quinoa4

Le quinoa en Anjou, histoire d’une implantation

Vous êtes de plus en plus nombreux à implanter du lin, du pois ou encore du sarrasin pour diversifier vos cultures. Et si Chenopodium quinoa, cousine de l’adventice tant combattue, devenait la nouvelle culture de diversification ? Pour Jason Abbott, pionnier du quinoa en France, l’engouement des consommateurs français pour le quinoa ne doit pas précipiter les choses : des progrès restent à faire au niveau de l’itinéraire cultural et de l’amélioration variétale.

« Intolérance au gluten ». C’est à partir de ce diagnostic, prononcé pour sa fille, que Jason Abbott a eu l’idée de cultiver le quinoa. Une graine consommée comme une céréale mais qui n’en est pas une. Une graine qui contient plus de protéines que les céréales, et qui s’en distingue également par la qualité des protéines en question. Une graine qui, par l’absence de gluten, est adaptée aux personnes atteintes de la maladie cœliaque. Bref, le nouvel « aliment santé », au goût atypique, que les Français adorent : en Europe, ils sont les premiers importateurs de quinoa.

« Ce produit était trop bon pour rester cantonné à une petite niche pour le commerce bio et équitable », explique Jason Abbott. L’Américain, installé en Anjou en 2004, était jusqu’en 2008 salarié chez un semencier. Les variétés de quinoa sont déjà disponibles grâce aux travaux de sélection menés par le centre de recherches de l’Université de Wageningen, aux Pays-Bas. Des variétés adaptées à la durée du jour de l’Europe de l’Ouest, sans saponine, un composé donnant un goût très amer à la graine. « Le responsable du programme de recherche, Robert Van Loo, avait remis le projet au placard. J’ai obtenu une licence pour utiliser les variétés Atlas, Pasto et Rio Bamba. »

En 2008, encouragé par un acheteur potentiel, Abbott Agra, l’entreprise créée par Jason, lance des essais en partenariat avec la Coopérative agricole du Pays de Loire (CAPL). L’année suivante, les expérimentations prennent une envergure plus importante. Sur une centaine d’hectares, les variétés sont testées avec de nombreuses modalités : date et densité de semis, type de sol. A chaque fois, agriculture conventionnelle et biologique sont comparées. « Finalement une petite partie des modalités ont fonctionné ce qui nous a permis de mieux connaître les besoins du quinoa », explique Jason Abott.

Il faut désormais s’attaquer à l’aval : triage et nettoyage des graines sont des opérations coûteuses. Grâce au soutien de la région Pays-de-la-Loire, de l’ESA d’Angers et de Vegepolys, pôle de compétitivité du végétal, les infrastructures nécessaires à ces opérations sont mises en place, entre 2010 et 2012, à travers la création de la filière Quinoa d’Anjou. Un silo est spécialement dédié à la réception du grain.

2012, première récolte réussie

Alors que les essais étaient plutôt décevants jusque là, l’année 2012 offre une bonne récolte. Ce qui veut dire, pour la première fois, un stock de grains importants. La CAPL et Jason Abbott décident de se focaliser sur la demande afin d’écouler les stocks. « Comme il existait un marché important pour le quinoa bio, nous nous sommes concentrés sur l’amélioration de l’itinéraire technique en agriculture biologique », précise Jason Abott.

Formidable coïncidence, en 2013, alors que les prix du quinoa sud-américain s’envolent, pour la première fois, la récolte du quinoa français est bonne. Les acheteurs se précipitent sur le quinoa d’Anjou : la dynamique de la filière est lancée.

Exigences climatologiques

En ce mois de mars ensoleillé, environ 1000 hectares sous contrat avec la CAPL ont été semés. « Pour le moment, l’Anjou me semble être la région la plus adaptée à la culture du quinoa : pas de fortes chaleurs ni de grands froids, pas trop d’humidité en été. Les essais menés en Bretagne  ont montré que l’humidité ne permet pas au quinoa de terminer son cycle. A l’inverse, les régions situées à l’intérieur des terres passent trop vite de « trop froid » à « trop chaud » ce qui perturbe le développement de la plante. Je pense qu’il faut d’abord maîtriser l’itinéraire technique ici, en Anjou, avant d’étendre le quinoa à d’autres régions », explique le chef d’entreprise, également agriculteur – il expérimente 40 variétés de quinoa sur ses parcelles.

Un itinéraire technique simple, mais des points à respecter

D’après les essais réalisés, la texture du sol (proportion en argiles, limons et sables) influence peu le rendement. Toutefois, il faut bannir les sols compactés et hydromorphes. La préparation du lit de semence est donc une étape cruciale : celui-ci doit être très fin. Le pivot racinaire du quinoa ne permet pas de travailler le sol comme le feraient certaines crucifères comme la moutarde. En revanche, il permet de remonter les éléments nutritifs et les rendre disponibles pour les cultures suivantes. La décomposition de la racine enrichit le sol en matière organique.

« La pratique courante consiste à implanter le quinoa après deux années de céréales à paille. Au-delà des bénéfices que peut apporter le quinoa au blé par exemple, cette rotation permet de contrôler les mauvaises herbes associées au quinoa, comme le chénopode blanc », explique Jason Abbott. Autre levier agronomique : semer tôt et dense, pour couvrir le sol rapidement et éviter l’implantation d’adventices. Aucun herbicide n’est à ce jour homologué sur le quinoa.

Côté fertilisation, la plante est plutôt gourmande. « Si le quinoa a une si bonne valeur nutritive, c’est parce qu’il la puise dans le sol ! », précise Jason Abbott. « Un engrais de fond est nécessaire avant le semis : azote et potassium sont les nutriments dont la plante a le plus besoin, mais une carence en phosphore pénalise également le rendement, qui se situe en moyenne à 20 quintaux par hectare. »

Environ deux mois après le semis, l’application d’insecticide est nécessaire. Le quinoa, délicieux pour les humains, l’est aussi pour les ravageurs : pucerons, punaises, taupin et criocères sont les principaux. Une application de pyréthrinoïde suffit, et l’absence de résidus assure la sécurité sanitaire du grain pour la consommation.

Enfin, un climat humide lors de la moisson peut entraîner la perte de la récolte, car le grain de quinoa déteste l’humidité.

Climat plus mentalités : les clés du succès ?

Pour Jason Abbott, il faut aimer prendre des risques et pouvoir en prendre : « Celui qui n’aime pas tester des choses nouvelles, expérimenter l’agronomie, n’a pas intérêt à se lancer dans le quinoa. En Maine-et-Loire, les agriculteurs sont habitués à produire des semences, cultures qui les obligent à expérimenter. »

De 50 agriculteurs sous contrat l’an dernier, on en compte 150 en 2014. Le goût de l’expérimentation semble être répandu en Maine-et-Loire, et même au-delà : la région Centre accueille aujourd’hui environ un quart des surfaces totales du quinoa en France.

En juin, qui saura repérer les champs de quinoa en fleur ? En attendant, rendez-vous sur www.quinoadanjou.fr pour commander et goûter pour la première fois du quinoa « made in France ».

 

Les photos qui illustrent cet article ont été prises par Robert Van Loo – Wageningen UR. Elles montrent différentes variétés de quinoa testées sur parcelles aux Pays-Bas et en France.

3 Commentaire(s)

  1. Je commence un agriculteur au Maroc
    Je veux grandir Quinoa Amarante.
    J’ai recueilli beaucoup d’informations.
    Mais je me demande encore;
    où puis-je acheter les semences?
    Merci et cordialement
    Peter

  2. Message à Mr Leeuw Peter.

    Avez vous réussi à trouver des semences ?
    Cela m intéresse car je compte faire un essai au Maroc. Merci

  3. Bonjour,
    Vous pouvez acheter la semence auprès de la Coopérative Agricole des Pays de la Loire dont vous trouverez les coordonnées sur internet.
    Opaline Lysiak

Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !

Article Précédent
Article Suivant