Le gouvernement chinois dispose de leviers efficaces pour financer sa politique agricole en maintenant des prix à la production élevés pour inciter les paysans à produire plus, à l’abri de la concurrence mondiale.
Pierre Begoc, directeur international des marchés des céréales pour Agritel se veut rassurant. « La Chine tousse mais elle n’est pas malade. Son gouvernement est confronté au ralentissement de la croissance économique du pays autour de 5 %, mais cet ajustement ne doit pas affoler les marchés mondiaux de céréales. La Chine n’y a jamais été durablement un acteur important, à la différence des autres matières premières industrielles. »
Les quelques millions de tonnes de blé et autres céréales importées ces dernières années visaient avant tout à compenser un déséquilibre passager de la production du pays (notamment en 2013/14 suite à la dégradation qualitative de la récolte de blé qui avait provoqué une forte poussée des importations à 6,8 millions de tonnes – Mt).
Or, comme les récoltes de blé et de maïs sont, cette année, suffisantes pour couvrir les besoins de la population et pour nourrir les élevages, la Chine pourrait se faire plus discrète sur les marchés des céréales, à l’image des importations de blé attendues à 2,7 Mt pour la campagne en cours.
Par ailleurs, le gouvernement dispose d’une importante réserve financière de plusieurs centaines de milliards de dollars pour poursuivre et financer, entre autres, son ambitieuse politique agricole visant à préserver son autosuffisance alimentaire sur les produits prioritaires, dont le blé, le riz et le maïs, grâce aux excédents commerciaux accumulés au cours des 20 dernières années.
Pour rappel, cette politique vise à la fois à garantir la sécurité alimentaire des Chinois en incitant les paysans à intensifier leur production (grâce à des prix rémunérateurs), à leur faire bénéficier des fruits du développement de l’économie de leur pays. Cette politique agricole revêt en cela un caractère redistributif auquel le gouvernement est particulièrement attaché pour garantir la paix sociale.
Selon Pierre Begoc, le gouvernement de Pékin dispose des outils et des moyens financiers efficaces (quotas, taxes barrières tarifaires), pour garder la main sur son marché intérieur mais aussi pour le faire évoluer à la marge quand la conjoncture le requiert. Par exemple, fin 2013, il a décidé de réduire ses stocks publics de coton en supprimant les prix planchers et plafonds appliqués.
Sur les marchés, cette même politique de prix se traduit par un contrôle très strict de ses échanges commerciaux, comme en témoigne la volonté des autorités de réguler les importations d’orge et de sorgho, qui ont atteint des volumes record en juillet. En effet, la production de maïs locale s’annonce bonne et cette dernière pourrait devenir prioritaire.
Le soja fait exception. « L’empire du milieu assume sa dépendance en protéines et la nécessité de s’approvisionner massivement à l’étranger en ce qui concerne le soja. Il n’a donc pas l’intention de réduire les achats de graines (environ 79 Mt selon l’Usda) que ses paysans ne produisent plus en quantités suffisantes », analyse Pierre Begoc. Tout au plus observe-t-on un ralentissement de l’augmentation de ses importations depuis deux ans, en raison d’un palier du développement enregistré dans le secteur de l’alimentation animale.
Sur les autres marchés de matières premières, le ralentissement de la croissance économique chinoise accentue durablement la baisse des cours. Elle profite aux pays industriels consommateurs mais surtout, elle asphyxie les économies des pays qui sont très dépendants de leurs exploitations et de leurs exportations. Prenons comme exemple la Russie ou certains membres de l’Opep pour le pétrole, lequel subit les conséquences négatives d’une demande moribonde.
Mais, en Chine, le gouvernement a les moyens financiers de réorienter la politique économique du pays en favorisant le marché intérieur. Et par conséquent, en incitant les Chinois à consommer plus.
Ci-dessous : bourse chinoise (archives).