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Le soja, parfois risqué mais toujours « HVE et PAC-compatible »

En plantant du soja, la prise de risque est climatique mais l’intérêt agronomique de la culture est évident. Les bonnes années, la culture de soja est aussi rentable que celle de blé.

Photo : Emeric Courbet, technicien « Grandes Cultures » de la Chambre d’Agriculture de Haute-Saône dans un champ de soja prêt à être récolté.

En Haute-Saône, le soja fait partie des assolements de nombreuses exploitations. Dans une rotation, sa culture se succède généralement à celle du maïs et précède celle du blé.

« Chaque année, le risque pris par n’importe quel agriculteur semant du soja est minime au regard des coûts engendrés par la culture de maïs, explique Emeric Courbet, technicien « Grandes Cultures » de la Chambre d’Agriculture de Haute-Saône. Les mauvaises années, la vente des graines couvre les prix des intrants. Les bonnes années, la marge brute de la culture est au moins équivalente à celle du blé ».

Les deux campagnes, caniculaire de 2020 et plus tempérée de 2021, sont deux cas d’école.

« L’an passé, le rendement moyen n’excédait pas 15 quintaux par hectare. Cette année, la production a dépassé allègrement les 30 quintaux par hectare et le seuil de 40 quintaux a parfois été atteint » explique encore Emeric  Courbet. Si bien qu’en combinant les produits de vente et les charges opérationnelles (350 €/ha avec des semences de ferme, couverts compris), la marge brute  moyenne d’un hectare de soja est passée de 175 € en 2020 à 1240 € en 2021. Mais entre temps, le rendement par hectare a doublé et le prix de la tonne de soja est passé de 350 € à 530 €.

« La plante a besoin de pluies pour se développer et pour produire des gousses. Elle est plus sensible au stress hydrique que le tournesol mais moins que le maïs » explique Mathieu Constantin. Il est agriculteur à Cugney et il conduit une exploitation de 235 hectares dont 25 hectares de soja.

D’un point de vue agronomique, la culture de soja ne présente que des intérêts. Du reste, cette production est complètement en phase avec la réforme de la PAC qui sera lancée en 2023.

L’implantation d’une culture de soja nécessite peu d’intrants. Sur son exploitation Mathieu épand 30 unités de phosphates et 50 unités de potassium par hectare de soja. «  En apports, il  ne faut pas dépasser ce qui est exporté à la récolte » recommande l’agriculteur. Mais pour faire son dosage, ce dernier prend en compte les résidus restitués au sol par la culture précédente. Parfois, certains de ses collègues cultivent du soja sans apports d’engrais.

A la différence de la luzerne, le soja ne stocke pas d’azote dans le sol. La plante fixe seulement l’azote atmosphérique, contenu dans la terre, pour couvrir ses besoins. Il ne faut donc pas compter sur cette production  pour réaliser des économies d’azote sur la culture suivante (en général du blé).

Mathieu Constantin devant un silo de graines de soja justes récoltées.
 

La culture du soja ne nécessite pas de traitement phytosanitaire particulier. Si la parcelle est propre, un binage mécanique pour désherber les herbes suffit. Et en implantant une culture de  soja après du maïs, la plante fait obstacle aux maladies des céréales si bien que le blé qui suivra nécessitera moins de traitements.

Selon l’état de propreté du sol, la culture est semée sur des parcelles labourées ou pas. Après un soja, le blé qui suivra peut-être implanté en semis direct.

Dans les régions situées au nord de la Bourgogne-Franche Comté, seules les  variétés  précoces (1 600 heures d’ensoleillement durant le cycle de végétation) parviennent naturellement à maturité car elles sont moins exigeantes en températures. Or plus les gousses de soja sont mures tôt, plus les risques de conduire à l’automne des chantiers de récoltes entravés par les précipitations sont faibles.

« La culture du soja est de plus en plus une alternative au colza dans les exploitations où il est difficile de lutter contre les altises » souligne Emeric Courbet. Sur son exploitation, Mathieu pense cultiver plus de soja aux dépens du maïs. Mais la légumineuse est rarement implantée en culture secondaire en France Comté car la plante nécessite un sol humide pour se développer et du soleil à l’automne.

En Haute Saône, le plan de relance de la production de protéines végétales – et de soja en particulier – porté par Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture, rencontrera un succès limité.

« Ces deux dernières années, les fortes chaleurs ont plutôt fait renoncer des producteurs à introduire cette culture dans leur rotation » déplore Emeric. Toutefois, les modalités d’accès aux aides éco- schèmes (ex-paiements verts) de la PAC pourraient conduire certains d’entre eux à revoir leur position (cf. encadré).

«  Mais ce qui pourrait aussi inciter les agriculteurs à se lancer dans la culture du soja est une aide couplée d’au moins 100 € par hectare, assure Mathieu. Celle de 30 €/ha actuellement versée est ridicule ! ».

En attendant, le Plan de relance de l’économie nationale prévoit, pour ceux qui se lancent dans la culture du soja, de financer en partie, l’acquisition de semoirs et de moissonneuses avec une barre de coupe flexible. Ces matériels peuvent être achetés individuellement ou en collectif.

Booster la certification HVE pour décrocher les aides éco-schèmes
Une exploitation certifiée HVE donne accès aux aides éco-schèmes de la prochaine réforme de la PAC (75 €/ha). Or une culture de soja booste justement l’accès à cette certification environnementale. Elle augmente le nombre d’espèces de plantes cultivées, elle allège le poids de la culture principale et elle accroît la biodiversité sur l’exploitation. Elle nécessite aussi peu d’intrants (notamment l’azote minéral) et elle diminue l’indice de fréquence de traitement.
 
Itinéraire cultural de la culture de soja chez Mathieu
Matthieu a fait le choix de cultiver des variétés tardives de soja (2 000 heures d’ensoleillement) plus productives avec le risque que les plantes parviennent difficilement à maturité à la récolte en automne. Mais l’agriculteur est entièrement équipé pour cultiver du soja et pour faire sécher les graines.
  • Préparation du sol : enfouissement de la culture intermédiaire si la récolte du précédent a eu lieu avant le 15 septembre. Mathieu implante souvent un mélange d’avoine-vesce-féveroles qu’il détruira au début du printemps. Les résidus enfouis des plantes augmentent le taux de carbone dans le sol.
  • Epandage de 30 unités de phosphate et de 50 unités de potasse.
  • Préparation du lit se semence : labour du sol pour enfouir les pailles de maïs.
  • Date de semis : après le maïs, vers le 15 avril.
  • Dose : 120-150 €/kg, pour viser 600 000 pieds par ha (60 /m2).
  • Désherbage avant le semis ou/et après.
 
Auteur Frédéric Hénin

 

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