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Les aides bio pourront-elles durer ?

L’évolution des pratiques rend la frontière entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle de plus en plus ténue. Aussi, la légitimité des aides bio, sous leur forme actuelle, pourrait être remise en question dans quelques années…

Le 6 décembre dernier, c’était la journée bio à, l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture (Apca). Ignorée il y a 25 ans, l’agriculture biologique y est dorénavant célébrée. Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à se convertir et le mouvement ne tarit pas. Les présidents des Chambres d’agriculture ne sont pas en reste. Ils sont huit à avoir franchi le cap sur la centaine d’élus départementaux et régionaux. En Lozère, Christine Valentin, productrice de lait en Gaec et présidente de la chambre départementale, est une des dernières élues à s’être engagée avec ses trois associées, il y a deux ans.

Face à cet engouement, l’agriculture biologique doit relever deux défis majeurs : la différenciation avec l’agriculture conventionnelle et la massification, selon Etienne Gangneron, président de la Chambre d’agriculture du Cher, et président du groupe « bio » à l’Apca.

Les agriculteurs conventionnels empruntent à l’agriculture biologique des techniques culturales, rendant les limites entre les deux systèmes de production ténues. Aussi, leur moindre différenciation soulèvera tôt ou tard la légitimité des aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique sous leur forme actuelle. 

Bio ou pas bio, réduire la consommation de produits de protection des plantes sans altérer ses récoltes exige beaucoup de profesionnalisme.

En production animale, les éleveurs bio anticipent même l’interdiction de l’utilisation systématique d’antibiotiques. Les cahiers des charges des produits labellisés (AOC) très exigeants reposent sur des modes de production de moins en moins intensifs et de plus en plus respectueux de l’environnement. Par ailleurs, les enjeux climatiques et de biodiversité de l’agriculture sont de plus en plus intégrés dans la conduite des systèmes d’exploitation, qu’ils soient en bio ou pas.

Dans les Chambres d’agriculture aussi, les limites de compétences ont bougé. Les conseillers agricoles sont de plus en plus polyvalents. Il n’y a plus de conseiller « bio » isolé dans un bureau au fond d’un couloir…

Dorénavant, les retours d’expériences d’agriculteurs en bio profitent à tous les ingénieurs des chambres. Le salon Tech-n-Bio est essentiellement visité par des agriculteurs conventionnels à la recherche de nouvelles techniques culturales sans volonté particulière de se convertir.

La révision portée à Bruxelles

En conséquence, il est fort probable que la labélisation des produits reposera, à moyen terme, davantage sur le processus de transformation et sur son origine géographique que sur les produits agricoles employés, puisque leur ces derniers seront d’emblée, et de manière généralisée, issus de pratiques agricoles durables.

La différenciation entre agricultures biologique et conventionnelle est justement un des enjeux de la révision du règlement européen de 2008. Pour l’Apca, les trois principes intangibles à ne pas déroger sont : l’attachement au sol (plantes cultivées dans la terre), le maintien du dispositif de contrôle actuel et la garantie du respect de l’obligation de moyens pour lutter contre les contaminations diverses (la coexistence de différents systèmes de production ne doit pas nuire à l’agriculture biologique).

Dans le nord de l’Union européenne, les agriculteurs convertis ont une vision libérale de l’agriculture biologique, rapporte  Etienne Gangneron, président de la chambre d’agriculture du Cher. Elle n’est pas toujours  associée à l’éthique de production à laquelle les Français sont notamment attachés (dimension  des élevages, transformation, etc.).

 « L’élevage en bio de volailles impose une croissance lente de 81 jours au moins. Il n’est pas question d’élever des poulets en cage ! », insiste Claude Cochonneau, président de l’Apca.

Enfin, l’Apca tient aussi à ce que les produits bios importés respectent la même charte de qualité que ceux originaires de l’Union. L’enjeu est la lutte conte les distorsions de concurrence avec les pays européens.

L’éthique des distributeurs mise en doute 

L’autre défi de l’agriculture biologique est sa massification. Des chaines commerciales spécialisées dans la distribution de produits biologiques pullulent. A Paris, dans le 10e arrondissement, la rue de la porcelaine (surnom donnée à la rue de Paradis) est devenue en quelques mois la rue du bio avec trois superettes dédiées entièrement à cette catégorie de produits. Sans compter le nombre de petits restaurants qui proposent dans le quartier des menus biologiques. Des « Carrefour market bio » s’ouvrent dans de nombreux arrondissements parisiens. 

Mais la massification de l’agriculture biologique impose une structuration des filières. Comme en conventionnel, « le sujet de la répartition de la marge est un sujet pour toute la filière », explique Etienne Gangneron qui remet en question « l’éthique » prônée par bon nombre de distributeurs. Dans certaines chaines de magasins, les pratiques commerciales sont identiques à celles observées dans les circuits traditionnels avec des marges élevées qui ne profitent pas aux éleveurs !

« La viande bovine bio connaît depuis trois ans les mêmes problèmes de valorisation que la filière conventionnelle », rapporte encore le président de la Chambre d’agriculture du Cher. Lui-même éleveur de bovins viande, accuse une perte de 1 € le kilo à la production depuis plus d’un an.
 

Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/95802662.

1 Commentaire(s)

  1. Tout est dit dans cette approche, donc logiquement cela doit déboucher sur un principe simple qui doit être partagé par l’ensemble des membres de la communauté humaine : produire mieux pour se nourrir mieux. L’attachement au sol (plantes cultivées dans la terre) est bien la base de l’agriculture et de son corolaire humain le « paysan » cette base étant aussi le fondement de l’élevage (animaux élevés sur la terre) : le « hors sol »n’ est donc pas de l’agriculture, merci de le rappeler (le « hors sol » comprenant aussi le tout chimique en grande culture sans « horizon » au sens pédologique) .
    Le principe de « l’aide » doit donc être repensé dans ce cadre, la société humaine ayant besoin de cette agriculture là (et pas de cette « autre activité » qui condamne l’humanité), la rémunération sociétale des fonctions éco-systémiques non « productives » est logique (ce n’est pas une « aide » c’est un devoir d’équilibre).
    L’agriculture biologique doit redevenir l’agriculture « conventionnelle » sa « massification » impliquant de poser dès le départ que le principe que cette « conversion » soit basée sur la « juste » répartition de la marge de la  » filière » entre ses trois composantes producteur/transformateur/consommateur : la « massification » du bio est la réponse « sécuritaire » du consommateur face aux produits « incertains » de l’actuel « conventionnel » où la marge est uniquement au profit de la « transformation » au sens large dans le système du libre marché actuel qui est basé sur l’asservissement et la subordination.
    La « coopération » est ici simple : le producteur et le consommateur en sont les acteurs et ils établissent le rapport de « confiance » : produire mieux pour se nourrir mieux.
    Le reste (transformation, mise en marché etc..) est un travail complémentaire (prestation de « service »)qui est clairement défini dans le cadre d’un cahier des charges (et justement rémunéré à hauteur du travail fourni) co-construit par le producteur et le consommateur.
    La mise en marché actuelle (e commerce, échange direct d’individu à individu) va dans ce sens et c’est bien ce qui embête les « conventionnels » de la distribution (GMS) qui essayent de capter la « massification » du bio en travaillant avec les intégristes libéraux de l’Europe du Nord et les convertis (sous serre) de l’Europe du Sud.
    Ce sujet est aujourd’hui dans le champ politique (au sens « éthique » du projet sociétal) parce que la France est la seule en situation de poser clairement son cadre face à une Europe en perte de crédibilité.
    P.S. (si j’ose dire), le débat est ouvert : « pour une agriculture paysanne et écologique » JLM 2017

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