le trektor prepare les planches avant limplantation des cultures

Le robot Trektor fait ses preuves sur le bassin maraîcher nantais

Au sein des parcelles de l’entreprise Abria à Saint-Julien de Concelles, un projet d’expérimentation a permis de réaliser une culture de l’épinard en planche avec un robot autonome de la préparation du sol au semis. Si l’itinéraire cultural a nécessité d’adapter les outils attelés derrière le robot, les rendements ont prouvé l’efficacité de cet équipement.

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Désherbage en maraîchage plein champs

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Depuis quelques années, le robot de culture autonome n’est plus un rêve futuriste, mais bien une réalité en maraîchage. Les planches droites et fixes formées pour les cultures de légume se prêtent particulièrement bien au développement de ce type de matériels novateurs. Le Trektor, conçu par l’entreprise Sitia, et commercialisé en Pays de la Loire par le concessionnaire Jarny, est l’un des précurseurs sur ce segment de marché. À travers un projet d’expérimentation soutenu par la région Pays de la Loire et réunissant l’entreprise Abria, la chambre d’agriculture régionale et le concessionnaire Jarny, ce robot a fait ses armes sur le bassin de production des maraîchers nantais. « Ce projet, débuté il y a 3 ans, a pour but de tester le robot en activité dans le contexte d’une exploitation agricole. Nous avons analysé ses capacités afin de les comparer à celles d’un tracteur. Dans ce cadre, nous avons notamment réalisé des tests de consommation et de traction » explique Gérard Besnier, chargé de mission agriculture de précision en cultures spécialisées au sein de la chambre d’agriculture. Au-delà des analyses, ce projet a permis de travailler en lien avec Sitia pour améliorer le robot. « Lorsque nous avons commencé à le tester, Trektor n’avait pas la possibilité de relever son outil lorsqu’un chemin traversait la planche. Suite à nos remontées terrains, Sitia a ajouté cette fonction sur le robot » illustre Dominique Turpin, responsable projet robotique chez Jarny. À ce titre, le concessionnaire n’a pas attendu le projet d’expérimentation pour se faire la main sur le robot. En 2020, de nombreux tests avaient déjà été réalisés sur vigne, puis en maraîchage en 2021. « Nous voulions nous approprier pleinement le fonctionnement et l’utilisation du robot avec des outils en conditions réelles afin de pouvoir apporter un conseil complet à nos clients » précise Dominique Turpin. Fort de ces expériences, il insiste sur l’idée que le Trektor est un outil abouti et prêt à fonctionner sur une exploitation. « Ce n’est pas une innovation de demain. Il est en phase d’optimisation et utilisable par les producteurs dès d’aujourd’hui ! » assure-t-il.

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De gauche à droite : Christophe Gillier, Gérard Besnier et Dominique Turpin. © TL

Un fonctionnement hybride

Dans les faits, Trektor est un robot autonome de 2,9 t. Il peut recevoir des outils sur son système trois points à l’arrière et/ou sur des perches fixées au châssis entre les roues. « C’est un matériel conçu pour s’adapter à la viticulture et au maraîchage. Sa largeur, sa longueur et sa hauteur sont réglables. Il s’adapte aux différentes largeurs de planches de maraîchage. En viticulture, il va pouvoir passer en inter-rang dans les vignes larges en Anjou et en configuration enjambeur dans les vignes étroites du muscadet » détaille Dominique Turpin. Au sein de l’exploitation Abria, cette caractéristique prend tout son sens. « Sous multi-chapelles, nos planches font 1,75 m contre 1,80 m en plein champ. Le robot peut s’adapter à ces deux largeurs » remarque Christophe Gillier, le responsable de ferme.

Pour le spécialiste robotique du concessionnaire Jarny, le vrai atout de ce robot réside dans son fonctionnement hybride. Le Trektor possède un moteur électrique dans chaque roue motrice qui permet l’avancement et la traction. Lorsque la batterie du robot atteint 50% de charge, un moteur thermique intégré au robot se met en route pour permettre une recharge jusqu’à 80%. La batterie électrique peut également être rechargée sur secteur lors des arrêts. « Avec un plein de 25 l, le robot est autonome jusqu’à 24h. Comme le moteur thermique fonctionne à régime constant, à l’image d’un groupe électrogène, il consomme un tiers de moins de carburant qu’un moteur classique » assure Dominique Turpin.

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La présence d’un opérateur est aujourd’hui obligatoire lors du fonctionnement du robot © TL

Une exploitation spécialisée dans la mâche et le radis

Située à quelques kilomètres de Nantes, sur les terres sableuses des bords de Loire, l’exploitation sur laquelle est testée Trektor fait partie de l’entreprise Abria – Léguméo. Elle se constitue d’une centaine d’hectares, dont 36 sous multi-chapelles et le reste en plein champ. Les deux cultures principales sont la mâche et le radis. En saison, il s’y cultive également de la roquette et des épinards. « En accueillant les essais de Trektor sur nos parcelles, l’objectif est aussi de ne pas louper le train de la robotisation » relève Christophe Gillier.

Des essais concluants sur l’épinard

Parmi les expérimentations réalisées au sein de l’entreprise Abria, le Trektor a notamment assuré l’implantation et le désherbage d’une culture de l’épinard de A à Z. « Il n’y a que la récolte qu’il n’est pas capable de réaliser » souligne Christophe Gillier. L’une des caractéristiques du Trektor, en lien avec son fonctionnement hybride, c’est l’absence de prise de force mécanique. Le robot propose tout de même une prise de force hydraulique entraînée par le moteur électrique pour animer des outils. « Mais ce n’est pas suffisant pour certains matériels de nos parcs actuels, notamment les culti-rateaux. Cela nous a obligé à repenser notre méthode de travail en reprenant des outils plus légers que nous utilisions auparavant tels que le râteau ou la croquette. C’est l’un des avantages du Trektor. Il nous permet d’utiliser des équipements plus ou moins récents déjà présent sur l’exploitation » explique Christophe Gillier. Il est également moins énergivore, ce qui est le cheval de bataille de Sitia.

Pour l’implantation des épinards, l’itinéraire culturale s’est composé d’un premier passage de lame pour scalper les résidus du précédent mâche. Le Trektor a ensuite été attelé avec un outil en V pour pousser les déchets dans le passe-pied.

Le robot a entamé la phase de travail du sol avec un passage de vibroculteur pour extraire les racines de mâche. Puis, il a été attelé avec des lames droites pour décompacter les planches sur 20 cm. De chaque côté des lames droites, des disques permettaient de refaire la planche.

Pour la préparation finale du lit de semence, Gérard Besnier, en charge des essais, a réalisé un nouveau passage de vibroculteur avec le Trektor afin d’affiner le lit de semence, puis l’utilisation de la croquette sur 3 cm a finalisé la préparation de la planche. Le semis en lui-même a été réalisé à l’aide d’un semoir légumier mécanique Agricola Italiana. « On peut imaginer implanter tout ce qui se sème avec un semoir mécanique, que ce soit des jeunes pousses, de la roquette ou de la salade » évoque Christophe Gillier. Le Trektor a à nouveau été utilisé pour l’apport d’engrais.

Suite à l’expérimentation, le producteur de mâche ligérien se dit très satisfait du résultat obtenu sur la culture de l’épinard. « En utilisant des outils plus légers, nous avons pu préserver les sols. Il n’y avait pas de rétention d’eau dans les planches et le rendement était au rendez-vous » assure-t-il.

La culture de l’épinard ayant été semée à la volée, le robot n’a pas été utilisé pour le désherbage mécanique dans ce cas précis. Mais Dominique Turpin souligne que des essais de binage sur carotte et radis ont donné des résultats satisfaisants.

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C’est ce semoir, attelé derrière le Trektor qui a permis d’implanter les épinards lors de l’essai. © TL

Un complément à l’œil humain

S’il est satisfait de l’implantation des épinards via le semoir attelé derrière Trektor dans le cadre de l’expérimentation, ce n’est pas cette opération que Christophe Gillier imagine confier de manière permanente au robot. « Le semis nécessite un contrôle constant pour lequel l’œil humain est indispensable. Par contre, la préparation de la planche en amont est une intervention complètement adaptée au robot » souligne-t-il. Le responsable de ferme voit plusieurs avantages à cette association. La première  concerne la qualité du travail effectué. Une fois déterminée l’humidité du sol, et donc la vitesse nécessaire pour tasser ni trop, ni trop peu la planche, le robot va s’y astreindre de manière constante et assurer une qualité de lit de semence optimal. « Comme je connais sa vitesse de travail exacte, je peux aussi planifier le chantier de semis pour que l’implantation soit effectuée immédiatement après le passage du robot et éviter que le sol ne sèche. Le chauffeur de tracteur qui réalisera le semis dans la même parcelle pourra dans le même temps garder un œil sur le robot et satisfaire à l’obligation de la présence d’un opérateur pour assurer la surveillance à proximité de ce dernier » se réjouit Christophe Gillier.

Il évoque également l’utilisation du Trektor pour les missions de désherbage des lignes d’irrigation et des poteaux de serre. « En saison, c’est une tâche qui requiert normalement une personne à temps plein » justifie-t-il.

Une application pour régler tous les paramètres

Pour s’adapter aux différentes planches de culture de l’exploitation, la largeur du Trektor est réglable par l’exploitant. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille sortir la clé à molette. Le producteur règle les paramètres sur une application et le robot les appliques ainsi par lui-même. De la même manière, Trektor est capable de régler son assiette via une simple consigne sur l’application. « Cela permet d’optimiser la liaison tracteur-outil pour améliorer la ligne de traction. Ce sont des tests que nous réalisons chez Jarny pour conseiller au mieux les clients par la suite » affirme Dominique Turpin.

Timothée Legrand

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