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Les pratiques agricoles néerlandaises évoluent grâce à la recherche

Comment nos voisins européens gèrent-ils la multiplication des contraintes environnementales et règlementaires ? Comment se positionne la recherche agronomique pour accompagner les agriculteurs ? Profitant d’une virée aux Pays-Bas (champion pour imaginer des solutions au déséquilibre entre production d’effluents et capacité d’absorption par les cultures), j’ai interviewé John Verhoeven, chercheur à l’institut de recherche de l’Université de Wageningen, spécialiste des questions liées à la fertilisation.

Comment évolue l’agriculture dans les Pays-Bas, notamment par rapport aux normes environnementales ?

John Verhoeven : Pendant des années, l’application de produits phytosanitaires, de fertilisants chimiques, le labour, ont entraîné, d’une part, une perte de  structure et de fertilité du sol, et d’autre part, une pollution des eaux. De nombreux cours d’eau ne respectent pas la norme de potabilité de l’eau. Malgré une structure des sols moins bonne, nous ne voyons pas l’érosion, tant notre pays est plat : les sols restent en place !

Les pratiques agricoles évoluent-elles ?

J.V. : Les agriculteurs ont aujourd’hui conscience du problème. Au sud de notre pays, de plus en plus d’agriculteurs développent le non labour par exemple. Il faut savoir que ce sont les agriculteurs qui financent une bonne partie des recherches que nous menons. Ils sont donc intéressés par les résultats, et encore plus s’ils peuvent s’en servir pour modifier leurs pratiques.

Comment s’orientent vos recherches ? Cherchez-vous à accompagner la mise en place de pratiques agricoles plus durables ?

J.V. : Dans le nord-est des Pays-Bas, les agriculteurs pratiquent la monoculture de maïs sur de grandes surfaces. Cela pose un problème, car la culture n’est en place que 6 mois dans l’année, laissant le sol nu le reste du temps… Et nos sols sableux sont très sensibles à l’érosion éolienne. Les agriculteurs avaient donc l’habitude de recouvrir le sol de lisier pendant la période d’interculture, ce qui formait une croûte protectrice. Vous vous doutez bien que cette technique a ses limites, du fait de l’impact sur la qualité de l’eau ; elle a donc été interdite par le gouvernement. Les organismes de recherche ont alors été sollicités pour imaginer d’autres techniques permettant de limiter l’érosion. Nous avons testé deux nouveaux produits : le bois raméal fragmenté (BRF) et la cellulose. Pour les besoins de l’expérimentation, un « tunnel de vent » a été fabriqué, pour imiter le vent, et nous avons testé à l’aide de cet outil plusieurs modalités : cellulose ; BRF ; Lisier ; Lisier avec application d’eau.

La dernière modalité a été testée car nous savons que l’application d’eau juste après celle du lisier permet de réduire la volatilisation d’ammoniac.

Les résultats ont montré que le BRF est le produit qui fonctionne le mieux. Mais avec un coût de 589€/ha en moyenne (le coût du BRF s’élevant déjà à 489€/ha) et l’inexistence « d’épandeur à BRF » sur le marché, pour le moment cette technique semble impossible à mettre en place. Le lisier est le deuxième produit le plus efficace pour lutter contre l’érosion, et avec un coût d’application estimé à 103€/ha, il paraît plus judicieux, afin de ne pas pénaliser les agriculteurs, d’obtenir une dérogation pour appliquer du lisier. Ce sujet est en discussion dans les grandes instances.

Que faites-vous pour lutter contre la perte de matière organique des sols ?

J.V. : D’une part, nous avons de moins en moins de matière organique dans nos sols car ce qui est exporté des parcelles n’est pas compensé par des apports suffisants. D’autre part, la quantité maximale d’azote autorisée est de 140 kg/ha pour le maïs. Sachant qu’il faut environ 200 kg/ha d’azote pour un rendement optimal en maïs, l’écart de 60 kg doit venir des fournitures du sol. Et c’est là que la culture intermédiaire piège à nitrate intervient. Semée en septembre, après la récolte du maïs, elle capte les résidus d’azote du sol ; une fois enfouie, elle les fournit à la culture suivante, tout en enrichissant le sol en matière organique. Ce sont des connaissances de base que nous communiquons un maximum aux agriculteurs. Tous les cours d’eau ne sont pas encore au dessous de la norme européenne de 50 g d’azote total /litre. Mais j’aimerai conclure en annonçant, tout de même, que malgré la forte pression environnementale de nos élevages, la qualité de l’eau s’améliore grâce à des efforts importants de la part des agriculteurs au niveau du raisonnement de la fertilisation.« 

 

Plus d’infos sur l’université de Wageningen : http://www.wageningenur.nl

Nos photos ci-dessous montrent l’épandage du lisier, et en-dessous une machine qui simule l’érosion éolienne.

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