Champ de blé (Rustic)
Les cours de certains produits agricoles battent des records. Dans le même temps, les prix des intrants augmentent aussi fortement. Les éleveurs le ressentent déjà depuis plusieurs mois. En grandes cultures, la hausse des prix des carburants et des engrais vont amputer les marges des producteurs.
Après 18 mois de crise sanitaire, la conjoncture des marchés agricoles surprend. On ne compte plus les superlatifs employés par les experts employés dans leurs analyses pour rendre compte de la situation économique des filières qu’ils supervisent.
A Rouen, le prix de la tonne de blé oscille autour de 250 € depuis un mois. Et à Bordeaux, la tonne de maïs vaut autour de 225 €.
Par rapport à la moyenne quinquennale, le prix de la tonne de blé est supérieur de plus de 20 %, selon les services de la statistique du ministère de l’Agriculture. Pour le maïs, la progression est encore plus forte (+30%).
Même des filières atones depuis des années surprennent. Les cours de la viande d’agneaux évoluent à des niveaux très élevés. Dans sa note de conjoncture mensuelle, l’Institut de l’élevage (Idele) mentionne : « la cotation des vaches laitières à la fin du mois d’août (semaine 35) a atteint 3,83 €/kg pour la vache O (+11 % par rapport à 2020 ; +9 % /2019) et 3,32 €/kg pour la vache P (+14 % /2020 et +17 % /2019) ».
La filière bovins viande bénéficie aussi d’une conjoncture très favorable. « En semaine 35, la vache U cotait 4,81 €/kg (+5 % /2020 et +10 % /2019) et la vache R 4,22 €/kg (+5 % /2020 et +13 % /2019) », souligne l’Idele.
Mais les prix des intrants et les coûts de production augmentent fortement. Les filières animales y font face depuis des mois, au fil de la hausse des prix de l’alimentation.
Selon l’institut de l’élevage, les hausses des prix du lait de chèvre sont compensées par celles des aliments.
« A 693 € les 1 000 litres au 2e trimestre, soit +5,3 % par rapport à 2020, le prix moyen du lait payé aux producteurs de lait de chèvre se situe 34 € au-dessus du niveau de 2020 et 50 € au-dessus de celui de 2019», rapporte l’Idele.
Mais la hausse des charges neutralise celle des prix. L’indice moyen de l’IPAMPA glissant 12 mois des coûts de production s’est renchéri de +3,4 % d’une année sur l’autre, soit presque autant que le prix du lait de chèvre (+4,5 % à 760 € /1 000 litres).
En production laitière, le prix du lait standard demeure depuis le mois de janvier 2021, comme l’an passé à la même époque, supérieur à 350 € les 1 000 litres (sources ministère de l’Agriculture). Mais les prix de l’alimentation animale ont entre-temps progressé de 10 %. Ils sont même supérieurs de 12,7 % à ceux de l’an passé en juillet dernier (derniers chiffres connus).
Mais surtout, les éleveurs français ne profitent pas de la conjoncture laitière mondiale très favorable. La collecte de lait (UE 27) n’a progressé que de 0,5 % au cours des six premiers mois de l’année 2021. Les contrats figent les productions de nombreux éleveurs et l’absence de repreneurs dans certains élevages conduit à des cessations d’activité.
Dans le reste du monde, la production de lait croît. Au mois de juin dernier (dernières chiffres connus), les moteurs de la production mondiale sont américains et néozélandais, selon la dernière note de conjoncture de FranceAgriMer.
« En Nouvelle-Zélande, la production a affiché une hausse de 1,7 % en juin 2021 (derniers chiffres connus, ndlr), souligne l’organisme public, souligne encore l’organisme public. Aux États-Unis, la progression est restée marquée, avec des volumes en hausse de 2,9 %. Cette tendance déjà visible sur le début d’année, est permise notamment par un cheptel étoffé (+ 1,6 % en juin 2021) ».
En récoltant le blé, l’orge et le colza durant l’été, les céréaliers savaient déjà que les coûts d’implantation des prochaines cultures d’hiver allaient être bien plus élevés qu’à la même époque en 2020.
Les prix des engrais et des amendements ne cessent de progresser. Fin juillet (derniers chiffres connus), ils sont supérieurs de 25,7 % à ceux enregistrés en juillet 2020, atteignant son plus haut niveau depuis le mois mai 2013.
A la fin de l’année passée, cette progression continue, observée depuis une dizaine de mois, n’avait pas été immédiatement perceptible car les commandes des engrais avaient déjà été passées lorsque les céréales d’hiver étaient implantées.
Les prix de l’énergie et des lubrifiants « s’affichent eux aussi en forte hausse depuis un an (+21,1 %), dans un contexte de reprise économique mondiale », souligne le ministère de l’Agriculture.
Sur un an, les prix du gazole non routier sont en forte hausse (+38,0 %).
L’ensemble de ces hausses va d’emblée générer un surcoût de 50 € à 150 € par hectare par rapport à cette année alors même que la campagne 2021-2022 n’en est qu’à ses débuts.
Pour l’instant, les prix des semences et des produits phytosanitaires restent stables.
Les filières bio, moins consommatrices d’intrants ne s’en sortent pas forcément mieux. Les éleveurs et les agriculteurs font face à des marchés déséquilibrés tantôt en matière d’offre, tantôt en matière de demande.