abeilles mortes

Les abeilles nous alertent sur le sens de l’histoire

« la nature nous inclut…nous sommes dedans et en faisons partie…. si elle ne prospère pas nous ne pouvons pas prospérer non plus » Wendell Berry

 

Toutes les sociétés qui nous ont précédés, qui ont disparu pour des raisons économiques, religieuses, belliqueuses ou autres, toutes ont un point commun. Toutes ces sociétés ont misé, pour leur alimentation, sur les cultures annuelles. Toutes, sans exception… Et nous ? Que faisons-nous ?

L’industrialisation de l’agriculture, à laquelle nous assistons depuis une soixantaine d’années, s’accélère à cause de la crise agricole. En effet, il ne faut pas perdre de vue que c’est par les prix faibles que se fait l’agrandissement des fermes, aussi paradoxal que cela puisse paraître. L’industrie agroalimentaire qui a tous les pouvoirs, surtout en France depuis la LMA de 2010 (loi de modernisation agricole), n’a qu’un qu’un seul objectif : avoir de la matière première à bas prix et en grande quantité. Pour ce faire, il n’y a pas mieux que de spécialiser les fermes et créer de la surproduction, afin que les prix baissent pour fragiliser les paysans. Faire croire que la grande distribution est l’unique responsable des crises agricoles en la désignant d’un doigt accusateur est une escroquerie intellectuelle et surtout économique. Certes, la grande distribution n’est pas indemne de reproches, loin de là, mais tout lui « coller sur le dos » est une façon honteuse de se dédouaner à bon compte, car en définitive les seuls bénéficiaires des crises agricoles sont les industries agroalimentaires.

Dans notre quotidien, les rôles de l’arbre sont tellement nombreux qu’il est impossible de les énumérer, tant l’arbre est essentiel à notre vie. Il en est un cependant, totalement méconnu, qui mérite que l’on s’y arrête un peu. C’est le rôle de l’arbre dans le cycle des pluies. A l’école, nous avons tous appris que les pluies venaient de l’océan. Tout le monde a en tête le fameux cycle évaporation-condensation-refroidissement-pluie. Tout ceci est vrai mais seulement sur quelques centaines de kilomètres à l’intérieur d’un continent, et pourtant il pleut, en grande quantité même, plusieurs milliers de kilomètres à l’intérieur des continents. Comment est-ce possible ? Lorsqu’il pleut sur un arbre, une partie de l’eau s’évapore par les feuilles, mais aussi une autre partie est absorbée par les racines pour irriguer l’arbre qui finit par transpirer : phénomène de transpiration. Entre l’évaporation et la transpiration, l’arbre rejette dans l’atmosphère autant d’eau qu’il récupère. Évapotranspiration, condensation, coup de vent, refroidissement et il pleut un peu plus loin. Ce cycle se reproduit sur des milliers de kilomètres, ce qui explique les pluies abondantes au beau milieu des continents. Tout cela est scientifiquement démontré par Anastassia Makarieva, scientifique Russe. Mais pour que ce cycle se réalise une condition doit être respectée absolument : qu’il y ait des arbres, donc des forêts régulièrement ! Pas d’arbres, pas de forêts, pas de 
pluies ! Et pendant ce temps, 12 hectares de forêts disparaissent chaque minute ce qui fait qu’environ 6,5 millions d’hectares de forêts disparaissent par an de la surface du globe sans être compensés… L’apprentissage d’une nouvelle gestion de la forêt est une nécessité absolue pour rétablir le cycle de l’eau, vital pour l’humanité. Il faut tout de suite stopper ce carnage forestier qui consiste à raser les arbres par vastes zones. Arrêtons ce comportement de prédateurs ! Et replantons massivement des arbres et des haies.

« Des chercheurs canadiens ont mesuré sur 90 000 personnes, une perte d’espérance de vie de 6 à 17,9 ans ! ». « J’ai vu vu l’âge des AVC passer de 50 ans à 30 ans pour finalement toucher des adolescents de 17 ans ! Effrayant ! » Qui parle ainsi ? Stéfane Guilbaud auteur du livre « Je ne mange pas de produits industriels ». Dans ce livre il fait l’état de notre alimentation et de ses conséquences. Il explique très bien qu’un marché de 172 milliards d’euros, rien qu’en France, ne laisse pas insensible les industriels de l’agroalimentaire, mais de là à « empoisonner » la population….

Après la guerre de 1939-1945 est née la « Révolution verte » en Europe, mise en place, ne nous y trompons pas, par les industriels de l’armement. Ceux-ci se trouvaient au bord de la faillite, il fallait trouver le moyen de leur éviter la ruine : ils se reconvertirent dans les agro-industries, puisque les états se désengageaient de leur devoir protecteur du peuple. Cette « Révolution verte » a provoqué l’agrandissement des fermes, l’exode des paysans, l’endettement, l’arasement des talus, la sur-mécanisation, l’utilisation de la chimie, les semences hybrides, le sur-développement des céréales, la destruction des prairies et l’abattage de millions d’arbres. La réforme de la Pac (Politique agricole commune) de 1992 fut le couronnement de cette Révolution verte, qui fit la part belle au maïs et aux céréales. Les réformes de la Pac qui suivirent ne firent que conforter la volonté de la Pac de 1992. Les accords de libre-échange qui se mettent en place un peu partout sur le globe, avec leurs cohortes de répercutions, comme par exemple la baisse des prix agricoles, puisque c’est le moins-disant qui fera référence. Tout cela engendrera un départ massif de paysans (faillites) donc un agrandissement des fermes, ainsi qu’une concentration des troupeaux avec comme principale conséquence la baisse des surfaces des prairies afin de continuer l’expansion du maïs et des céréales.

Comme autre répercution, par effet « domino », de l’autre coté de l’Atlantique, le sur-développement du soja OGM pousse à la déforestation et à l’utilisation massive de pesticides. En un mot, nous mettons en place une agriculture qui privilégie les cultures annuelles au grand dam des cultures pérennes. Notre alimentation devient de plus en plus dépendante des cultures annuelles. Du fait de nos choix économiques, politiques, et par notre mode de consommation, nous transformons patiemment le globe terrestre en un désert. Ainsi nous pouvons affirmer que nous fabriquons méthodiquement, voire minutieusement, une famine planétaire, en partie financée par de l’argent public, qui entraînera la fin de notre civilisation.

Notre alimentation est à l’origine de toutes les crises que nous subissons. La Révolution verte mise en place, sous couvert de prospérité et de sécurité alimentaire, est un échec tant le bilan est catastrophique sur l’ensemble de la planète, et pas seulement en Europe : entre l’éradication des paysans, la destruction du paysage, les délabrements économiques et sociaux, les maladies qui explosent… Alors oui, les abeilles nous alertent, car elles sont les premières victimes, ainsi que tous les insectes, de l’action violente des produits chimiques, de la destruction des talus et des haies bocagères, et par ricochet ce sont les oiseaux qui subissent le contre-coup de la disparition des insectes. Puis vient l’absence de pollinisation. Les arbres ne jouent plus leur rôle de filtre purificateur de l’air et de régulation de l’eau. Nos animaux sont élevés dans des conditions quasi concentrationnaires. Nous ne voyons plus de porcs patauger dans une mare de boue ni fouir avec leur groin une platebande de terre. Quant à nos vaches, bientôt elles ne connaîtront plus le goût de l’herbe ni le bonheur de se coucher dans une prairie à l’ombre d’un arbre par une belle journée d’été. In fine, c’est nous qui seront sévèrement punis ! Ne dit-on pas que nous sommes ce que nous mangeons ?

Il est grand temps de changer notre mode d’alimentation. Messieurs les agro-industriels, vous qui êtes les puissants de notre époque, bravo, vous avez réussi ! Mais pour quelques dollars de plus , allez- vous continuer ce jeu de massacre ? Ou allez-vous accéder à la grandeur, tels les seigneurs du moyen-âge qui, sûrs de leur puissance, n’hésitaient pas à œuvrer pour des actions caritatives ? Vous en êtes là aujourd’hui, c’est vous qui décidez : soit vous persévérez et vous provoquez la fin de notre civilisation, et vous avec, soit vous choisissez le changement. Oserez-vous la grandeur ?

Ainsi, il va nous falloir repenser la place de l’agriculture dans notre projet de société. L’industrialisation de l’agriculture n’est pas, et ne sera pas la réponse. L’agriculture doit être au cœur même de ce projet de société, avec comme piliers l’arbre, les cultures pérennes et la diversité. Cette agriculture doit nous offrir une nourriture abondante sans rendre malade… Une agriculture qui respecte ses paysans, ses animaux, sa terre. Une agriculture qui offre de nombreux emplois, qui offre du bonheur, de la joie de vivre. L’agriculture peut être, doit être, tout cela et même plus encore. La prochaine réforme de la Pac pourrait être le moment de commencer le changement d’orientation de l’agriculture.

Et n’oubliez jamais : « A l’origine de toute action il y a une idée ! » Georges Emile Pécarère.

 

Pierrick Berthou
producteur de lait à Quimperlé

 

 

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