes aux non-signataires de la Maec. Une première formation a porté en 2017 sur la réduction des doses : les conseillers de la Chambre ont proposé un point sur le réglage des pulvérisateurs (variable selon le feuillage) et présenté l’outil Optidose. « Le plus dur a été de connaître précisément les doses répandues par les viticulteurs. Souvent, ils retiennent de tête et ne notent pas rigoureusement. En faisant l’addition précise, beaucoup ont eu des surprises ! Notre but est de les rendre vite autonomes dans leurs nouvelles pratiques et qu’ils inspirent le changement aux autres viticulteurs. En effet, certains veulent réduire les phytos mais la peur de l’échec les tétanise. Les conseillers apportent des arguments, mais rien ne vaut l’exemple concret chez un confrère », ajoute Johanna Mamasian-Roy.

En novembre prochain, les producteurs apprendront à mieux interpréter leur calendrier de traitement. « Certains viticulteurs utilisent deux produits différents pour une même cible, parfois à pleine dose si les conditions météo s’annoncent mauvaises. A force, ils créent des résistances. En optimisant le calendrier, on peut gagner facilement deux passages par an. Nous discuterons aussi de l’acceptabilité des maladies. Chacun a sa propre définition des défauts. En ciblant mieux les zones à traiter, on consomme moins de produit. Le but est vraiment d’optimiser, de réduire les traitements, sans réduire les rendements », certifie Vincent Ruin.

En parallèle, le groupe local Dephy (9 viticulteur en Savoie) travaille à la rédaction d’un guide de bonnes pratiques. Contrairement au groupe Maec, chacun se fixe ses propres objectifs en misant sur la précision. « Nous avons acheté des pulvérisateurs, cartographié les parcelles, utilisé des logiciels de traçabilité… Cette précision permet de progresser et de baisser rapidement ses consommations de produits phytosanitaires », estime Pierre Viallet.
 

En savoir plus : http://www.services.casmb.fr/fr/actualite-detail/uid/phytos-une-operation-pilote-en-savoie (présentation de l’opération sur le site de la Chambre d’agriculture Savoie Mont Blanc).
 

Ci-dessous, les viticulteurs savoyards lors d’une formation sur le réglage des pulvérisateurs.

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